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« Le coronavirus est le fruit amer du capitalisme maximaliste néolibéral » (Omar Aktouf, économiste)

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  • « Le coronavirus est le fruit amer du capitalisme maximaliste néolibéral » (Omar Aktouf, économiste)

    cette interview sans concessions, l’économiste et penseur algérien établi au Canada, Omar Aktouf, explique les dessous de la crise sanitaire que vit le monde actuellement et établit, arguments à l’appui, la responsabilité flagrante du maximalisme néolibéral dans l’avènement du coronavirus. Tout en affirmant que Marx finira par enterrer Friedman, il plaide pour une prise de conscience mondiale quant aux risques encore plus spectaculaires que le néolibéralisme fait courir à la planète Terre en s’entêtant dans sa recherche du profit à l’infini dans un environnement qui, lui, est périssable.

    Dans votre livre La stratégie de l’autruche, vous avez parlé de l’échec des trois Révolutions économiques du monde moderne (La Révolution industrielle, la mécanisation-automatisation et la mondialisation) à créer un monde plus juste. La crise générée par le coronavirus illustre parfaitement votre thèse et disqualifie spectaculairement les logiques capitalistes maximalistes. Pensez-vous que nous sommes en train de vivre les derniers instants du capitalisme ?

    En fait, j’y traite de quatre et non seulement trois « Révolutions économiques » du monde moderne ayant connu – ou en voie de connaître – des échecs aussi spectaculaires que cuisants. La dite Révolution de « l’économie de l’information » ou « de la connaissance », étant la troisième et la dite « Mondialisation » la quatrième. Tout cela est non seulement échec sur échec, mais également énormes gâchis (sur lesquels je m’attarde plus dans mon dernier livre Halte au gâchis. En finir avec l’économie-management à l’américaine[1]), consacré plus spécifiquement à l’analyse de la Crise de 2008. Déjà cette crise était un très fort signe indiquant que le glas du capitalisme et de son « business as usual » était en train de sonner. Malheureusement, malgré de tonitruantes déclarations de maints leaders (Sarkozy, Obama, Commission Européenne, FMI, Banque Mondiale…) annonçant la « fin du capitalisme financier sauvage », la nécessité de « brider Wall Street », de « refonder le capitalisme », de « mettre au pas le système financier occidental »… rien de sérieux ne fut fait, et la planète est tranquillement revenue au bon vieux capitalisme financier et à ses zélés servants du business as usual. J’étais de ceux (avec des Nobel comme J. Stiglitz et P. Krugman, ou d’émérites économistes comme R. Reich ou T. Piketty, ou encore des N. Chomsky, J. Généreux, B. Maris, D. Suzuki[2]…) à tirer haut et fort la sonnette d’alarme sur les dégâts d’échelles encore plus grandes – et multiformes –[3] que la continuité de ce capitalisme allait provoquer. Las ! Tout cela fut noyé dans un regain encore plus vigoureux et plus mortifère de la logique du capitalisme néolibéral. Ce dont on voit les conséquences tragiques de nos jours. Donc, sans hésitation aucune, je réponds un énorme « oui » à votre question : nous assistons aux débuts de la fin du capitalisme maximaliste néolibéral. Nul ne sait quelles seront les conséquences, ni la durée, ni l’ampleur de la présente crise, comme nul ne l’a vue venir si tôt et si violemment. Il faut cependant, ici, expliciter pour nos lecteurs les liens qu’il convient de faire entre économie, maximalisme, néolibéralisme, écologie… et « crise » de ce type. Déjà, en fin des années 1960, débuts des années 1970, le Club de Rome[4] prévenait que si on continuait à exploiter la planète comme on le faisait en 1968, une hyper catastrophe majeure, écologique ou autre, frapperait certainement le monde autour des années 2017-20. Quelle prémonition ![5]La raison, et c’est ce qu’il faut comprendre ici, en est que l’économie maximaliste néolibérale est une économie à la fois hyper-extractive et hyper destructrice des « barrières et garde-fous » que la Nature a de tout temps entretenus entre espèces, écosystèmes, biosystèmes, biosphères, continents… Or, cet économisme néolibéral a poussé à envahir toujours plus les espaces de vie du vivant, à abattre les frontières (entre pays, géo-systèmes, espèces…) au point où se sont planétairement combinés deux facteurs létaux : la recherche de productions toujours au plus bas prix d’un côté, et la dégradation exponentielle des climats et des milieux naturels de l’autre, tout en surmultipliant et en accélérant les échanges et les contacts tous azimuts. Ce qui a fait que des espèces animales, végétales… jusque-là soigneusement isolées les unes des autres, se sont vues forcées à des contacts « contre nature », et donc à faire passer des virus, bactéries… à travers des barrières que la recherche du gain maximal a fait abattre. Et c’est ainsi que la combinaison entre pauvreté – manque d’hygiène de producteurs « délocalisés » toujours plus loin, et Nature désormais incapable de tenir à distance différentes espèces « non mélangées ni mélangeables » a donné naissance à des transmissions-mutations de microbes et virus franchissant les obstacles d’un type d’organisme à un autre, jusqu’à atteindre l’humain. Voilà pourquoi le coût salarial hyper bas – et le déficit hygiénique qui va avec – du Chinois (nécessaires pour maintenir le niveau de vie occidental) combiné à la porte ouverte à la contamination virale entre chauve-souris, civettes, pangolins… jusqu’à l’humain, ainsi qu’aux transferts accélérés de marchandises et de personnes entre continents… sont aujourd’hui à l’origine de cette calamité, digne des sept plaies d’Égypte, qui frappe la Terre. Selon une telle logique, ces choses-là ne peuvent qu’aller en s’aggravant[6] ! Et c’est ce qui fait que « ce » capitalisme est déjà moribond car depuis longtemps intenable.

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    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)
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