Dans le gros bourg de Tan-Tan le mois de février bas-le-rappel d’une mémoire toujours vive, celle d’un songe narré par les anciens qui se fracasse infatigablement au pied de la bannière Ecouvillon.
« Le 10 février 1958, à 14 heures 55, une compagnie de parachutistes espagnols, transportée par les Nord 2 501 de l'Armée de l'Air française, est larguée sur Smara... Attaque à la grenade. Mitraillettes, soutien des mitrailleuses, appui des mortiers : le poste abandonné depuis près de deux ans est réoccupé, et à nouveau le drapeau sang et or de l'Espagne flotte sur la célèbre casbah de Ma E l Aïnin. » C'est le Jour J de 1' « Opération Ecouvillon » qui va être menée en coopération aéro-terrestre par les troupes espagnoles débouchant d'El Aïoun et les troupes françaises venues de Fort-Trinquet. Dès l'aube, des unités françaises — groupements motorisés menés à rude allure par le colonel Graal — avaient pénétré en territoire espagnol de la Seguiet E l Hamra et, débordant Smara, se tenaient prêtes à appuyer, en cas de besoin, l'attaque des paras espagnols. Satisfait de cette première action, bourrant sa pipe — toujours la même, témoin discret de ses nombreuses campagnes — le général Burgund, Commandant supérieur des troupes en A. 0. F., qui a conçu et qui maintenant dirige « Ecouvillon », saute à Dakar dans son avion pour se poser à Fort-Trinquet où il a mis en place son état major opérationnel. — Ordres particuliers pour, la journée de J 2 ! Dans l'étroite pièce qui fait office de P. C , des cartes marquées de bleu et de rouge, de petits clous multicolores indiquent déjà la progression de l'opération et les besoins des unités engagées. Sur une table basse, autour du képi à quatre étoiles du « patron », on voit des bérets rouges de paras, des calots marqués de l'ancre de la « Coloniale », de la grenade de la Légion, des ailes de l'Armée de l'Air ou du croissant et de l'étoile des compagnies sahariennes ; on voit aussi une casquette vert-olive à large visière noire... Les officiers qui font cercle autour du général portent un battle-dress kaki, la tenue de saut léopard ou la combinaison de vol. Parmi eux, un uniforme vert : c'est le lieutenant-colonel breveté Messeguer, qui a suivi jadis à Paris les cours de l'École de Guerre et que le général Hector Vasquez, commandant en chef de l'Opération, du côté espagnol, a détaché auprès du général Burgund comme officier de liaison. Les voix de tous se perdent dans un soudain fracas : quatre bombardier B 26 décollent. Puis c'est un bruit métallique de palmes et d'air furieusement brassé : un hélicoptère Bell G 44 amène à l'antenne chirurgicale les premiers blessés. Déjà infirmiers et infirmières courent vers les brancards. Fort-Trinquet qui frémit d'une vie si intense ne connaissait jusqu'alors que le silence, un silence accablant troublé la nuit par les seuls abois des hyènes, la voix eni*ouée des chacals et les hurlements du vent entre les Guelbs. Dernière fenêtre de la Mauritanie vers le nord, Fort-Trinquet n'était qu'une petite garnison : quelques goumiers autour d'un « Résident », le plus souvent un jeune lieutenant venu faire ici son apprentissage de. désert. Étape sur les routes du ciel, avec sa très moderne station-météo et de radioguidage, son phare qui toutes les nuits balaie des étoiles, FortTrinquet, bien connu des pilotes de ligne qui, après les lumières de la baie d'Agadir cherchent vers Dakar des points pour préciser leurs positions, recevait aussi pour de courts séjours une douzaine de techniciens : patois bretons ou auvergnats, jeux de pétanque à l'heure de l'anisette amenaient un peu de diversion en ces lieux figés... Plate-forme d' « Ëcouvillon », Fort-Trinquet devient soudain la base militaire la plus importante d'Afrique occidentale ! Des camps de toile, aux tentes vertes rigoureusement alignées, occupent tout le camp, défendus par un double réseau de barbelés où sont fixés des pancartes à têtes de morts et tibias entrecroisés : Attention Mines! : pour éviter toute.attaque par surprise, le terrain a été miné dès la première alerte, un an auparavant.
« Le 10 février 1958, à 14 heures 55, une compagnie de parachutistes espagnols, transportée par les Nord 2 501 de l'Armée de l'Air française, est larguée sur Smara... Attaque à la grenade. Mitraillettes, soutien des mitrailleuses, appui des mortiers : le poste abandonné depuis près de deux ans est réoccupé, et à nouveau le drapeau sang et or de l'Espagne flotte sur la célèbre casbah de Ma E l Aïnin. » C'est le Jour J de 1' « Opération Ecouvillon » qui va être menée en coopération aéro-terrestre par les troupes espagnoles débouchant d'El Aïoun et les troupes françaises venues de Fort-Trinquet. Dès l'aube, des unités françaises — groupements motorisés menés à rude allure par le colonel Graal — avaient pénétré en territoire espagnol de la Seguiet E l Hamra et, débordant Smara, se tenaient prêtes à appuyer, en cas de besoin, l'attaque des paras espagnols. Satisfait de cette première action, bourrant sa pipe — toujours la même, témoin discret de ses nombreuses campagnes — le général Burgund, Commandant supérieur des troupes en A. 0. F., qui a conçu et qui maintenant dirige « Ecouvillon », saute à Dakar dans son avion pour se poser à Fort-Trinquet où il a mis en place son état major opérationnel. — Ordres particuliers pour, la journée de J 2 ! Dans l'étroite pièce qui fait office de P. C , des cartes marquées de bleu et de rouge, de petits clous multicolores indiquent déjà la progression de l'opération et les besoins des unités engagées. Sur une table basse, autour du képi à quatre étoiles du « patron », on voit des bérets rouges de paras, des calots marqués de l'ancre de la « Coloniale », de la grenade de la Légion, des ailes de l'Armée de l'Air ou du croissant et de l'étoile des compagnies sahariennes ; on voit aussi une casquette vert-olive à large visière noire... Les officiers qui font cercle autour du général portent un battle-dress kaki, la tenue de saut léopard ou la combinaison de vol. Parmi eux, un uniforme vert : c'est le lieutenant-colonel breveté Messeguer, qui a suivi jadis à Paris les cours de l'École de Guerre et que le général Hector Vasquez, commandant en chef de l'Opération, du côté espagnol, a détaché auprès du général Burgund comme officier de liaison. Les voix de tous se perdent dans un soudain fracas : quatre bombardier B 26 décollent. Puis c'est un bruit métallique de palmes et d'air furieusement brassé : un hélicoptère Bell G 44 amène à l'antenne chirurgicale les premiers blessés. Déjà infirmiers et infirmières courent vers les brancards. Fort-Trinquet qui frémit d'une vie si intense ne connaissait jusqu'alors que le silence, un silence accablant troublé la nuit par les seuls abois des hyènes, la voix eni*ouée des chacals et les hurlements du vent entre les Guelbs. Dernière fenêtre de la Mauritanie vers le nord, Fort-Trinquet n'était qu'une petite garnison : quelques goumiers autour d'un « Résident », le plus souvent un jeune lieutenant venu faire ici son apprentissage de. désert. Étape sur les routes du ciel, avec sa très moderne station-météo et de radioguidage, son phare qui toutes les nuits balaie des étoiles, FortTrinquet, bien connu des pilotes de ligne qui, après les lumières de la baie d'Agadir cherchent vers Dakar des points pour préciser leurs positions, recevait aussi pour de courts séjours une douzaine de techniciens : patois bretons ou auvergnats, jeux de pétanque à l'heure de l'anisette amenaient un peu de diversion en ces lieux figés... Plate-forme d' « Ëcouvillon », Fort-Trinquet devient soudain la base militaire la plus importante d'Afrique occidentale ! Des camps de toile, aux tentes vertes rigoureusement alignées, occupent tout le camp, défendus par un double réseau de barbelés où sont fixés des pancartes à têtes de morts et tibias entrecroisés : Attention Mines! : pour éviter toute.attaque par surprise, le terrain a été miné dès la première alerte, un an auparavant.
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