Quelques mots griffonnés maladroitement sur une feuille. «Je ne suis plus assez forte. Trop de pression travail.» Puis des paroles d'adieu et d'amour à son mari et à ses deux enfants. Le corps d'Isabelle Béal a été repêché le 8 mars dernier dans un bras mort de l'Ain, à l'est de Lyon. La lettre a été retrouvée dans sa voiture, abandonnée un peu plus loin. Selon les premiers éléments de l'autopsie, qui n'est pas achevée, cette mère de famille de 41 ans se serait suicidée en absorbant une forte dose de médicaments. Isabelle Béal était chef de groupe dans le restaurant d'entreprise Sodexho de l'usine Renault Trucks à Saint-Priest (Rhône), dans la banlieue lyonnaise. Un poste «stressant», disent ses collègues de travail. «Depuis six mois, elle vivait très mal la pression qu'elle devait porter sur ses épaules, elle ne parlait que de ça, mais je ne pensais pas qu'elle en arriverait là», explique son mari Franck Galliano. Aujourd'hui, à 11 heures, un rassemblement est organisé à l'appel de la CGT devant le restaurant de l'entreprise. «En souvenir d'Isabelle et contre la violence au travail.»
Péage. Son mari voudrait qu'il y ait «une prise de conscience». Il dit : «Tant que l'on n'est pas confronté à cette chose, on n'imagine pas qu'il soit possible de se suicider à cause du travail.» Lui-même, cadre administratif et permanent syndical CGT dans un hôpital de Villeurbanne, avoue avoir eu des «a priori» sur la question du suicide de salariés. Il se souvient avoir regardé, il y a quelques mois, une émission avec sa femme sur les cas qui ont fait la une de l'actualité cet hiver : les suicidés du Technocentre Renault à Guyancourt (Yvelines) et ceux de la centrale EDF de Chinon ( Libération du 6 mars). Il se rappelle avoir pensé que, même si les syndicats avaient raison de monter au créneau, ces suicidés avaient forcément des problèmes personnels. Il a changé d'avis et a du mal à contenir son malaise quand des amis et collègues d'Isabelle insistent pour demander s'ils avaient des problèmes de couple. Il montre la lettre, peu ambiguë, qu'elle a laissée. «Si c'est arrivé à Isabelle, cela peut arriver à tout le monde, prévient-il. Elle faisait partie de ces personnes qu'on n'aurait jamais crues capables d'un tel geste.»
Le 27 février dernier, comme chaque mardi soir, Isabelle Béal a déposé son fils de 10 ans chez une de ses amies, pour qu'il y passe la nuit. Elle lui a dit : «A demain.» Et n'est jamais rentrée chez elle. Son compte en banque indique qu'elle est passée au péage de Beynost, dans l'Ain. Son mari a multiplié les recherches, il est même allé jusqu'à louer un hélicoptère. Les gendarmes finiront par retrouver le corps huit jours plus tard. Avec la lettre. Selon Nathalie Genevoix, une de ses collègues et amie, Isabelle Béal, fille «compétente et intelligente», subissait une pression importante de la direction de son restaurant. «On lui demandait de se faire respecter et obéir. Ce n'était pas évident pour ce petit bout de femme.» «Depuis quelque temps, elle pleurait tout le temps.» Isabelle Béal avait sous sa responsabilité une quarantaine d'employés, surtout des femmes, et devait assurer l'organisation de 1 500 repas par jour. Entrée comme serveuse chez Sodexho, elle avait peu à peu gravi les marches de l'entreprise. Avec une certaine fierté, mais aussi avec le sentiment de se retrouver souvent prise en étau entre l'équipe, «les filles», ses copines, et la direction de Sodexho.
«Pression». En quelques mois, son mari la voit s'enfoncer peu à peu dans un état dépressif. Elle commence à prendre des somnifères, puis des antidépresseurs. S'absente deux fois deux jours, puis deux fois trois jours. «Ça ne lui était jamais arrivé avant», précise-t-il. Selon lui, les problèmes remontent à un changement à la tête du restaurant. Depuis six mois, il n'y a en effet plus qu'un seul gérant (au lieu de deux auparavant) et les relations entre Isabelle et lui étaient tendues. Son mari pense qu' «elle n'a pas supporté les charges supplémentaires, les obligations de rentabilité, la pression de son supérieur». A plusieurs reprises, en militant syndical, il lui propose d'essayer de réagir. Elle refuse. «Je crois qu'elle aimait ce travail. Elle voulait prouver qu'elle pouvait y arriver et n'osait pas faire de bruit.»
Le mari d'Isabelle souhaiterait aujourd'hui intenter une action permettant de pointer les responsabilités de l'entreprise. «Je ne sais pas s'ils se rendent compte de cette violence», dit-il. Sodexho a envoyé une gerbe de fleurs et un représentant de la direction pour l'enterrement. Et une assistante sociale pour les formalités administratives. Une cellule de soutien psychologique a également été mise en place au restaurant. «Nous sommes bouleversés, mais nous ne comprenons pas son geste», explique Bruno Dorler, le directeur régional de Sodexho entreprises. Selon lui, il existe certainement d'autres facteurs, car elle n'avait jamais fait part de problèmes particuliers au sein de l'entreprise. Il ajoute qu'elle était appréciée pour son professionnalisme et son sérieux.
source : Libération
Péage. Son mari voudrait qu'il y ait «une prise de conscience». Il dit : «Tant que l'on n'est pas confronté à cette chose, on n'imagine pas qu'il soit possible de se suicider à cause du travail.» Lui-même, cadre administratif et permanent syndical CGT dans un hôpital de Villeurbanne, avoue avoir eu des «a priori» sur la question du suicide de salariés. Il se souvient avoir regardé, il y a quelques mois, une émission avec sa femme sur les cas qui ont fait la une de l'actualité cet hiver : les suicidés du Technocentre Renault à Guyancourt (Yvelines) et ceux de la centrale EDF de Chinon ( Libération du 6 mars). Il se rappelle avoir pensé que, même si les syndicats avaient raison de monter au créneau, ces suicidés avaient forcément des problèmes personnels. Il a changé d'avis et a du mal à contenir son malaise quand des amis et collègues d'Isabelle insistent pour demander s'ils avaient des problèmes de couple. Il montre la lettre, peu ambiguë, qu'elle a laissée. «Si c'est arrivé à Isabelle, cela peut arriver à tout le monde, prévient-il. Elle faisait partie de ces personnes qu'on n'aurait jamais crues capables d'un tel geste.»
Le 27 février dernier, comme chaque mardi soir, Isabelle Béal a déposé son fils de 10 ans chez une de ses amies, pour qu'il y passe la nuit. Elle lui a dit : «A demain.» Et n'est jamais rentrée chez elle. Son compte en banque indique qu'elle est passée au péage de Beynost, dans l'Ain. Son mari a multiplié les recherches, il est même allé jusqu'à louer un hélicoptère. Les gendarmes finiront par retrouver le corps huit jours plus tard. Avec la lettre. Selon Nathalie Genevoix, une de ses collègues et amie, Isabelle Béal, fille «compétente et intelligente», subissait une pression importante de la direction de son restaurant. «On lui demandait de se faire respecter et obéir. Ce n'était pas évident pour ce petit bout de femme.» «Depuis quelque temps, elle pleurait tout le temps.» Isabelle Béal avait sous sa responsabilité une quarantaine d'employés, surtout des femmes, et devait assurer l'organisation de 1 500 repas par jour. Entrée comme serveuse chez Sodexho, elle avait peu à peu gravi les marches de l'entreprise. Avec une certaine fierté, mais aussi avec le sentiment de se retrouver souvent prise en étau entre l'équipe, «les filles», ses copines, et la direction de Sodexho.
«Pression». En quelques mois, son mari la voit s'enfoncer peu à peu dans un état dépressif. Elle commence à prendre des somnifères, puis des antidépresseurs. S'absente deux fois deux jours, puis deux fois trois jours. «Ça ne lui était jamais arrivé avant», précise-t-il. Selon lui, les problèmes remontent à un changement à la tête du restaurant. Depuis six mois, il n'y a en effet plus qu'un seul gérant (au lieu de deux auparavant) et les relations entre Isabelle et lui étaient tendues. Son mari pense qu' «elle n'a pas supporté les charges supplémentaires, les obligations de rentabilité, la pression de son supérieur». A plusieurs reprises, en militant syndical, il lui propose d'essayer de réagir. Elle refuse. «Je crois qu'elle aimait ce travail. Elle voulait prouver qu'elle pouvait y arriver et n'osait pas faire de bruit.»
Le mari d'Isabelle souhaiterait aujourd'hui intenter une action permettant de pointer les responsabilités de l'entreprise. «Je ne sais pas s'ils se rendent compte de cette violence», dit-il. Sodexho a envoyé une gerbe de fleurs et un représentant de la direction pour l'enterrement. Et une assistante sociale pour les formalités administratives. Une cellule de soutien psychologique a également été mise en place au restaurant. «Nous sommes bouleversés, mais nous ne comprenons pas son geste», explique Bruno Dorler, le directeur régional de Sodexho entreprises. Selon lui, il existe certainement d'autres facteurs, car elle n'avait jamais fait part de problèmes particuliers au sein de l'entreprise. Il ajoute qu'elle était appréciée pour son professionnalisme et son sérieux.
source : Libération
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