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Quand la littérature se fait politique, la politique devient de la fiction

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  • Quand la littérature se fait politique, la politique devient de la fiction

    – «L’écrivain original, tant qu’il n’est pas mort, est toujours scandaleux» (Simone de Beauvoir). La création littéraire ne se place pas sur la balance des jugements (de valeurs). Par sa seule créativité, la littérature affirme son poids intellectuel. La légèreté d’esprit est sa Raison d’être. La littérature ne s’embarrasse pas de la lourdeur morale écrasante, de la pesanteur de la tradition archaïque. La littérature s’exhibe dans toute sa nudité imaginative. Elle exécrée s’affubler du costume bourgeois affairiste, de la tenue militaire, de l’accoutrement religieux. Elle se veut aussi libre que l’aigle surplombant la terre de ses envols dans le ciel des hautes voltiges, propices aux prouesses aériennes ailées. Elle tutoie de sa plume le firmament de la création. Elle refuse la proximité terrestre vulgaire, la promiscuité humaine médiocre. Elle ne cherche pas à peser sur la politique, ni avoir du poids dans la société. Elle ne fréquente pas les palais du pouvoir, ni les chaumières du peuple. Elle est sans domicile littéraire fixe. Elle se contente d’occuper juste son espace résidentiel créatif, intemporel et universel. Toute la terre lui appartient pour coucher ses œuvres. Elle s’étale sur toute la terre pour fertiliser son esprit, féconder son imagination, ensemencer spirituellement l’humanité de sa création. La littérature est le cauchemar des dirigeants politiques, car elle permet au peuple de rêver. Elle réveille l’intelligence qui sommeille en nous par son audacieuse prose qui ne s’accommode pas de la rampante pose, ni de la posture de l’imposture. Elle peut faire preuve d’une inventivité insolente, d’une stylistique insolite.

    L’œuvre littéraire est une fiction poétique, et non une mixtion politique. Elle œuvre à l’élévation de l’esprit, et non à l’édification du pays. D’où la nécessité de dissocier l’écrivain du politique. Si l’écrivain a pour mission de nous propulser dans les bonheurs du ciel des idées en vue de nous permettre de s’évader, le politique a pour tâche d’exposer ses concrètes idées afin de nous offrir les moyens de purger la terre de ses malheurs. L’écrivain ne se confond pas avec le politique et, surtout, il ne se fond pas dans la politique.

    L’écriture romanesque ne s’encombre pas de fioritures pour élaborer son univers. Au contraire de la politique qui s’entoure de «raclures» pour aborder sérieusement les questions universelles. Qu’on ne s’étonne pas que la politique soit éclaboussée, qu’elle devienne répugnante. Aujourd’hui, la politique ne crée plus d’avenir. Elle s’acharne à détruire le présent. Concentrée entre les mains de gangsters diplômés et costumés, la politique est devenue une arme de destruction massive des conditions de vie des peuples livrés à la paupérisation. Elle a juré de brûler nos vivantes espérances, pour nous ravaler à survivre dans l’indigence.

    Tous les programmes politiques sont rédigés avec notre soumission. Qu’on ne s’étonne pas qu’on se soumette électoralement aux politiciens maffieux, gouvernant par la grâce de notre résignation. Un programme politique s’apparente à une œuvre littéraire, c’est une pure fiction. Mais l’œuvre littéraire a au moins le mérite de nous enrichir intellectuellement. De nous offrir un récit finalisé par un heureux dénouement. Le programme politique, lui, travaille à notre dénuement. L’écrivain nous remplit d’émerveillement. Le politicien nous vide les poches merveilleusement. Le premier nous dorlote de rêves. Le second nous endort dans les cauchemars. Le premier nous délecte de récits emplis d’évasions. Le second nous berce d’illusions. Le premier construit un monde où chaque lecteur se reconnaît, bâtit un pays de cocagne. Le second déconstruit notre monde au point où l’électeur ne reconnaît plus son élu, encore moins son pays métamorphosé en bagne.

    De tous temps, les authentiques intellectuels ont eu pour mission d’alimenter les débats d’idées en vue d’éclairer l’opinion sur les enjeux de la société. Particulièrement vrai en période de crise aigüe où la société est confrontée aux déchaînements des passions, à l’émergence des pestes émotionnelles politiques, brunes ou vertes. Ces intellectuels s’engagent dans des combats universellement progressistes. Se saisissent de leur plume pour lutter contre tous les archaïsmes, les obscurantismes. Pour orienter les lecteurs vers les horizons des Lumières. Pour produire des œuvres littéraires libératrices.

    Au contraire, dans notre petite contrée Algérie, certains écrivains exilés de la patrie algérienne se complaisent plutôt à barboter, par leurs querelles d’écoliers, dans la cour de récréation. Ils sont ballottés entre la création littéraire et la critique politicienne. Ils se positionnent en donneurs de leçons politiques et en censeurs littéraires. Ils se sont autoproclamé la conscience morale de l’Algérie.

    C’est ainsi que certains de nos plumitifs algériens de l’étranger, coulant un exil doré, comme de l’intérieur, exilés dans les quartiers cossus, s’adonnent au torpillage systématique de nos rares célèbres écrivains, tels Kamel Daoud, Boualem Sansal, Yasmina Khadra. A croire que ces brillantes célébrités littéraires les empêchent de dormir, à force de guetter leurs fulgurantes et scintillantes étoiles se déployer majestueusement dans le ciel de la République des lettres algériennes et internationales.

    Rien ne trouve grâce à leurs yeux, toujours cernés de sombres analyses dès lors qu’il s’agit de traiter de la politique nationale algérienne. De manière récurrente, ils s’acharnent à asséner des coups de verge contre nos rares libres écrivains algériens.

    Au reste, personne n’ignore que l’Algérie dispose d’un nombre d’écrivains tellement modestes qu’ils peuvent à peine tout juste remplir une voiture. Pourtant, au lieu de contribuer à leur préservation comme emblème national, encore mieux, à la naissance et à la croissance vertigineuse d’une élite intellectuelle algérienne orfèvre de la plume, d’aucuns s’acharnent, au contraire, à tuer dans l’œuf toutes les intelligences novatrices et iconoclastes, par leurs anathèmes décochés contre leurs cibles récurrentes, favorites algériennes, émergentes, énergisantes et dérangeantes.

    En revanche, dans leurs frénétiques et fanatiques contributions, avec dévotion et émotion, ils n’hésitent pas à encenser fièrement des écrivains étrangers, notamment ce libidineux et sadique personnage islamiste égyptien Tariq Ramadan, à qui ils tressent des couronnes de bravoure, ce vaillant salonnard, salopard, hagar n’ssa. Par leurs articles dithyrambiques, très élogieux à l’égard de ce faussaire professeur réactionnaire, propagateur d’un salafisme saupoudré de modernité et épicé de mondanité, ils nous prouvent à quelle confrérie ils appartiennent. Dans quel camp ils se rangent. Pour quelles personnes se portent leurs sympathies.

    En outre, ces autoproclamées consciences nationales scribouillardes s’abritent, constamment, derrière la cause palestinienne pour tracer la ligne de démarcation de l’engagement politique. Pour délimiter, selon une conception arabo-islamiste, la frontière entre l’intellectuel algérien digne d’être rangé parmi les nobles écrivains ou parmi les renégats à la solde du sionisme (sic). Ainsi, le critère moral et littéraire du bon écrivain algérien s’évalue, selon ces augustes plumitifs, à l’aune de son enrôlement à la cause palestinienne (à laquelle vient de se greffer la cause du Hirak), et non de son génie littéraire, de sa production livresque.

    Avec leurs obsessionnelles critiques virulentes menées contre tous ces grands écrivains algériens, ces littérateurs anonymes dévoilent des personnalités marquées par la prégnance d’ambitions contrariées. Dommage pour eux. Car ils sont dotés de grandes capacités littéraires. Ils maîtrisent avec virtuosité la langue de Molière. Mais ils n’ont pas l’étoffe de l’écrivain. Ou, plutôt, ils refusent d’étoffer leur écriture par une prodigieuse créativité littéraire pour devenir de grands écrivains.

    Tant qu’ils sont en âge de procréer, ces plumitifs feraient mieux d’enfanter des livres de grande facture, au lieu de s’occuper à fracturer nos rares écrivains algériens embryonnaires. On aimerait mieux les voir, tels des lions couronnés de succès, sur les écrans de télévision exhiber régulièrement leurs nouvelles œuvres, au lieu de s’embusquer, tels des loups, derrière l’écran de leur ordinateur à scruter la moindre sortie médiatique de Kamel Daoud, de Boualem Sansal ou autre écrivain algérien, pour bondir sur leur Personne (et non pas sur leurs productions littéraires) en vue de les dépecer à belles dents, les livrer en pâture à la vindicte populeuse. Curieusement, ils ne démolissent que les écrivains algériens.

    En effet, dans leurs contributions consacrées à ces célèbres écrivains algériens, auscultés au stéthoscope littéraire cliniquement manié, disséqués à la tronçonneuse analytique massacreuse, il ne s’agit jamais de critiques littéraires, mais de véritables attaques personnelles. Ces contempteurs ne dissertent pas sur la qualité romanesque de ces écrivains algériens vilipendés ; sur leur style littéraire, mais leur valeur morale jaugée et jugée par l’unique prisme de leurs prises de position politique, réduite à sa plus simple expression, à savoir la cause palestinienne, et depuis peu, à l’aune de la cause hirakienne.

    Ces détracteurs ne nous livrent pas des analyses académiques littéraires sur leurs créations romanesques, mais des charges personnelles, de véritables diatribes, injustifiées et illégitimes. Cette incorrection éducative ne les honore pas.

    Probablement frustrés par l’absence de célébrité, ne tolèrent-ils pas que d’autres écrivains algériens disposent de talents intellectuels prodigieusement prolifiques, jouissent de couvertures médiatiques internationales. Pourtant, la célébrité est à leur portée de main. Il leur suffit d’employer leur main pour s’emparer de la bonne plume : celle de la littérature et non celle de la médisance. Qu’ils nous fassent rêver avec leur plume, pour nous évader de cette Algérie cauchemardesque intellectuellement déplumée. Qu’ils redonnent à l’Algérie ses ailes littéraires. Qu’ils transforment chaque Algérien en aigle de la pensée par leurs transportantes créations romanesques.

    Cessons d’être des vautours constamment en train de dépecer la moindre créativité intellectuelle algérienne originale. Nous aimons nous entre-dévorer, nous offrir en pâture à l’ennemi, être la risée des autres nations. Dès qu’une tête brillante émerge dans le ciel bleu azur algérien, les corbeaux de la pensée unique et inique lui mutilent les ailes. Ces serpents plumitifs emplis de venin, rampant au sol, jalousent les créatures intellectuelles ailées qui volent librement dans l’immensité du ciel de la création.

    A titre personnel, je ne suis absolument pas un béat admirateur des écrivains Kamel Daoud, Boualem Sansal, Yasmina Khadra (je leur préfère de loin la prestigieuse plume de Rachid Mimouni, Rachid Boudjedra, Kateb Yacine, Mohamed Dib, Assia Djebar, etc.). Mais certains critiques fielleusement envieux les ont rendus, à mes yeux, plus sympathiques, plus courageux. D’authentiques intellectuels algériens modernes iconoclastes. Quoique sur des positionnements politiques condamnables, ils manifestent à leur manière leur liberté d’esprit, leur indépendance intellectuelle.

    Peu me chaut que tel écrivain algérien soutient Bouteflika, Tebboune, Mokri ; vote islamiste ou berbériste ; défend le Hirak ou le fustige. Il est libre d’avoir des opinions politiques, des obédiences idéologiques. Je défendrai toujours son droit à la liberté d’expression. La littérature ne s’encombre pas de couleur politique, ni de mélodie idéologique. Seul compte l’arc-en-ciel sémantique de ses expressions textuelles, la symphonie narrative de ses récits romanesques, censés nous éblouir, nous étourdir, nous divertir, nous enivrer, nous enchanter.

    Faute de quoi, c’est la porte ouverte à la pensée unique dictée par une société inique. L’époque des commissaires politiques de la pensée est révolue. Le jdanovisme culturel chargé d’encadrer les écrivains pour les assigner à des productions littéraires façonnées, selon les canons de la doxa totalitaire dominante, fondée sur le «politiquement correct» appartient à une époque périmée.

    Il faut dissocier l’œuvre de son auteur. Différencier l’écrivain de l’homme public.

    «Un mot n’est pas le même dans un écrivain et dans un autre. L’un se l’arrache du ventre. L’autre le tire de la poche de son pardessus» (Charles Péguy).
    Par Mesloub Khide
    Algérie Patriotique - date : 02-02-2020
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