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L'essoufflement

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  • L'essoufflement

    Essoufflement ne rime forcément pas avec abandon ou jet d'éponge. Il n'est pas un échec. Il peut se vêtir d'une ascension vers une cadence où de part et d'autre, silencieusement des réciprocités apaisantes lui tiennent le pas.

    Dans une vision personnel le des choses, l'on ne justifie rien. Je ne dis pas là, que nous sommes face à un échec. L'échec ne s'oppose pas au triomphe, il ne s'applique qu'aux batailles mal gagnées et définitivement closes. En presque une année d'effervescence populaire, le gain sur le plan politique exige davantage de corroboration. Il n'a pas à se circonscrire dans la nouveauté d'une élection, l'avènement d'un gouvernement et la re-nomination des walis.

    Je ne suis apte à nulle polémique, je n'exacerbe aucun débat inutile, je tente de visser un regard sur une rue, sur une rive et son vis-à-vis. Je refuse de me réfugier dans la peau d'un champion attentiste ou dans la déception d'une plume qui cherche à émerveiller.

    La pertinence y est. La présence ne tient plus à se dévaluer par la densité d'une ville par rapport à une autre. L'essentiel réside dans la persistance sans peur ni effroi. Le mouvement populaire ressemble à peu près à ces nombreuses vagues qui naissent loin dans l'horizon de l'océan et qu'il n'y ait parmi elles que quelques vagues qui atteignent le rivage. Le déferlement des unes n'est pas un assèchement des autres. Une seule peut arroser le littoral. Un cycle itératif, qui se régénère au gré des vents et des bourrasques malgré les probables contre-courants.

    Au rythme où vont les choses d'en haut et d'en bas ; il est difficile de pouvoir croire en un changement tel que voulu par l'élan du 22 février 2019. Les plus sceptiques et les ancrés dans le tout doute mâchouillent qu'Il n'y aura pas d'autres issues que la fatalité et la résignation à ingurgiter amèrement par le peuple. Que ce dernier n'existe plus en tant que masse homogène, dense et sociétaire. Emietté par la vie et l'aléa, il est poussé à se ranger rapidement dans les positions que lui a offertes depuis peu l'organisation politique nationale. Le besoin immédiat matériel fait parfois oublier l'idéal politique et laisse son titulaire toujours attaché juste à sa satisfaction. On l'aurait vu, depuis le panel du dialogue jusqu'au pourvoi de certains postes ministériels. Le plus noble dans les mots d'ordre du soulèvement n'était que de substance politique, profonde et vertueuse. Le changement du régime, de ses modes de gouvernance, de ses hommes, de ses reflexes. Ou en sommes-nous ?

    Beaucoup de personnes sont « changées » ou ont été changées sans qu'il n'y ait de changement par leur changement. Des ministres aux walis passant par ces postes centraux qui n'apparaissent pas au grand public ; le pays l'on dirait a fait sa mue. En vrai, seuls les noms et prénoms ont connu des variations, des disgrâces ou des promotions. La révolution, le Hirak, le soulèvement enfin sous tous ses identifiants ; le 22 février peine à atteindre ses objectifs.

    Il semblerait, à le voir dans les yeux des gens et dans le lourd quotidien des citoyens, qu'une certaine charge de plomb surplombe le pays. Tout est en marche pourtant tout s'arrête de fonctionner normalement. La continuité est visible dans le fait, le discours tente de la contredire. La vertu s'évertue publiquement à venir se compartimenter aisément et sans truc de conscience au sein même de nos méninges. Que resterait-il à la politique si elle ne pouvait s'exercer que dans une obéissance virginale au son d'une cadence caporalisée ? La mutation de l'exercice politique d'un salon ténébreux vers un studio éclairé, ramènerait toutefois quelques brins de lueurs. Les élections récentes ont fait jaser plus d'un, sauf ceux à qui la puissance du voltage électoral a tenu à redorer un blason en haillons, terni et essoufflé.

    Et si l'on compulsait un tout p'tit peu les entrailles du Hirak ne va-t-on y trouver quelque part en filigrane, une lutte de classe ? Ou bien cette lutte n'est maintenant qu'une vague histoire de théorie.

    D'habitude et à travers les annales de la chronologie c'est au peuple que revient la source génésiaque de toute révolution. Le changement dans sa décantation de soulèvement ne saura en ces jours parvenir des profondeurs du peuple que si les mêmes idéaux du 22 février, sans individualisme, sans ghetto puissent encore rassembler les uns et les autres. .

    Comme l'histoire, parfois l'actualité est plus têtue et ne se désabuse de rien en voulant se faire vivre dans un dénuement total. L'émeute qui était dans les années récentes comme un vent sournois allant dans toutes les directions fou et affolé, s'est vite faite habitée par un pacifisme exemplaire. C'est justement cette nature de paix urbaine qui conditionnera le prochain souffle. Donc l'essoufflement ne sera qu'un renouvellement de ferveur et de détermination, à la longue.

    Pour ce qui est de ces vendredis et mardis , l'expression est loin d'être une démonstration de force mais une affiche signalétique douce et patriotique que tout ou presque rien n'a changé.

    Que la volonté de vouloir voir les choses publiques vitupérées disparaitre du paysage national.

    Des pans ont été timidement franchis par la prise de quelques mesurettes non encore mises en relief. Le gouvernement à ce jour n'a pas présenté de programme, hormis quelques annonces en quête de maintenir la patience et donner out à un avenir que l'on promet radieux. Ainsi ce ne sert à rien, dans un système informatique de se limiter juste à modifier certains logiciels ou des outils et gadgets périphériques si l'on ne rentre pas révolutionnairement dans le noyau de l'unité centrale.

    L'on assiste en toute évidence à une faiblesse de regroupement, à de moindres masses.

    Tant à Alger que dans les autres wilayas. Les motifs seraient multiples.

    C'est selon. La contrainte, les barricades, l'étranglement sécuritaires, l'isolement mais aussi la perte d'espoir et la frustration quand il ne s'agit pas simplement de convictions personnelles.

    Le Hirak n'est pas une conversation bruyante de week-end qu'entretient un grand public. A moins que la lexicologie s'absout dans les atermoiements langagiers d'une contrée à une autre, ce grand public n'est autre qu'une fusion populaire qui combine en son sein le lettré, l'intellectuel, le sans-emploi, le filou, le dévot, le faux, le juste, l'aigri, le rêveur, le sans-avis.

    Oui, ce grand public, sans abus, a le droit d'accès à ces prises de situations et leur contraire afin de ne pas se laisser tomber dans son embarras par-devant une situation d'accaparement de souveraineté.

    Quoique qu'il advienne, peu importe les impasses du temps ou les embûches des maîtres de céans, le peuple reste invincible. Il aurait à connaître des halètements, des ruptures dans le processus historique mais jamais à subir l'effritement ou la déchéance fatale. En vérité tout ce qui s'est passé une année durant n'a été qu'un cri d'ensemble pour une meilleure hygiène politique, pour une désinfection radicale de l'espace pollué par le virus de la rapine, du copinage et de l'esbroufe.

    La contestation avait certes gagné tous les cœurs des Algériens et les avait délivrés avec franchise des prudences et des hésitations qui lui alourdissaient toute expression.

    Des qualifications minimisées ou exagérées étaient venues pour donner une définition au souffle naissant de ce 22 février. Révolution, soulèvement, insurrection, intifafdha pour se voir couronner presque par consensus à un hirak ou harak.

    Parfois, la folie sémantique s'est incrustée jusqu'à l'attribution de l'événement à des éléments extrahumains ou à un oracle divin.

    Que dire, alors de ces comparaisons frisant l'outrecuidance en traçant pour plaire ou paraitre pro-hirak des ressemblances embryonnaires avec la révolution de novembre ? Novembre était une guerre d'indépendance et de libération ; février est une révolution pour la liberté et le bonheur. Point barre.

    En tous les cas, le pouvoir avec tous segments aura tout à gagner à valoriser cette expression commune et qui par ailleurs traduit bien ses propres promesses. Tebboune avait prêté serment de se soumettre à la volonté du peuple. Ceux qui sont encore dans la rue, oui ne représenteraient pas dans l'absolu la totalité du peuple, mais expriment la relativité de ce qui se triture dans les cavités de ceux qui restent silencieux et alertes.

    Il ne s'agit nullement de guerre ou d'affrontement dans de tranchées différentes. Entre patriotes et ennemis.

    C'est du pays que cela ressort. L'avenir est collectif et chacun est en mesure d'apporter du sien et tend à aimer autrement son pays. Cependant énormément de choses demeurent faisables et s'espèrent s'identifier dans ce qui se scande et aussi dans ce qui se prépare à la présidence.

    Ce n'est pas une nouvelle constitution qui fera taire la rue ou refroidir les têtes.

    C'est sa façon de l'écrire. Pour les autres actions du gouvernement, seule la vie quotidienne, de tous les jours, dans les bureaux, les transports, au marché, à l'école, chez soi, ses vacances, durant son ramadhan, dans ses chimères ou misères, en son for intérieur saura démontrer où se situe l'essoufflement.

    Il ne serait pas là où l'on pense. Il pourrait bien prendre un revers de négation et de déni et s'habiller de costume et de cravate. Le dégonflement.

    Par : El Yazid Dib
    Jeudi 6 février 2020 le Quotidien Oran
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