Les stratégies de diversification de leurs économies, amorcées ou envisagées ces dernières années par plusieurs pays pétroliers arabes du Golfe et d’Afrique du Nord, se voient brutalement contrariées par la double crise de l’effondrement des prix du pétrole et de la pandémie du Covid-19. Quelles sont leurs perspectives dans ce nouveau contexte très déstabilisant ?
Analyse.
Une contribution de François-Aïssa TOUAZI
Vice-président du conseil France-pays du Golfe de Medef international
Cofondateur du Centre d’analyse et de prospective sur le Moyen-Orient et l’Afrique du nord (CapMena)
.
Alors qu’elles sont engagées dans une course contre la montre pour réussir leur diversification et/ou leur transition vers un nouveau modèle de développement économique efficace et inclusif, la crise sanitaire actuelle risque d’impacter fortement les économies de la région du Moyen Orient et de l’Afrique du nord (MENA) et de fragiliser les réformes engagées par de nombreux pays. Cette crise est porteuse de lourdes menaces notamment sociales dans une région en proie aux crises et à l’instabilité. Aucun des pays de la région n’est épargné.
Les pays du Golfe, qui avaient mis en place des stratégies de diversification ambitieuses pour préparer l’après-pétrole, n’ont pas encore réussi à sortir de la logique de la rente qui continue de représenter une part importante de leurs revenus. En effet, même si certains d’entre eux ont réussi à faire baisser significativement la part du secteur pétrolier dans leurs PIB (cas des Émirats arabes unis où il représente moins de 30 %), ils demeurent très dépendants de la rente. Les hydrocarbures représentent ainsi 67 % des revenus budgétaires en Arabie Saoudite, 83 % au Qatar et 88,5 % au Koweït.
Le prix du baril a ainsi perdu près de 66 % de sa valeur depuis janvier, le Brent ayant même atteint le 30 mars dernier son plus bas niveau depuis 2002 à 21,65 dollars, conséquence notamment d’un désaccord entre Ryadh et Moscou et de la décision unilatérale de l’Arabie saoudite d’augmenter substantiellement sa production dans la perspective d’accroître ses parts de marché et de fragiliser les producteurs de schiste.
Les prix bas du pétrole
ne sont pas près de se relever
Même si un accord a été trouvé depuis entre les pays producteurs de pétrole prévoyant une baisse significative de la production pétrolière, des niveaux de prix bas devraient durer en raison du confinement (qui concerne 3 milliards de personnes à travers le monde), du ralentissement de l’économie mondiale, de la faiblesse de la demande et surtout des capacités de stockage qui sont presque saturées. De nombreux pays notamment asiatiques ont en effet profité de la situation pour accroître leurs stocks profitant des prix bas offerts par Aramco.
Cette crise fragilise ainsi des pans majeurs des économies du Golfe, en particulier les nouveaux secteurs de croissance sur lesquels s’appuient leurs diversifications. Celles-ci s’articulaient notamment autour de la maîtrise de l’aval des secteurs pétrolier et gazier, les activités de downstream comme la pétrochimie ainsi que sur leur position géographique stratégique entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie qui leur permet de s’imposer dans des secteurs aussi divers que l’aérien, la logistique ou le tourisme et de devenir un pôle d’attraction majeur à travers l’organisation d’événements économiques ou de grandes manifestations sportives et culturelles.
Tous ces secteurs sont aujourd’hui frappés de plein fouet par la crise sanitaire. Les grandes compagnies aériennes du Golfe sont clouées au sol et des licenciements massifs sont à prévoir. Même si elles peuvent compter sur les gouvernements pour voler à leur secours, elles risquent de perdre cette année plus de 7 milliards de dollars de revenus.
Dubaï, la ville monde, voit son industrie touristique menacée. La totalité des événements sont annulés et des discussions sont en cours pour reporter d’un an l’Expo universelle 2 020. Son hub logistique tourne aussi au ralenti. L’indice PMI qui suit l’évolution de l’activité manufacturière et des services a ainsi perdu près de cinq points au mois de mars, passant de 49,1 à 45,2. En 2019, le secteur de l’aviation et du tourisme représentaient 13 % du PIB des Émirats Arabes Unis et Dubaï prévoyait de porter à 45 % du PIB la part du secteur de l’aviation en 2030.
L’ambitieux programme saoudien
Vision 2030 hypothéqué par la crise
L’Arabie Saoudite, première puissance économique du monde arabe et qui assure actuellement la Présidence du G20, redoute que cette crise menace son ambitieux plan de transformation nationale, Vision 2030, qui a pour ambition de préparer l’après-pétrole par le développement de nouveaux secteurs de croissance (investissements, tourisme et loisirs, industries, notamment de l’armement, énergie solaire, etc...) dont les revenus devraient dépasser ceux du pétrole à l’horizon 2 030.
Le secteur privé qui avait déjà du mal à trouver sa place dans cette nouvelle Arabie Saoudite, tourne, aujourd’hui, en grande partie au ralenti suite du confinement total du royaume.
L’indice PMI a perdu dix points pour tomber à 42,4. L’industrie pétrochimique, premier fer de lance de la diversification, connaît une baisse de régime en raison d’une demande en berne après une année 2019 déjà compliquée. Le tourisme religieux enfin, deuxième source de revenus du royaume après le pétrole, est à l’arrêt.
Cas extrêmement rare dans l’histoire du pays, les lieux saints ont été fermés et les autorités ont invité les musulmans du monde entier à mettre entre parenthèses leurs préparatifs pour le grand pèlerinage. Le royaume accueille plus de 20 millions de pèlerins chaque année et la Vision 2 030 prévoit de porter ce chiffre à plus de 50 millions.
Déficits colossaux attendus
dans les pays du Golfe
En conséquence, les pays du Golfe se préparent à enregistrer des déficits publics colossaux, atteignant, selon les premières estimations, jusqu’à 20 % du PIB pour le seul Koweït. Pour combler ces déficits abyssaux, certains pays pourront recourir aux emprunts internationaux profitant de la confiance dont ils bénéficient auprès des grandes institutions financières et/ou puiser, comme en 2008, dans les réserves de leurs puissants fonds souverains dont la richesse cumulée s’établissait à 2 500 milliards de dollars. Même si ces derniers pourraient certes enregistrer des pertes, ils devraient avoir un rôle clé post-crises, comme ce fut déjà le cas en 2008 et jouer le rôle de stabilisateur du secteur bancaire et des marchés financiers.
Ces fonds devraient également s’employer à profiter des opportunités à venir sur les marchés notamment dans les entreprises cotées ou dans le private equity dans des secteurs stratégiques tels que la santé, l’agroalimentaire et la technologie sans exclure des cessions d’actifs pour disposer de liquidités.
La crise pourrait enfin se traduire par de nombreux retards sur les projets en cours, voire des annulations. Le Qatar a déjà ajourné l’attribution de plusieurs milliards de dollars de contrats. D’autres pays pourraient suivre. Pour rappel, en 2009 déjà, près d’un quart des projets en cours dans la région avait été suspendu, pour un montant total de 575 milliards de dollars.
La relance par le recours
au marché international de la dette ?
Relance. Pour l’instant, les autorités des pays du Golfe ont prévu des mesures fortes pour contrer les effets de cette crise multiforme et soutenir l’emploi. L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ont mis en place des plans de relance ambitieux d’une valeur cumulée de 100 milliards de dollars. Ces injections de liquidité dans le secteur bancaire doivent soutenir les entreprises. Quant aux ménages, des mesures de réduction de nombreuses taxes et des reports d’échéances de remboursements de prêts ont été adoptées.
Le 5 avril, la banque centrale des Émirats a doublé son plan initial à hauteur de 17 % du PIB. L’Arabie a prévu de prendre en charge 60 % des salaires des Saoudiens du secteur privé pendant 3 mois tout en procédant à des coupes budgétaires de 5 % (soit 13 milliards de dollars).
Pour financer toutes ces mesures inédites, les pays du Golfe, qui demeurent peu endettés, auront sûrement recours au marché international de la dette. Les prix du baril bas et les productions à l’arrêt vont engendrer une demande immédiate de liquidité. C’est la raison pour laquelle, le gouvernement koweïtien envisage augmenter la capacité d’endettement de l’État à 65 milliards de dollars, soit quasiment 50 % du PIB.
Le Qatar a été le premier à emprunter 10 milliards de dollars et à rouvrir les marchés financiers dans le Golfe. Il a certes beaucoup bénéficié de sa bonne réputation sur les marchés de capitaux et a pu mobiliser une forte demande pour des maturités de 5,10 et 30 ans, aux rendements respectifs de 3.47 %, 3.77% et 4.75 %.
Abu Dhabi a également levé 7 milliards sur des maturités similaires. L’Arabie Saoudite a suivi le pas avec un emprunt de 7 milliards avec des maturités plus longues. Ces trois pays peuvent compter sur la bonne appétence des investisseurs à leur endroit et à leur faible taux d’endettement. Les conditions de financement risquent d’être plus étroites pour les pays moins bien notés, les below investment grade qui ont déjà atteint des taux d’endettement importants et très élevés, à l’instar d’Oman (60 % du PIB) et de Bahreïn (105 % du PIB).
Ces deux pays pourront bénéficier du soutien des autres pays du Golfe qui devraient aussi soutenir d’autres pays comme ils l’ont montré lors de la crise de 2008. Ces soutiens pourront être budgétaires ou au travers de leurs fonds de développement très actifs dans la région. D’autres soutiens indirects sont à prévoir à travers les institutions internationales arabes. Les institutions internationales arabes, telles la Banque Islamique de Développement, le Fonds OPEP et le Fonds Arabe auront certainement besoin d’être recapitalisés pour faire face aux nombreuses demandes de soutien de la part de leurs membres. Un scenario déjà observé lors de la crise de 2008 et des printemps arabes.
Pour les autres pays de la région MENA qui ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre pour soutenir leur économie, la situation est encore plus préoccupante.
Beaucoup d’entre eux se trouvaient déjà dans une situation économique dégradée avant la pandémie, confrontés à une baisse de la croissance, au chômage massif des jeunes (30 % en moyenne dans la région), à la résurgence de crises politiques et aux soulèvements populaires.
Avec la crise sanitaire et le confinement, la plupart des pays de la région n’ont en effet pas d’autre choix que de recourir à l’emprunt international et/ou de faire appel à l’aide internationale d’urgence des bailleurs de fonds.
Sur le plan domestique, certains pays ont multiplié des mesures pour soutenir les entreprises. Mais celles-ci qui constituent une réponse circonstancielle de court terme, seraient insuffisantes si la crise s’installe dans la durée.
Analyse.
Une contribution de François-Aïssa TOUAZI
Vice-président du conseil France-pays du Golfe de Medef international
Cofondateur du Centre d’analyse et de prospective sur le Moyen-Orient et l’Afrique du nord (CapMena)
.
Alors qu’elles sont engagées dans une course contre la montre pour réussir leur diversification et/ou leur transition vers un nouveau modèle de développement économique efficace et inclusif, la crise sanitaire actuelle risque d’impacter fortement les économies de la région du Moyen Orient et de l’Afrique du nord (MENA) et de fragiliser les réformes engagées par de nombreux pays. Cette crise est porteuse de lourdes menaces notamment sociales dans une région en proie aux crises et à l’instabilité. Aucun des pays de la région n’est épargné.
Les pays du Golfe, qui avaient mis en place des stratégies de diversification ambitieuses pour préparer l’après-pétrole, n’ont pas encore réussi à sortir de la logique de la rente qui continue de représenter une part importante de leurs revenus. En effet, même si certains d’entre eux ont réussi à faire baisser significativement la part du secteur pétrolier dans leurs PIB (cas des Émirats arabes unis où il représente moins de 30 %), ils demeurent très dépendants de la rente. Les hydrocarbures représentent ainsi 67 % des revenus budgétaires en Arabie Saoudite, 83 % au Qatar et 88,5 % au Koweït.
Le prix du baril a ainsi perdu près de 66 % de sa valeur depuis janvier, le Brent ayant même atteint le 30 mars dernier son plus bas niveau depuis 2002 à 21,65 dollars, conséquence notamment d’un désaccord entre Ryadh et Moscou et de la décision unilatérale de l’Arabie saoudite d’augmenter substantiellement sa production dans la perspective d’accroître ses parts de marché et de fragiliser les producteurs de schiste.
Les prix bas du pétrole
ne sont pas près de se relever
Même si un accord a été trouvé depuis entre les pays producteurs de pétrole prévoyant une baisse significative de la production pétrolière, des niveaux de prix bas devraient durer en raison du confinement (qui concerne 3 milliards de personnes à travers le monde), du ralentissement de l’économie mondiale, de la faiblesse de la demande et surtout des capacités de stockage qui sont presque saturées. De nombreux pays notamment asiatiques ont en effet profité de la situation pour accroître leurs stocks profitant des prix bas offerts par Aramco.
Cette crise fragilise ainsi des pans majeurs des économies du Golfe, en particulier les nouveaux secteurs de croissance sur lesquels s’appuient leurs diversifications. Celles-ci s’articulaient notamment autour de la maîtrise de l’aval des secteurs pétrolier et gazier, les activités de downstream comme la pétrochimie ainsi que sur leur position géographique stratégique entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie qui leur permet de s’imposer dans des secteurs aussi divers que l’aérien, la logistique ou le tourisme et de devenir un pôle d’attraction majeur à travers l’organisation d’événements économiques ou de grandes manifestations sportives et culturelles.
Tous ces secteurs sont aujourd’hui frappés de plein fouet par la crise sanitaire. Les grandes compagnies aériennes du Golfe sont clouées au sol et des licenciements massifs sont à prévoir. Même si elles peuvent compter sur les gouvernements pour voler à leur secours, elles risquent de perdre cette année plus de 7 milliards de dollars de revenus.
Dubaï, la ville monde, voit son industrie touristique menacée. La totalité des événements sont annulés et des discussions sont en cours pour reporter d’un an l’Expo universelle 2 020. Son hub logistique tourne aussi au ralenti. L’indice PMI qui suit l’évolution de l’activité manufacturière et des services a ainsi perdu près de cinq points au mois de mars, passant de 49,1 à 45,2. En 2019, le secteur de l’aviation et du tourisme représentaient 13 % du PIB des Émirats Arabes Unis et Dubaï prévoyait de porter à 45 % du PIB la part du secteur de l’aviation en 2030.
L’ambitieux programme saoudien
Vision 2030 hypothéqué par la crise
L’Arabie Saoudite, première puissance économique du monde arabe et qui assure actuellement la Présidence du G20, redoute que cette crise menace son ambitieux plan de transformation nationale, Vision 2030, qui a pour ambition de préparer l’après-pétrole par le développement de nouveaux secteurs de croissance (investissements, tourisme et loisirs, industries, notamment de l’armement, énergie solaire, etc...) dont les revenus devraient dépasser ceux du pétrole à l’horizon 2 030.
Le secteur privé qui avait déjà du mal à trouver sa place dans cette nouvelle Arabie Saoudite, tourne, aujourd’hui, en grande partie au ralenti suite du confinement total du royaume.
L’indice PMI a perdu dix points pour tomber à 42,4. L’industrie pétrochimique, premier fer de lance de la diversification, connaît une baisse de régime en raison d’une demande en berne après une année 2019 déjà compliquée. Le tourisme religieux enfin, deuxième source de revenus du royaume après le pétrole, est à l’arrêt.
Cas extrêmement rare dans l’histoire du pays, les lieux saints ont été fermés et les autorités ont invité les musulmans du monde entier à mettre entre parenthèses leurs préparatifs pour le grand pèlerinage. Le royaume accueille plus de 20 millions de pèlerins chaque année et la Vision 2 030 prévoit de porter ce chiffre à plus de 50 millions.
Déficits colossaux attendus
dans les pays du Golfe
En conséquence, les pays du Golfe se préparent à enregistrer des déficits publics colossaux, atteignant, selon les premières estimations, jusqu’à 20 % du PIB pour le seul Koweït. Pour combler ces déficits abyssaux, certains pays pourront recourir aux emprunts internationaux profitant de la confiance dont ils bénéficient auprès des grandes institutions financières et/ou puiser, comme en 2008, dans les réserves de leurs puissants fonds souverains dont la richesse cumulée s’établissait à 2 500 milliards de dollars. Même si ces derniers pourraient certes enregistrer des pertes, ils devraient avoir un rôle clé post-crises, comme ce fut déjà le cas en 2008 et jouer le rôle de stabilisateur du secteur bancaire et des marchés financiers.
Ces fonds devraient également s’employer à profiter des opportunités à venir sur les marchés notamment dans les entreprises cotées ou dans le private equity dans des secteurs stratégiques tels que la santé, l’agroalimentaire et la technologie sans exclure des cessions d’actifs pour disposer de liquidités.
La crise pourrait enfin se traduire par de nombreux retards sur les projets en cours, voire des annulations. Le Qatar a déjà ajourné l’attribution de plusieurs milliards de dollars de contrats. D’autres pays pourraient suivre. Pour rappel, en 2009 déjà, près d’un quart des projets en cours dans la région avait été suspendu, pour un montant total de 575 milliards de dollars.
La relance par le recours
au marché international de la dette ?
Relance. Pour l’instant, les autorités des pays du Golfe ont prévu des mesures fortes pour contrer les effets de cette crise multiforme et soutenir l’emploi. L’Arabie Saoudite et les Émirats arabes unis ont mis en place des plans de relance ambitieux d’une valeur cumulée de 100 milliards de dollars. Ces injections de liquidité dans le secteur bancaire doivent soutenir les entreprises. Quant aux ménages, des mesures de réduction de nombreuses taxes et des reports d’échéances de remboursements de prêts ont été adoptées.
Le 5 avril, la banque centrale des Émirats a doublé son plan initial à hauteur de 17 % du PIB. L’Arabie a prévu de prendre en charge 60 % des salaires des Saoudiens du secteur privé pendant 3 mois tout en procédant à des coupes budgétaires de 5 % (soit 13 milliards de dollars).
Pour financer toutes ces mesures inédites, les pays du Golfe, qui demeurent peu endettés, auront sûrement recours au marché international de la dette. Les prix du baril bas et les productions à l’arrêt vont engendrer une demande immédiate de liquidité. C’est la raison pour laquelle, le gouvernement koweïtien envisage augmenter la capacité d’endettement de l’État à 65 milliards de dollars, soit quasiment 50 % du PIB.
Le Qatar a été le premier à emprunter 10 milliards de dollars et à rouvrir les marchés financiers dans le Golfe. Il a certes beaucoup bénéficié de sa bonne réputation sur les marchés de capitaux et a pu mobiliser une forte demande pour des maturités de 5,10 et 30 ans, aux rendements respectifs de 3.47 %, 3.77% et 4.75 %.
Abu Dhabi a également levé 7 milliards sur des maturités similaires. L’Arabie Saoudite a suivi le pas avec un emprunt de 7 milliards avec des maturités plus longues. Ces trois pays peuvent compter sur la bonne appétence des investisseurs à leur endroit et à leur faible taux d’endettement. Les conditions de financement risquent d’être plus étroites pour les pays moins bien notés, les below investment grade qui ont déjà atteint des taux d’endettement importants et très élevés, à l’instar d’Oman (60 % du PIB) et de Bahreïn (105 % du PIB).
Ces deux pays pourront bénéficier du soutien des autres pays du Golfe qui devraient aussi soutenir d’autres pays comme ils l’ont montré lors de la crise de 2008. Ces soutiens pourront être budgétaires ou au travers de leurs fonds de développement très actifs dans la région. D’autres soutiens indirects sont à prévoir à travers les institutions internationales arabes. Les institutions internationales arabes, telles la Banque Islamique de Développement, le Fonds OPEP et le Fonds Arabe auront certainement besoin d’être recapitalisés pour faire face aux nombreuses demandes de soutien de la part de leurs membres. Un scenario déjà observé lors de la crise de 2008 et des printemps arabes.
Pour les autres pays de la région MENA qui ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre pour soutenir leur économie, la situation est encore plus préoccupante.
Beaucoup d’entre eux se trouvaient déjà dans une situation économique dégradée avant la pandémie, confrontés à une baisse de la croissance, au chômage massif des jeunes (30 % en moyenne dans la région), à la résurgence de crises politiques et aux soulèvements populaires.
Avec la crise sanitaire et le confinement, la plupart des pays de la région n’ont en effet pas d’autre choix que de recourir à l’emprunt international et/ou de faire appel à l’aide internationale d’urgence des bailleurs de fonds.
Sur le plan domestique, certains pays ont multiplié des mesures pour soutenir les entreprises. Mais celles-ci qui constituent une réponse circonstancielle de court terme, seraient insuffisantes si la crise s’installe dans la durée.
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