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Le chercheur français retenu en Iran enquêtait sur la minorité sunnite

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  • Le chercheur français retenu en Iran enquêtait sur la minorité sunnite

    Le chercheur français bloqué en Iran témoigne
    A Teheran, Delphine Minoui


    EXCLUSIF Stéphane Dudoignon, retenu en Iran depuis le 30 janvier dernier, confie au Figaro pourquoi il est «condamné à attendre». Paris affirme avoir reçu des signes "encourageants" de la part de Téhéran.

    Ce jour-là, la foule remplit la place principale de la bourgade de Konarak, non loin de Chah Bahar, sur les rives du Golfe d’Oman. Perdu dans la masse de badauds iraniens, venus célébrer les festivités chiites de l’Achoura, Stéphane Dudoignon se met à photographier la procession religieuse. « C’était une image très visuelle, où l’on voyait les chiites en noir se frapper la poitrine, et les sunnites, tout en blanc, regarder le défilé», se souvient le chercheur français qui s’intéresse, depuis trois ans, à la minorité sunnite du sud ouest de l’Iran. C’est ce cliché, d’apparence anodine, pris il y a deux mois, qui lui vaut d’être aujourd’hui assigné à résidence à Téhéran. Sans passeport, sans ordinateur, sans appareil photo.

    Les trois objets inséparables de cet historien rattaché au CNRS, âgé de 45 ans, et marié à une Iranienne, ont été saisi par la police locale, ce 30 janvier, et ne lui ont jamais été rendus. Entre-temps, son visa d’un mois a expiré. Et Stéphane Dugoignon se trouve dans une situation bien étrange. Assigné à résidence chez ses beaux-parents, depuis qu’il a été rapatrié, sous escorte, à Téhéran, il ne peut quitter le pays et ses déplacements sont limités à la capitale iranienne. En revanche, il ne fait l’objet d’aucune inculpation. « Je suis condamné à attendre. Mais ça commence à faire long», se désole-t-il. Son épouse, en déplacement au Japon au moment de l’incident, n’ose pas revenir au pays.

    Baroudeur, - il arpente les sentiers d’Asie centrale depuis vingt ans -, mais loin d’être une tête brûlée, Stéphane Dugoignon, visage à la Robinson Crusoé orné de fines lunettes, s’est toujours efforcé de travailler en toute transparence. C’est sur invitation officielle de l’IFRI (Institut Français de Recherche en Iran) qu’il s’est rendu à trois reprises dans le Sistan Baloutchistan, au cours de ces trois dernières années. « J’ai toujours travaillé sans problème aux archives nationales. J’ai fait des interviews de cheikhs sunnites dans le bureau d’un gouverneur local, j’ai rencontré des notables. Les autorités locales savaient parfaitement ce que je faisais, et je n’ai jamais été appréhendé auparavant », remarque Stéphane Dugoignon. Et à la différence d’un ami chercheur travaillant actuellement sur la question des Azéris, une autre minorité du pays, il ne s’est jamais vu refuser aucun visa d’entrée dans le pays.

    « On ne veut pas que ça sorte »

    C’est le sujet de ses recherches, à une période particulièrement sensible, qui a commencé à déranger. Spécialiste de l’islam contemporain en Asie Centrale, parfaitement russophone et persanophone, il suit de près la question sensible des sunnites en Iran, qui incarnent une forme d’opposition au pouvoir chiite. Le Sistan Baloutchistan, situé à la frontière avec l’Afghanistan et le Pakistan, est régulièrement le théâtre d’attaques armées et d’altercations entre la police locale et les trafiquants de drogue. C’est aussi là bas que, 14 février dernier, des Gardiens de la révolution furent victimes d’un attentat à la bombe, dans lequel les autorités disent y voir la « main » de la Grande-Bretagne et des États-Unis, accusés de soutenir certains mouvements séparatistes sunnites.

    Convoqué aux services de renseignements de Chah Bahar, le jour de son arrestation, Stéphane Dudoignon se fait rapidement expliquer qu’il se trouvait au mauvais endroit au mauvais moment. Avec ce conseil, donné par un agent : « C’est très intéressant, le sujet sur lequel tu travailles, mais on ne veut pas que ça sorte ». Il lui est reproché d’avoir rendu visite aux membres d’une madressa locale « pas nette », et d’être allé à Konarak, « considérée comme une zone militaire interdite ». « Mais le problème, se désole Stéphane Dudoignon, c’est qu’il n’y avait aucun signe précisant la sensibilité de cette zone».

    Lors de son unique convocation à Téhéran, dix jours plus tard, au Bureau des ressortissants étrangers, le message est clair : « La prochaine fois que tu souhaites revenir en Iran, c’est pour voir ta belle-famille, c’est tout. Le reste de l’interview, d’une petite heure, s’est déroulée de manière très cordiale », précise Stéphane Dudoignon. Espoir donc d’une solution rapide. Mais depuis, c’est le silence radio. « Il y a des démarches officieuses qui sont menées ici au niveau du Ministère iranien des Affaires étrangères », confie un diplomate de l’Ambassade de France, qui suit le dossier de près. Mais, hier soir, la réponse de Téhéran au premier appel public à une solution rapide, lancé la veille par le Quai d’Orsay, se faisait toujours attendre.
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