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EN VIDÉO - Hervé Kempf : « Cette crise montre que le capitalisme met en danger l’humanité »

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  • EN VIDÉO - Hervé Kempf : « Cette crise montre que le capitalisme met en danger l’humanité »

    Hervé Kempf, rédacteur en chef de Reporterre, a répondu aux questions de Ground Control sur la crise sanitaire du Covid-19 dans le cadre de « 4 questions pour demain ».
    « 4 questions pour demain », de Ground Control, interroge des personnalités d’horizons différents pour nous aider à mieux comprendre aujourd’hui et à préparer l’avenir.
    Hervé Kempf, le rédacteur en chef de Reporterre, a été interrogé sur la crise du Covid-19 : Que nous enseigne la crise actuelle ?
    Qu’est-ce que la crise actuelle peut permettre de faire changer dans notre système ?
    Comment préparer le retour à la « normale » afin que ce ne soit plus comme avant ?
    Qu’allez-vous faire, vous, à votre échelle ?
    Écoutez les réponses ici :

    Que nous enseigne la crise actuelle ?

    Hervé Kempf - Tout d’abord c’est un événement dont l’origine est une crise écologique.
    On a maintenant bien identifié les chaînes de transmission des virus, on a aussi compris que le coronavirus n’est pas une première, mais la répétition de processus qu’on a déjà expérimenté depuis quinze ans ( Ebola, H1N1). Il y a une récurrence dans ces crises et on sait maintenant qu’elles ont une origine écologique. La destruction profonde des écosystèmes, et en particulier la déforestation, conduisent à ce que des lieux de biodiversité extraordinaire soient de plus en plus restreints et que des formes de vie à l’intérieur s’en trouvent mises en contact avec des sociétés humaines importantes, alors que cela n’était pas le cas auparavant.

    Et l’on sait que la société humaine telle qu’elle agit aujourd’hui presse de plus en plus les forêts tropicales, mais aussi d’autres écosystèmes, et révèle des virus ou d’autres micro-organismes très dangereux.
    Donc ce qui me frappe, c’est la crise gravissime de la biodiversité : les écologistes et les scientifiques de l’écologie disent depuis maintenant longtemps que nous vivons la sixième crise d’extinction des espèces. On se rend compte maintenant que ce n’est plus un postulat abstrait, mais un phénomène très réel dont les conséquences sont majeures et catastrophiques.
    Il faut arrêter le trafic des animaux et la destruction des écosystèmes
    Il n’y a donc pas seulement le changement climatique dans la catastrophe écologique qui se joue et bouscule les sociétés humaines, il y a aussi la crise de la biodiversité.
    La première leçon à tirer de ce constat, c’est qu’il faut arrêter le trafic des animaux vivants et arrêter la destruction des écosystèmes, il faut protéger de manière absolue tous les écosystèmes à peu près vierges existants et commencer à restaurer ce que l’on appelle la nature.
    Cette crise montre l’interaction profonde entre un phénomène écologique et la société humaine, touchée dans toutes ses dimensions et tous ses domaines d’activité.

    Le capitalisme met en danger l’humanité

    Le deuxième constat est que cette crise signe l’échec du capitalisme dans sa version du début du 21e siècle, à savoir le néolibéralisme : un système économique piloté par l’avidité et la cupidité d’une classe dominante qui n’a cessé de s’enrichir et d’accroître les rapports d’inégalité depuis maintenant 40 ans.
    Le capitalisme, non seulement n’a pas entendu les avertissements de la crise financière de 2008 et 2009, mais a continué un système inégalitaire productiviste, c’est-à-dire fondé sur la croissance continue de la production.
    Que signifie la croissance continue de la production ? Extraire toujours plus de matières premières, exercer une pression toujours plus forte sur les écosystèmes, que ce soit par les émissions de gaz à effet de serre ou par la destruction des forêts tropicales et des autres écosystèmes.
    On peut dire, avec la pandémie du coronavirus, que le capitalisme met en danger l’humanité.
    Il y a une deuxième responsabilité du capitalisme dans la situation : ce qui rend si grave la pandémie est que la France a subi depuis une dizaine d’années l’affaiblissement de l’hôpital public et d’un système de santé pourtant extrêmement collectif et efficace.
    Si bien que l’on manque de lits de réanimation, sans parler des masques, des tests ou des blouses. La crise sanitaire est certes grave, mais elle aurait pu être gérable alors qu’on se retrouve totalement asphyxiés. Et pour éviter un engorgement des services de réanimation, pour éviter des morts, on confine tous gens chez eux. Ainsi, la vie sociale est arrêtée, la vie économique est arrêtée. Aller jouer avec les enfants, aller voir ses amis et discuter, tout cela est totalement interrompu à cause de l’idéologie néolibérale de destruction des services publics.
    Ce que cette crise nous apprend également, c’est l’enjeu de la mondialisation. Puisque la contamination du virus s’est aussi faite par l’intensité des échanges de toute nature, elle nous interroge beaucoup sur cette mondialisation. Elle a un aspect positif qui est que la société humaine se découvre en tant que société humaine unifiée. C’est magnifique de pouvoir converser d’un bout de la planète à l’autre avec des Chinois, des Chiliens, des Africains, on élargit la communauté humaine et la conscience humaine.
    Mais de nouveaux défis se posent, de nouveaux risques, de nouveaux dangers. Il nous faut maintenant articuler cette ouverture extraordinaire des esprits, des consciences et des échanges avec le besoin de relocaliser nos productions, nos activités, pour éviter des transmissions de dangers très nuisibles.
    Qu’est-ce que la crise actuelle peut faire changer dans notre système ?

    Logiquement ça va faire changer, enfin il faut l’espérer, la relation à l’écologie dans la conscience publique. On va vraiment intégrer la question de la biodiversité, ce qui n’était pas le cas jusqu’à présent.
    Ensuite, il est possible que la colère à l’égard des gouvernants, de leur impéritie, de leur incurie se transforme en une critique plus globale du capitalisme et du néolibéralisme. Je pense que là, il va y avoir un changement très profond dans le débat public. Après je ne sais pas comment cela va changer et si cela va réellement changer mais ce qui va bouger, c’est que l’on se pose des questions nouvelles.
    Comment préparer le retour à la “normale” afin que ce ne soit plus comme avant ?

    On va être dans la bataille. Je n’ai aucune confiance dans les capitalistes, aucune confiance dans l’oligarchie, aucune confiance dans la classe dominante. Ces gens ne comprennent rien, et ils vont vouloir remettre les choses comme avant.
    Ils vont avoir des discours sur la biodiversité, l’hôpital, le bien public, l’intérêt général, changer, réformer… ils vont nous dire tout ça, comme ils l’avaient déjà dit en 2008 et puis en pratique, ils ne vont rien vouloir changer. Ils vont vouloir revenir à la normale et pour eux la normale, c’est un système inégalitaire, avec une croissance maximale et un peu de peinture verte pour faire croire au bon peuple qu’on l’a entendu. On donnera aussi trois ou quatre milliards d’euros de plus aux personnels soignants et à l’hôpital, mais on ne changera pas fortement les choses. Donc, l’enjeu est d’éviter de revenir à la normale capitaliste.
    Je cible un ennemi, il y a un système et des responsables qui sont en cause, et l’on voit maintenant de manière claire ce que disent depuis longtemps des écologistes : on va à la catastrophe. Et là on y est.
    Cet enfermement terrible va avoir des conséquences économiques extrêmement dures pour beaucoup de gens qui risquent de perdre leur boulot, pour les sans abris et même pour des patrons de petites entreprises. Énormément de gens vont souffrir malgré tous les filets de sécurité que va mettre en place l’État. Cette catastrophe économique est d’abord une catastrophe sociale, et je crois qu’il faut parvenir à transformer la colère, la frustration, l’insatisfaction, en un discours très radical.
    Radical, cela veut simplement dire que l’on pense de manière cohérente. Ce n’est pas un mot dont il faut avoir peur, ce n’est pas un mot agressif, pas un mot violent. Affirmer une opposition radicale veut dire qu’il y a moyen de faire autrement. C’est cela qui est essentiel.
    Il y a moyen de faire autrement en diminuant les dividendes, en réduisant les inégalités, en empêchant l’inégalité énorme où des gens gagnent 300 fois plus que d’autres, en soutenant les services publics, en encourageant l’autonomie alimentaire, en relançant l’agriculture paysanne, en créant des emplois par la rénovation énergétique, en arrêtant de détruire les écosystèmes, en arrêtant de faire des grands projets inutiles qui mettent de l’argent dans la poche de gens qui vont le planquer dans les paradis fiscaux, et en créant plein de nouvelles activités dans l’écologie, dans l’agriculture, dans des transports, dans un habitat différent, dans l’enseignement, dans la santé, dans des biens non matériels…
    Ce que l’on est en train de découvrir avec ce confinement, c’est qu’il est très important que des personnes soignent.

    En apparence, un infirmier ne rapporte pas autant que de fabriquer une voiture, sauf qu’il est vraiment important. Avec le confinement, on se rend aussi compte que rien ne vaut un instituteur ou une institutrice dans une classe avec un vrai rapport avec ses élèves, et qu’apparemment, c’est tout aussi important que la production matérielle.

    Donc, ce qu’il faut arriver à faire, maintenant, c’est un monde différent, qui sera plus égal et plus sobre. Mais ce sera une bataille d’éviter le retour à la normale capitaliste.
    Qu’allez-vous faire, vous, à votre échelle ?

    Moi j’ai la chance de pouvoir agir puisque je suis journaliste. Avec d’autres, on anime un site d’information, Reporterre.net, le quotidien de l’écologie.
    On peut donc faire beaucoup de boulot par ça, transmettre des idées et diffuser des alternatives. C’est formidable un média, parce que cela permet aux uns et aux autres de voir qu’il y a des alternatives. Un média met en circulation plein de choses et donne de la force, nous semble-t-il, à tous ceux qui sont un peu comme nous ou qui disent “mais ça ne peut plus durer, il faut changer”. Ça permet de sentir qu’on n’est pas isolé, que l’on est des dizaines de milliers, des centaines de milliers, à penser la même chose, plus ou moins, et à pouvoir agir ensemble.
    Donc nous allons continuer à animer Reporterre !
    Et moi j’ai aussi la chance de pouvoir écrire des livres, donc je vais écrire un essai dans lequel je développerai ce que je viens de vous raconter, avec d’autres surprises...
    - Propos recueillis par Frédéric Haury
    - Source : Ground Control-10 avril 2020
    Dernière modification par katiaret, 10 avril 2020, 10h26.
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  • #2
    4 questions pour demain avec Mélanie MARCEL

    Ingénieure en neurosciences, co-fondatrice et présidente de SoScience
    Dernier ouvrage "Science et Impact social" aux Éditions Diateino

    “Il faut donner plus de poids à la parole des scientifiques.”

    Culture, économie, philosophie, spiritualité, sciences, politique …
    “4 questions pour demain” interroge des personnalités d’horizons différents pour nous aider à mieux comprendre aujourd’hui et à préparer l’avenir.
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