Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Le dernier sourire de mon ami afghan Adjmal

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Le dernier sourire de mon ami afghan Adjmal

    Deux jours après l'exécution d'Adjmal Naqshbandi, son interprète afghan enlevé en même temps que lui, le journaliste italien Daniele Mastrogiacomo raconte dans La Repubblica les derniers instants passés en sa compagnie.

    "Adjmal… Adjmal, on nous laisse partir. On est libre. Tu te rends compte ? On rentre à la maison." Mon ami et interprète afghan, Adjmal Naqshbandi, est abasourdi. Il ne comprend pas ce que je lui dis. Il me voit sautiller avec la chaîne qui me serre les chevilles. Il m'adresse un timide sourire. Il regarde autour de lui, il voit Haji Lalai, le bras droit du mollah Dadullah, le grand chef qui gère notre enlèvement depuis deux semaines.

    Nous sommes le 19 mars, un lundi. Le commandant regarde par la petite fenêtre de notre cellule et annonce : "Good news, good news. Préparez-vous, dans deux heures vous rentrez chez vous."
    Je me jette dans les bras de mon ami, je le serre fort. Les larmes coulent le long de nos visages, sales de terre et de poussière. Adjmal tremble en sanglotant. Il ne retient plus ses larmes. Mais il fait non avec la tête. Il ne veut pas y croire. Il a peur d'être encore déçu. C'est déjà arrivé, cela peut arriver encore une fois.

    Adjmal Naqshbandi avait 23 ans, deux sœurs et trois frères. Il s'était marié il y a seulement sept mois. Je l'avais connu en 2001. Il s'était présenté à la base de l'armée italienne, le long de Jalalabad Road, et s'était proposé comme interprète.

    Toujours souriant, un peu grassouillet, le visage rondouillard, les yeux sombres et doux, un filet de barbe qui terminait en un petit bouc très soigné. Il avait l'air un peu pédant. Il parlait un anglais impeccable, appris au Pakistan durant les années d'exil de la longue guerre civile. Et il avait un rêve : devenir journaliste.

    On est encore dans la cellule. Adjmal est sceptique, il ne croit pas à ce que nous dit le commandant Haji Lalai. Pourtant, c'est vrai, ils nous libèrent. Nos geôliers, des jeunes âgés d'une petite vingtaine d'années, débarquent dans la pièce en sautant et en criant de joie. Ils nous embrassent et nous prennent les mains. Ils répètent en chœur : "Free, free, you are free." Ils se penchent sur les chaînes qui nous serrent les pieds. Ils n'arrivent pas à les ouvrir. Elles n'ont pas été ouvertes depuis quinze jours et ils ont perdu les clés dans le désert. Ils se mettent à deux, puis à trois et à quatre pour tenter de casser les chaînes avec tout ce qui leur tombe sous la main. Ils commencent par Adjmal. Dans le fond, ils sont contents de nous libérer et de ne pas avoir été obligés de nous tuer. Ils l'auraient fait, certes, sans hésitation : ce sont des soldats et des soldats fanatiques.

    Ils réussissent à briser les chaînes. Mon interprète écarte enfin les jambes, il saute, marche à grands pas jusqu'au jardin extérieur. C'est maintenant mon tour.

    "Il faut y aller", exhorte le commandant, le chef de cette bande d'assassins. A l'extérieur de la ferme, au beau milieu du district de Gramser – au sud de la province d'Helmand, le cœur du territoire taliban –, deux véhicules nous attendent. Ils me poussent vers le premier. Je me retourne et je dis au revoir à Adjmal d'un geste de la main. Il me répond, je le vois finalement sourire. Il est content, il quitte la prison ; il y croit vraiment. "On se voit à Kaboul, peut-être en Italie", me crie-t-il en anglais. Du coin de l'œil, je vois Adjmal monter dans un pick-up. Je demande où il sera libéré. Le commandant Haji Lalai reste vague : "On le remet à d'autres amis."

    Je suis tendu. Les phases de la libération sont toujours les plus dangereuses. Mais je suis heureux, on rentre à la maison. Tous les deux. Mais Adjmal, je ne le reverrai plus jamais. Il a disparu dans le trou noir des talibans. Libéré et refait prisonnier. Otage à nouveau de la bande du mollah Dadullah. Peut-être encore battu, interrogé, puni. Menacé de mort. Tué. Décapité.

    Adjmal a été décapité à 11 h 30 le dimanche 8 avril, le jour de Pâques, peu avant la grande prière de l'après-midi. Les talibans sont tatillons jusque dans leurs communiqués de presse. Une sentence lue au nom d'Allah, avec en fond sonore des chants de guerre des étudiants coraniques. Les mains liées derrière le dos, les yeux bandés. Quatre bras le traînent dans le sable, l'étouffent. Un couteau lui tranche la gorge... en avant, en arrière, calmement, dans un silence glacial... et lui coupe la tête.
    Un geste barbare, cruel. Une mort injuste, gratuite, lâche.

    Daniele Mastrogiacomo, Courrier International

  • #2
    c'est une honte. pauvre eux

    j'ai failli pleurer

    Une sentence lue au nom d'Allah
    foutaise

    Commentaire


    • #3
      bouleversant.ahh les rats.

      Commentaire

      Chargement...
      X