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J’ai raté la révolution du 22 février.

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  • J’ai raté la révolution du 22 février.

    Quand on part.
    Quand on part, on a toujours raison.
    J’avais mille raisons de partir. J’avais surtout raison de partir. C’était le seul choix valable, mais pas que. C’était aussi le bon choix. Le meilleur. A ma famille je n’ai presque rien dit. Nous étions quelques-uns tenus au secret de ce départ inattendu, pas programmé, pas désiré. Il s’est imposé, mais j’étais sûr d’avoir raison.

    En plus Ana manti7ch mel 3oud (je ne tombe pas du cheval), donc même si j’ai tort, je trouverai mille excuses, mille raisons d’avoir raison.
    Le jour ou j’ai mis le pied sur le sol américain, j’étais convaincu d’avoir raison.
    J’ai eu de la chance, ou je l’ai provoqué, ou alors ce n’était pas de la chance, juste le destin ou je ne sais quoi. La vie.
    L’Amérique, les américains, les algériens d’Amérique, les tawa3na de Madagascar, de l’UMA et de MENA ou du Guatemala m’ont donné toutes les raisons d’avoir raison. Rachid, Moh, Kamel, Fredj, Tito, Benoit, Sabine, Victoria, Lana, Steve, Nadia, Colin et tous ceux que la vie a mis sur mon chemin. Inestimable. “Pay it forward” they say. N’essaie pas de rendre el khir a la personne, mais transmet à quelqu’un d’autre. Sunnat El 7ayat. Je ne sais pas si j’ai été à la hauteur, mais bon, l'autoflagellation ça sera pour une autre fois.

    J’avais eu raison de partir.
    Et puis, Binatna, l’Algérie du quatrième mandat n’était pas belle à vivre, et plus le temps passait, plus les événements se succédaient plus j’étais convaincu de la chose.
    Je vais vous avouer une chose, je ne me suis jamais considéré comme un exilé ou un immigré. C’etait peut-etre du déni, ou alors parce que je ne suis pas parti jeune. Quand j’ai quitté l’Algérie, j’avais 44 ans. Toute ma vie c’est l’Algérie, mes souvenirs, mes amours, mes angoisses, mes amis, mes référents. Ma famille. Ma vie.
    Parfois, j’avais l’impression que ceux qui étaient en Algérie pensaient que les immigrés/exilés se réjouissaient lorsque c’était lekhra au bled. Moi aussi je le pensais et ça me cassait les ********. Mais en fait non. On veut juste se persuader qu’on avait raison. Trouver des raisons de supporter des milliers de rêves, chaque nuit. Des rêves de son quartier, des odeurs de sa mère, de l’odeur du sachet poubelle dont parle Fellag. Il n'insultait personne Fellag. Je pense que ça lui manquait. Ça lui manque. Ça me manque.

    Les premiers temps, je rêvais tous les soirs de mon retour.
    Quelques semaines après mon arrivée ici, Yasmine, mon amie, m’a envoyé le livre de Abdelmalek Sayyad “La double absence” Lis-le”, m’a-t-elle suggéré gentiment. Je ne l’ai jamais lu, mais j’ai tourné autour. Du livre, pas de Yasmine ou Rebbi Chahed :-)
    Elle voulait que je le lise, parce qu'à un moment il dit en substance “ Dès que tu pose les pieds sur ta terre d’exil, ta terre d’absence, tu imagine déjà ton retour. C’est vrai. Abdelmalek et Yasmine avaient raison. Mais l’Amérique et la méthode Coué on eu raison d’eux.
    L’Amérique est belle. Ce pays est une vraie merveille Ouallah. Du moins Providence, c’est beau, c’est vert, on y mange bien, c’est intelligent, ce n’est ni trop grand ni trop petit, et en plus il y a beaucoup de portugais, donc physiquement ça va, on se sent binatna. Il y fait bon vivre et je m’y plais. Du coup, je rêvais de moins en moins de mon retour. Je me détachait. Ma mère est morte, mon père vient chaque année et je le reçois chez moi. J’en suis fier. Ce pays m’a offert de la dignité et un avenir radieux pour mes enfants. Rachid, celui qui m’a amené ici, m’a dit un jour “ Ki twelli tnoum en anglais a3ref belli rak hna khlass” Rachid a eu raison , I started to dream in English. Désolé Yasmine, désolé Abdelmalek Sayyad…

    Et puis un jour Kherrata, ou Bordj ou Khenchela ou Ain El Baida, je ne sais plus et je m’en fiche. Et puis un jour, ma famille, mes odeurs, mes amis, ma vie, mon peuple, mon pays a décidé de se réveiller. De me réveiller. Esma7li Rachid, pardon ma famille, mes amis, mais depuis ce jour-là je ne suis plus là. Abdelmalek Sayyad is back. Sa7a Yasmine
    “Si Tu me cherches, Chui plus là” kima Qal Soolking. Khlass l’anglais, khlass Providence, khlassou les souvenirs et les rêves américains. Je ne sais pas ce qui s’est passé aux USA depuis un an. Désolé Salah Badis je n’ai rien à te dire sur l'Amérique de 2019 car je n’y ai pas vécu. Quelqu’un m’a dit “ matechfa walou parce que 3am enta khabet” c’est possible, mais Essekrane bethawra 7alou ma3dour.

    Pourquoi cette photo ? Parce que c’est le Night King qui touche Bran Stark, le three-eyed Raven (DRS ta3 lakhour) et que quelque chose m’a touché (Désolé je peux pas en dire plus Chalghoumi Style) Et que ida chfitou je revois Game Of Thrones et je ne le regrette pas, mais je peux pas en dire plus. Rani netbahlal. Pardon.
    Dans Game Of Thrones, quand le Night King touche Bran Stark, c’est le début de quelque chose et la fin d’une autre. Ah oui ! Bran Stark vit, en quelque sorte, des rêves éveillés. Il a le pouvoir de se transposer, de se désincarner et de se réincarner dans d’autres réalités, mais loukane itewwel yeghreq. et c’est exactement ce qui m’est arrivé.
    "It is beautiful beneath the sea, but if you stay too long, you'll drown"
    Je dormais en février 2019. Le 7irak est venu, il m’a touché, emmené ailleurs. Je ne me suis jamais réveillé. Je me suis noyé en vous, bu chacun de vos rêves, de vos espoirs jusqu'à en suffoquer. Vive la révolution du 22 février que j’ai raté et au diable le reste du monde. Il n’y a que toi qui compte. Burn them all !

    Abdallah Benadouda
    L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote
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