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Contribution – Jamais les extrémistes n’ont été aussi marginalisés qu’en 1980

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  • Contribution – Jamais les extrémistes n’ont été aussi marginalisés qu’en 1980

    avril 24, 2020
    Le Printemps amazigh ne prônait ni séparatisme ni ethnicisme. New Press
    Ramdane Hakem réagit au commentaire de Youcef Benzatat sur le Printemps amazigh. Ce dernier expliquait pourquoi il s’oppose à la revendication berbériste dans sa dimension extrémiste et ethniciste. Ramdane Hakem rejette ce qu’il qualifie de «réductionnisme dangereux» et souligne que beaucoup parmi les animateurs d’Avril 1980 étaient arabophones. Algerie patriotique ouvre ses colonnes pour un échange académique et serein sur cette question qui demeure d’une actualité brûlante, notamment depuis que certains symboles du système ont voulu semer la haine et la discorde entre les Algériens en jouant sur cette fibre sensible. Ils ont, encore une fois, lamentablement échoué.

    Par Ramdane Hakem – Cher compatriote, votre commentaire, que vous publiez par ailleurs sous forme d’article, me déçoit par son caractère mensonger et vindicatif. Dans ce texte, vous considérez que le Printemps amazigh est l’expression d’un mouvement berbériste identitaire ethniciste de type nazi. Vous reconnaissez cependant que la question identitaire est un vrai problème de société en Algérie. Les conditions du combat anticolonial puis le caractère autoritaire du régime postindépendance ont imposé l’arabe comme référent identitaire national. Vous admettez que cette option n’a pas tenu compte de la complexité des soubassements culturels de l’Algérie. Vous écrivez, enfin, qu’afin de surmonter cet écueil il convient d’appréhender l’identité algérienne comme résultant d’un métissage. La derja, expression de ce métissage, doit, selon vous, être érigée en langue de communication commune de tous les Algériens.

    Un point de vue contradictoire

    La première fragilité de votre point de vue est son caractère contradictoire. Vous prétendez ne pas être concerné par les revendications du Printemps amazigh, mais tout votre brûlot prouve le contraire. Il nous dit que vous vous positionnez dans le camp adverse, celui des badissistes (ce qui, je l’espère, n’est pas le cas).

    De même, vers la fin de l’écrit, vous affirmez avec raison que tout débat focalisé sur l’opposition des identités arabe et amazighe conduirait à une impasse. Vous ne voyez donc pas que ce que vous dites ensuite est le meilleur aliment à cette opposition ?

    Enfin, vous concluez en affirmant que l’issue à la problématique est dans l’appréhension de l’identité algérienne comme résultant d’un métissage. Cela a été formulé d’une meilleure façon en 1949 par les «berbéristes» que vous diabolisez.

    Un réductionnisme dangereux

    Selon vous, le Printemps 1980 n’exprime que la revendication amazighe. Ne savez-vous donc pas que nous avions posé exactement au même titre que tamazight l’exigence de reconnaître l’arabe algérien, que vous appelez derja ?

    Plus important encore, la question de la culture et des langues populaires n’était pour nous qu’un des trois grands axes soulevés pour transformer l’Etat et la société. Le deuxième axe, tout aussi crucial, est celui des libertés démocratiques pour lesquelles manifestent aujourd’hui des millions d’Algériens. Le troisième et non moins vital est celui de la justice sociale sans laquelle la paix civile ne saurait être maintenue.

    Je vous signale qu’en réduisant ainsi la portée d’Avril 1980 vous insultez les dizaines d’animateurs du mouvement dont beaucoup étaient arabophones. Je pense en particulier, pour ce qui est de l’université de Tizi Ouzou, à trois professeurs, dont deux sont originaires de Constantine, qui ont joué un rôle clé durant ces moments exceptionnels et qui furent interpellés et torturés.

    L’analogie que vous faites entre berbérisme et nazisme est une insulte.

    Le Printemps 1980 était un mouvement riche de sa diversité. Mais dans votre appréhension, vous ne retenez que les activistes pour lesquels la revendication amazighe était ce qui compte d’abord et avant tout. Le mot de ralliement de ces militants était : tamazight point. Pour d’autres, dont je fais partie, c’était : tamazight plus.

    Et puis après ? A supposer qu’il n’y avait en 1980 que les premiers, comment osez-vous traiter ces militants de nazis ? Ont-ils, depuis 1962, mobilisé les moyens de l’Etat pour éradiquer toute forme d’expression de la langue et de la culture arabes ? Ont-ils jeté des enfants en prison pour avoir dessiné sur la table de classe un caractère arabe ? Ont-ils dépensé des milliards pour imposer comme vecteur unique d’enseignement une langue qui n’est parlée par aucun Algérien dans sa vie quotidienne ? Remarquez que je ne dis pas que la politique systématiquement mise en œuvre pour éradiquer la dimension amazighe de l’identité nationale est d’inspiration nazie. Je ne le dis pas car ce serait faux, comme est fausse votre caractérisation de l’idéologie populiste berbériste.

    L’extrémisme berbériste vient de la répression

    En étendant à tous les tenants de la revendication amazighe la qualification que vous faites de groupes extrémistes, vous commettez une erreur politique grave. Comme tout mouvement de masse, la revendication amazighe est portée par plusieurs courants, dont certains, effectivement, étaient et sont extrémistes.

    Jamais dans l’histoire de l’Algérie indépendante les porteurs de ces idées extrémistes n’ont été aussi marginalisés qu’au Printemps 1980. Non pas jamais. Ils le sont de nouveau grâce au Hirak qui a restauré la fraternité indestructible entre tous les enfants de l’Algérie.

    L’histoire de la revendication amazighe a eu des moments où les points de vue extrémistes ont gagné de l’audience. Cette «radicalisation», si nous la lisons du point de vue patriotique algérien, est une réponse de jeunes désorientés par les agissements d’un Etat qui cherche à les nier. L’Académie berbère des années soixante-dix, au-delà de ses excès, était une forme primaire d’opposition à la politique culturelle éradicatrice mise en œuvre par le président Boumediene et Ahmed-Taleb Ibrahimi. Le projet du MAK aujourd’hui est non seulement éloigné des valeurs du Printemps 1980, mais encore, il n’est qu’une des conséquences du Printemps noir durant lequel 130 enfants de Kabylie furent assassinés par les services de l’Etat.

    Que pensez-vous donc qu’il se passe lorsqu’une revendication récurrente, portée par des millions de gens, est privée de débouché, ne trouve en face d’elle que manipulation et violence pour la réduire ?

    Un consensus populaire existe autour de la reconnaissance de la dimension amazighe de l’Algérie.

    Le paradoxe est que vous écrivez ne pas être concerné par le Printemps amazigh au moment où ses revendications sont plébiscitées par tout le peuple algérien. Le Hirak a rendu possible un consensus populaire pour une prise en compte effective de la dimension amazighe de l’identité nationale.

    Les détenteurs du pouvoir de décision au sein de l’Etat ont tout tenté dans le dessein noir de fabriquer une opposition Arabe/Kabyle et utiliser cette séparation comme levier pour détruire le Hirak. Cela a commencé par les arrestations au sein de l’armée qui ciblaient plus particulièrement les cadres d’origine kabyle ou acquis à l’idéal d’une Algérie riche de sa diversité. Il y eut ensuite la campagne d’interpellation des jeunes porteurs de l’emblème amazigh, et ils ne sont pas que kabyles, ces jeunes qui dessinent par leur souffrance les contours de l’Algérie nouvelle. La campagne ignominieuse anti-«zouave» menée par les pseudo-badissistes a culminé avec l’opération directement raciste, c’est ici qu’est le nazisme, Monsieur Benzatat, dite «zéro qbayli».

    Toutes ces manœuvres furent vaines : dans les quatre coins du pays, l’emblème amazigh est brandi aux côtés du drapeau national.

    Je soupçonne que votre attaque n’est en vrai qu’une réaction de défense. N’en ayez pas peur, la réappropriation de notre dimension amazighe ne signifie nullement un quelconque reniement de notre dimension arabo-islamique et universelle. C’est un lien social de plus qui nous unira entre Algériens et au-delà pour affronter les défis du XXIe siècle.

    Métissage et derja

    Le caractère artificiel, incongru, de cette polémique que vous ouvrez est souligné par le fait que les conclusions auxquelles vous parvenez ne sont pas si éloignées des propositions réaffirmées durant le Printemps amazigh. Vous admettez, comme nous, que les composantes de l’identité algérienne sont multiples. La dimension amazighe et africaine originelle n’exclut pas la dimension arabo-islamique, ni même l’apport occidental. Vous utilisez le vocable de métissage, lequel ne me paraît pas adéquat car il fait référence à des races différentes qui se mélangent. Le Printemps amazigh exclut l’approche de l’identité nationale en termes de races, qu’elles soient métissées ou non. L’approche en termes d’Algérie algérienne que les «berbéristes» ont préconisée en 1949 – parmi eux, Sadek Hadjarès, que Dieu lui prête longue vie, explique qu’ils ne l’étaient pas, «berbéristes» – est, me semble-t-il, plus pertinente.

    Vous préconisez pour la derja un grand destin national comme langue de communication entre Algériens. Pourquoi pas ? Encore faut-il qu’elle soit reconnue comme langue nationale – ce que nous avions revendiqué en 1980 – aux côtés de tamazight, et qu’elle soit de plus en plus utilisée par tous les Algériens, librement et non par le biais de nouvelles formes de discrimination.

    Pour finir, Monsieur Benzatat, je voudrais vous rappeler que dans sa longue histoire, notre pays a trop souvent été dominé par des puissances étrangères. L’idéologie dominante met l’accent sur l’agressivité impérialiste des puissances étrangères qui nous ont soumis. Après Malek Bennabi, je voudrais attirer votre attention sur les causes internes, sur notre incapacité à tisser des liens solides pour résister ensemble à la tempête. Près de soixante ans après l’Indépendance, la tempête se lève.

    Avec toutes mes salutations patriotiques.

    R. H.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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