Rachid Benlabbah : «Dessaisir le CPS de la question du Sahara reste la principale réalisation du Maroc durant son mandat»
Dans une interview accordée à ********, le chercheur marocain Rachid Benlabbah, établi actuellement en Suède, évalue le mandat du Maroc au Conseil de paix et de sécurité ayant expiré le 31 mars. Il analyse également les trois années d’adhésion du royaume à l’UA et la guerre d’influence que se livrent Rabat et Alger sur la scène africaine.
Comment évaluez-vous le mandat du Maroc au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ?
Le travail effectué par le Maroc au niveau du CPS durant l’année 2018 a coïncidé avec la décision 693 de l’UA (adoptée au sommet de Nouakchott de juillet 2018 sur la question du Sahara, ndlr). Il fallait au royaume s’adapter au fonctionnement d’une organisation complexe, avec sa routine bureaucratique, et en même temps défendre ses intérêts. Force est de constater qu’après une tentative en 2017, le dossier du Sahara n’a jamais figuré sur l’agenda du CPS durant le mandat du royaume. Je me demande par contre comment fonctionne la coordination entre les deux équipes marocaines à l’UA et celle à l’ONU ?
Durant ces deux années de mandat, le Maroc a-t-il réussi à convaincre d’autres Etats africains à adhérer à sa position sur la question du Sahara occidental ?
Briser l’ancrage traditionnel du Polisario en Afrique est l’un des objectifs majeurs de la politique étrangère marocaine, après le retour à l’UA. Durant ces trois dernières années des pays ont opéré un changement de leur position par rapport à la reconnaissance de la «RASD». Il y a eu les retraits de la Zambie et du Lesotho. Sans oublier que de nombreux pays -sans procéder aux retraits de leurs reconnaissances- adoptent déjà une position de neutralité et de pragmatisme comme le Nigéria, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ethiopie.
Compte tenu de ces données, je pense que l’UA peut jouer un rôle actif et impartial dans le conflit saharien. Toutefois, le grand défi pour le Maroc, reste au niveau des pays de la SADC et le pouvoir d’influence exercé par l’Afrique du Sud. Bien que Pretoria cherche actuellement à se reconstruire sur de nouvelles bases.
Comment évaluez-vous l’adhésion du Maroc à l’Union africaine ?
Je pense que durant ces trois années, le Maroc est parvenu à fixer deux grandes orientations à son action continentale. D’abord la question migratoire, hautement liée au champ sécuritaire, dont il a le leadership au sein de l’UA depuis 2018. Et la question climatique à travers la capitalisation sur le Sommet Africain de l’Action, tenu en marge de la COP22 de Marrakech en novembre 2016, soit seulement deux mois avant son retour à l’UA.
Au niveau stratégique, le 31e sommet de l’UA à Nouakchott (juillet 2018) marque un tournant. La décision 693 a en effet dessaisi le CPS de la question du Sahara, établissant une Troïka et statué sur l’exclusivité de l’ONU à examiner ce dossier. De plus et à travers les possibilités que lui offrent l’UA, le royaume a pu mobiliser 37 pays africains pour la Conférence ministérielle africaine en mars 2019 à Marrakech, dont le but justement était de réaffirmer cette exclusivité onusienne. Une place réaffirmée, d’ailleurs, par le président de la Commission Africaine, Moussa Faki, lors de l’investiture de l’Afrique du Sud à la présidence tournante de l’UA au sommet d'Addis-Abeba de février 2020. Si le Maroc était resté en dehors de l’UA, il aurait été difficile pour sa diplomatie d’atteindre ce degré d’efficacité.
J’ajoute que les relations du Maroc avec les Etats africains sont à présent moins dépendantes de la nature des liens de ces pays avec le Polisario. Il est lieu de noter également l’engagement du Parlement et de l’exécutif à défendre les positions du royaume. Les élus laissent de côté leurs litiges quant ils sont en action continentale. En revanche les actions des partis politiques et de la société civile ne sont pas encore à la hauteur. Je pense que l’orientation vers l’humanitaire et l’engagement dans les opérations de soutien à la paix (OSP) devraient contribuer davantage au renforcement de la position du Maroc sur la scène africaine.
Ya biladi
extraits()
Dans une interview accordée à ********, le chercheur marocain Rachid Benlabbah, établi actuellement en Suède, évalue le mandat du Maroc au Conseil de paix et de sécurité ayant expiré le 31 mars. Il analyse également les trois années d’adhésion du royaume à l’UA et la guerre d’influence que se livrent Rabat et Alger sur la scène africaine.
Comment évaluez-vous le mandat du Maroc au Conseil de paix et de sécurité de l’Union africaine ?
Le travail effectué par le Maroc au niveau du CPS durant l’année 2018 a coïncidé avec la décision 693 de l’UA (adoptée au sommet de Nouakchott de juillet 2018 sur la question du Sahara, ndlr). Il fallait au royaume s’adapter au fonctionnement d’une organisation complexe, avec sa routine bureaucratique, et en même temps défendre ses intérêts. Force est de constater qu’après une tentative en 2017, le dossier du Sahara n’a jamais figuré sur l’agenda du CPS durant le mandat du royaume. Je me demande par contre comment fonctionne la coordination entre les deux équipes marocaines à l’UA et celle à l’ONU ?
Durant ces deux années de mandat, le Maroc a-t-il réussi à convaincre d’autres Etats africains à adhérer à sa position sur la question du Sahara occidental ?
Briser l’ancrage traditionnel du Polisario en Afrique est l’un des objectifs majeurs de la politique étrangère marocaine, après le retour à l’UA. Durant ces trois dernières années des pays ont opéré un changement de leur position par rapport à la reconnaissance de la «RASD». Il y a eu les retraits de la Zambie et du Lesotho. Sans oublier que de nombreux pays -sans procéder aux retraits de leurs reconnaissances- adoptent déjà une position de neutralité et de pragmatisme comme le Nigéria, le Rwanda, la Tanzanie et l’Ethiopie.
Compte tenu de ces données, je pense que l’UA peut jouer un rôle actif et impartial dans le conflit saharien. Toutefois, le grand défi pour le Maroc, reste au niveau des pays de la SADC et le pouvoir d’influence exercé par l’Afrique du Sud. Bien que Pretoria cherche actuellement à se reconstruire sur de nouvelles bases.
Comment évaluez-vous l’adhésion du Maroc à l’Union africaine ?
Je pense que durant ces trois années, le Maroc est parvenu à fixer deux grandes orientations à son action continentale. D’abord la question migratoire, hautement liée au champ sécuritaire, dont il a le leadership au sein de l’UA depuis 2018. Et la question climatique à travers la capitalisation sur le Sommet Africain de l’Action, tenu en marge de la COP22 de Marrakech en novembre 2016, soit seulement deux mois avant son retour à l’UA.
Au niveau stratégique, le 31e sommet de l’UA à Nouakchott (juillet 2018) marque un tournant. La décision 693 a en effet dessaisi le CPS de la question du Sahara, établissant une Troïka et statué sur l’exclusivité de l’ONU à examiner ce dossier. De plus et à travers les possibilités que lui offrent l’UA, le royaume a pu mobiliser 37 pays africains pour la Conférence ministérielle africaine en mars 2019 à Marrakech, dont le but justement était de réaffirmer cette exclusivité onusienne. Une place réaffirmée, d’ailleurs, par le président de la Commission Africaine, Moussa Faki, lors de l’investiture de l’Afrique du Sud à la présidence tournante de l’UA au sommet d'Addis-Abeba de février 2020. Si le Maroc était resté en dehors de l’UA, il aurait été difficile pour sa diplomatie d’atteindre ce degré d’efficacité.
J’ajoute que les relations du Maroc avec les Etats africains sont à présent moins dépendantes de la nature des liens de ces pays avec le Polisario. Il est lieu de noter également l’engagement du Parlement et de l’exécutif à défendre les positions du royaume. Les élus laissent de côté leurs litiges quant ils sont en action continentale. En revanche les actions des partis politiques et de la société civile ne sont pas encore à la hauteur. Je pense que l’orientation vers l’humanitaire et l’engagement dans les opérations de soutien à la paix (OSP) devraient contribuer davantage au renforcement de la position du Maroc sur la scène africaine.
Ya biladi
extraits()
Commentaire