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Le marché du pétrole plongé dans une crise sans précédent

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  • Le marché du pétrole plongé dans une crise sans précédent

    Armelle Bohineust, Fabrice Nodé-Langlois


    Moscou, Riyad et Washington discutent pour mettre fin à la guerre des prix. La chute inédite de la demande liée au Covid-19 leur complique la tâche.
    Le Covid-19 a bel et bien contaminé le marché mondial du pétrole. L’or noir dont les prix sont historiquement volatils a certes connu des chocs et des contre-chocs sévères, mais celui-ci est à nul autre pareil. Depuis le début de l’année, le prix du baril de brent, parti de 65 dollars, a perdu les deux tiers de sa valeur. Il restait sous 25 dollars mercredi après être passé la veille sous les 23 dollars, au plus bas depuis dix-huit ans. Cet effondrement est le résultat d’une guerre des prix surprise déclenchée début mars par la Russie et l’Arabie saoudite, doublée d’une contraction sans précédent de la demande mondiale de brut.

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    Dès la mi-janvier, la glissade du baril a commencé. C’était alors surtout la paralysie de la Chine, qui absorbe 13 % de la demande de pétrole, qui pesait sur les cours. Le 6 mars, réunion entre l’Opep à Vienne, cartel emmené par l’Arabie saoudite, et onze pays dont la Russie, associés dans l’Opep+. Objectif: réduire la production, ensemble, pour soutenir les cours. Sauf que la Russie refuse. Elle privilégie la sauvegarde de sa part de marché, tout en visant à affaiblir les producteurs de pétrole de schiste américains, dont les coûts de production sont élevés. Le surlendemain, l’Arabie saoudite prend tout le monde par surprise en annonçant une augmentation de ses exportations, et de véritables promotions sur ses livraisons. «L’Arabie saoudite ne s’est pas lancée dans cette guerre des prix de gaieté de cœur, décrypte Francis Perrin, spécialiste du pétrole à l’Iris. Les Saoudiens espèrent bien que l’effondrement des prix poussera la Russie et l’Opep+ à revenir à la table des négociations.»

    Les trois premiers producteurs mondiaux - États-Unis, Russie, Arabie saoudite - ont des intérêts objectifs à s’entendre pour stabiliser les prix

    Comme Francis Perrin, Didier Houssin, président de l’Institut français du pétrole énergies nouvelles (Ifpen) est convaincu qu’«une partie de poker s’est jouée entre deux ego». Ce ne sont pas les compagnies Rosneft et Aramco qui ont déclenché cette guerre des prix. L’aval est venu de Vladimir Poutine et de l’homme fort du royaume saoudien, le prince héritier Mohammed Ben Salman.

    L’Arabie saoudite a voulu rejouer l’épisode de 2014-2015, sur fond d’offre mondiale excédentaire, où Riyad et Moscou avaient fini par s’entendre, en 2016, sur le dos des producteurs américains, pour réduire leur production. Sauf que cette fois, ni les Russes ni les Saoudiens n’ont vu venir «l’effondrement sans précédent de la demande mondiale», estime Didier Houssin. Avec près de la moitié de l’humanité confinée pour combattre le coronavirus, l’économie mondiale est quasi à l’arrêt. Goldman Sachs évalue à plus de 10 % la contraction de la consommation d’or noir en mars et prédit près de 20 % en avril.

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    Il y a encore quelques mois, Donald Trump qui réclamait sur Twitter à l’Opep de faire baisser les prix se serait réjoui de leur chute, favorable aux consommateurs qui sont autant d’électeurs. Mais à 25 dollars le baril, c’est l’industrie pétrolière américaine, très concentrée au Texas, qui menace de s’effondrer, entraînant la Bourse avec elle. «Alors que fin 2018, la poussée de fièvre sur le marché pétrolier avait poussé le Congrès américain à sortir des tiroirs une vieille proposition de loi anti-Opep, des sénateurs et des producteurs pétroliers ont demandé récemment que le Texas fixe des quotas à la production locale et se rapproche du trust pétrolier!», raconte Antoine Rostand, président du cabinet Kayrros.

    Un baril à prix négatif!
    Les trois premiers producteurs mondiaux - États-Unis, Russie, Arabie saoudite - ont des intérêts objectifs à s’entendre pour stabiliser les prix.

    C’est à cet effet que Donald Trump a téléphoné mardi à Vladimir Poutine et s’entretient régulièrement avec les dirigeants saoudiens. «Un rapprochement pourrait produire ses effets quand la demande redémarrera», avance Antoine Rostand. Cela n’aura pas lieu avant six ou neuf mois. Mais alors, les cours augmenteront brutalement, suppute le dirigeant de Kayrros. L’Arabie et la Russie, éventuellement associés aux États-Unis, chercheront à faire remonter les prix à 60 ou 80 dollars d’ici un an.

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    En attendant, en ce début avril, la capacité disponible de stockage ne dépasse pas 1,5 milliard de barils, assure Antoine Rostand. D’ici quelques semaines, les stocks mondiaux pourraient saturer. Des producteurs devront réduire leur exploitation, au Brésil, en mer du Nord ou dans le golfe du Mexique. Une décision longue et coûteuse.

    La thrombose de brut est telle que dans certaines régions des États-Unis, des prix sont négatifs. Autrement dit, des producteurs sont prêts à payer pour écouler leur brut parce qu’arrêter leurs puits leur coûterait plus cher encore. Le baril de WTI texan ou le brent, pourraient à leur tour, selon plusieurs experts, afficher des prix en dessous de zéro!
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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