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AQMI face au hirak: modulation du discours en attendant une fenêtre d'opportunité en Algérie

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  • AQMI face au hirak: modulation du discours en attendant une fenêtre d'opportunité en Algérie

    Sergio Altuna Galán. ARI 54/2020 (versión en francés) - 23/4/2020
    Mostaganem (Algérie) pendant l'hiver à midi. Photo: Pabel Rock (CC BY-NC-ND 2.0)
    Mostaganem (Algérie) pendant l'hiver à midi. Photo: Pabel Rock (CC BY-NC-ND 2.0)
    Version originale en espagnol: AQMI frente al hirak: modulación del discurso a la espera de una ventana de oportunidad en Argelia

    Thème
    Quelles sont les similitudes et les différences entre le discours utilisé par AQMI dans sa propagande officielle lors des manifestations qui ont eu lieu en Algérie en 2011 et ceux du hirak en 2019 ?

    Résumé
    Ce document présente une approximation de l'évolution du discours d'al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) en analysant les similitudes et les différences observées au niveau de la langue, du ton et du style utilisés dans la propagande officielle de cette organisation au cours des manifestations qui ont eu lieu en Algérie en 2011 et celles du mouvement populaire de protestation communément nommé hirak. Notre analyse montre qu’en s'appuyant sur les enseignements tirés de la période 2011-2012, la stratégie discursive d’AQMI a évolué, essayant de se positionner de la meilleure façon possible pour rentabiliser le résultat du hirak quel que soit son résultat.


    Analyse
    Ce document examine les similitudes et les différences palpables dans le discours d'al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI) en comparant la langue, le ton et le style de sa propagande lors des manifestations qui ont eu lieu en Algérie en 2011 et lors du mouvement de protestation populaire – connu sous le nom de hirak – articulé autour des manifestations massives et pacifiques qui sans interruption ont lieu plusieurs jours par semaine depuis le 16 février 2019.

    Ayant suffisamment de recul, il est possible de décrire les manifestations de 2011 comme une tentative de surfer sur la vague révolutionnaire qui avait commencé à secouer la région. Cependant, décrire la vague actuelle de protestations dans le pays de manière succincte aurait comme conséquence de passer à côté d’un bon nombre de nuances dont la prise en compte est nécessaire pour avoir, dans la mesure du possible, une image fidèle à la réalité. De plus, présenter ces événements comme faisant partie du soi-disant « Printemps Arabe » nous priverait d'une explication profonde et notamment ne nous permettrait pas de relier ce qui se passe actuellement aux problèmes non résolus de la Guerre d'Indépendance, des événements d'octobre 1988, de la décennie noire, etc. De même, ne pas limiter dans le temps les manifestations populaires qui ont des objectifs parfois différents nous empêcherait également d’approfondir la réflexion et de couvrir plusieurs niveaux d’analyses.

    Aussi, et pour les besoins de notre analyse, tous les documents originaux produits par AQMI et relatifs aux manifestations de 2011 et celles de 2019 ont été compilés. Les critères sur lesquels se fonde le choix des documents analysés sont les suivants : Premièrement, que le document puisse être considéré comme officiel, c'est-à-dire qu'il provienne d'une des agences médiatiques d'AQMI (al-Andalus Media ou Ifrīqiyā al-Muslima) et qu'il ait été publié à travers ses canaux habituels. De même, le document doit avoir été initialement publié en arabe, démarquant ainsi le public ciblé par le message. Deuxièmement, que le sujet principal du document soit bien les manifestations qui ont eu lieu en Algérie en 2011, le mouvement populaire de protestation communément appelé hirak, ou, à défaut, autour des événements directement liés à celui-ci, tels que l'organisation des élections, l'annonce de réformes, etc.

    Compte tenu de ces paramètres, l'échantillon analysé est composé de huit (8) documents distincts se rapportant aux manifestations de 2011 (six documents format audio et deux documents format vidéo) et neuf (9) documents au sujet du hirak (sept documents format audio et deux documents manuscrits). Les titres originaux, les dates de publication et les formats sont détaillés ci-dessous dans les figures 1 et 2.

    Figure 1. Documents publiés par AQMI sur les manifestations de 2011
    Titre original Date de publication Format
    نداء إلى أهلنا الثائرين في الجزائر 9/I/2011 Audio
    رسالة إلى أهل العلم والدعوة 29/I/2011 Audio
    لقاء مؤسسة الأندلس مع الشيخ أبي عبيدة يوسف العنابي 20/VI/2011 Audio
    11 دخلوا عليهم الباب 15/VII/2011 Vidéo
    2 ادخلوا عليهم الباب 15/VII/2011 Vidéo
    ه1432 خطبة عيد الأضحى لعام 11/XI/2011 Vidéo
    خطاب لأهلنا في الجزائر وحرض المؤمنين 15/I/2012 Audio
    قاطعوا مهزلة الانتخابات 18/IV/2012 Audio
    Note : deux des documents analysés, bien qu'ils soient directement liés et répondent strictement aux critères qui définissent l'échantillon analysé, ont été publiés début 2012.
    Source : l'auteur.

    Figure 2 . Documents publiés par AQMI au sujet du hirak
    Titre original Date de publication Format
    الجزائر والخروج من النفق المظلم

    10/III/2019 Audio
    قراءة سياسية للقرارات الأخيرة لرئاسة الجزائر 20/III/2019 Manuscrit
    بيان تكذيب وتحذير! 30/III/2019 Manuscrit
    نعيذكم بالله أن تتراجعوا 4/IV/2019 Audio
    اللقاء الصحفي للشيخ عبيدة يوسف العنالي مع الصحفي وسيم نصر 30/V/2019 Audio
    يا أحرار الجزائر لا تبرحوا أماكنكم 13/VIII/2019 Audio
    كلمات بين يدي الأحداث في الجزائر 20/XI/2019 Audio
    وخاب كل جبار عنيد 8/XII/2019 Audio
    Note : certains documents mis sous la catégorie des documents audio intègrent aussi des courtes vidéos contextuelles en guise d'introduction au message principal.
    Source : l'auteur.

    Historiquement, l'une des forces du réseau al-Qaïda – et par la suite des organisations sous son égide – réside dans sa capacité à interpréter les événements et à articuler un discours qui rejoint directement la perception et l'opinion de son public cible tout en privilégiant sa propre stratégie et ses finalités. Illustration de ces stratégies déjà utilisées par le passé et dans d’autres contextes, la présentation de la guerre de Bosnie comme un génocide de la population musulmane, la caractérisation de l'invasion de l'Irak en 2003 comme une réédition des croisades promues par l'église catholique au Moyen Âge ou représenter allégoriquement – à partir de 2011 – Bachar al-Assad comme s'il s'agissait d'une extension de la figure coranique du pharaon.

    Il est évident qu'AQMI, en tant qu'organisation terroriste qui cherche à exercer une pression à travers la violence sur le système politique algérien dans le but de le renverser, a un intérêt particulier à générer des périodes d'instabilité pour pouvoir en tirer profit. En tant que tel, un mouvement de protestation contre le régime établi comme c’est le cas de l'Algérie actuellement, représente une fenêtre d'opportunité extrêmement intéressante pour cette organisation. Or, les difficultés inhérentes à développer une analyse solide, cohérente et raisonnée concernant un processus en constante évolution ne sont pas étrangères à la construction de la stratégie discursive de toute organisation de ce type. Et les défis sont pour autant nombreux : combiner les dynamiques mondiales et locales, continuer à nourrir son propre mythe, répondre aux attentes du militantisme sans affecter le recrutement et ne pas faire preuve d’incohérences, etc.

    Similitudes entre 2011 et 2019 : ce qui se passe et qui sont les coupables
    Comme dans toute stratégie de communication qui se respecte, et bien que pratiquement une décennie se soit écoulée entre les deux processus, il y a des parties fondamentales du discours d'AQMI qui demeurent inchangées. De toute évidence, il est nécessaire d'avoir un corpus narratif qui peut être lu et interprété également par l'émetteur et le récepteur, une base commune à partir de laquelle il est possible d’incorporer de nouveaux éléments au contenu.

    Dans ce sens, le premier point qui se répète comme un mantra, c'est la représentation des événements comme la continuation d'un processus d'indépendance inachevé décrit comme « fallacieux ».2 En effet, Abdelmalek Droukdel, émir suprême d’AQMI, explique dans son premier discours concernant les manifestations de 2011 que celles-ci sont le fait « à la fois de la nature insurgée du peuple algérien et de son intégrité morale ».3 Il considère que ces mouvements refont régulièrement surface sous la forme de soulèvements populaires ou de révolutions comme cela s'est déjà produit – toujours selon AQMI – en 1988 et 1992. De même, et arborant la voie de la victimisation assez caractéristique de l'argumentaire djihadiste, AQMI justifie l'échec des différents processus en blâmant l'Occident en général et la France en particulier pour le soutien apporté au régime apostat et collaborationniste.

    De la même façon, un autre raisonnement qui se répète de manière transversale et avec lequel AQMI essaie de se dégager de toute responsabilité pour les échecs passés est, selon les propres mots d'Abdelmalek Droukdel, « tant que nous ne considérons pas le retard de l'indépendance comme faisant partie de l'échec de la guerre de libération nous ne pourrons pas considérer le retard de l'implantation d'un État islamique comme l'échec du djihad ».4

    Un autre aspect fondamental de la communication d'AQMI concernant ces deux processus est celui de signaler l'institution militaire comme l'ennemi principal. En effet, AQMI estime que cela est le cas, pas uniquement après la destitution d'Abdelaziz Bouteflika en avril 2019, suite à laquelle le rôle réel de l'élite militaire algérienne a été mis en évidence encore une fois, mais aussi depuis le début des manifestations en début 2011. Ceci, bien entendu, sans manquer d’inclureégalement parmi ses objectifs prioritaires « tous ces hauts fonctionnaires et institutions politiques dont le rôle découle de leur impiété ».5 Les appels à la repentance de l'ennemi ne sont pas uniquement une constante dans les deux périodes analysées, mais ils se produisent d’une manière plus fréquente en comparaison avec d'autres documents de propagande en dehors des périodes couvertes par cette étude.

    Enfin, il convient de souligner l'importance qu’AQMI confère au rôle joué par les oulémas et les imams pendant les périodes des manifestations populaires. En effet, dans sa stratégie de communication, et à plusieurs reprises, AQMI met l'accent sur deux aspects différents : d'une part, l'organisation dénonce le rôle des prédicateurs et autres membres du clergé qui sont au service du régime, avertissant les manifestants des effets négatifs que les conseils de ces derniers pourraient avoir sur la mobilisation populaire. D’autre part, et peut-être plus important encore, tant en 2011 qu'en 2019, et dans une tentative claire de tirer profit de la situation pour légitimer ses positionnements, AQMI lance un appel pressant aux « prédicateurs et imams à rejoindre la jeunesse musulmane et à mener la bataille [...] dans le but de renverser le système apostat et laïque et d'établir un régime islamique »,6 exhortant à plusieurs reprises ces derniers à déclarer le djihad.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Différences entre 2011 et 2019 : le ton du discours et le rôle de l'AQMI
    Contrairement à ce qui s'est passé en 2011, avec de nombreux fronts ouverts en évolution constante qui ont absorbé une bonne partie des ressources médiatiques d'AQMI, en 2019 une caractérisation et une sophistication bien évidente du message peuvent être clairement remarquées à la fois. Cependant, il est pertinent de s'arrêter sur quelques différences observées dans son discours concernant les deux périodes.

    Tout d'abord, un aspect particulier attire fortement l'attention : le ton du discours est adouci. En effet, lors qu’on compare les deux périodes, le ton utilisé dans le discours de l'organisation tout au long de 2011 se distingue par son style plus agressif, passionné et chargé d’inflexions, avec des interpellations constantes au destinataire du message et des appels explicites à l'action. Le contraste avec le ton général du discours de l'organisation dans ses messages au sujet du hirak en 2019 est clair. En effet, le discours en 2019 se caractérise par un style plus calme, moins précipité, plus judicieux et pondéré.

    De plus, tout au long de 2011 on peut remarquer son caractère plus direct et plus assertif, un discours plus émotionnel visant à agiter et à inciter le récepteur du message en faisant appel à ses sentiments les plus élémentaires. L'organisation terroriste semble toutefois avoir reformulé sa stratégie de communication dans ses discours faisant allusion au hirak en 2019 puisque, sans renoncer à sa fermeté habituelle, une modulation plus réfléchie est notable. De plus, AQMI réduit la virulence du ton et reprend un discours plus religieux – principalement axé sur des analogies entre le temps présent et celui de la Sunna tout en citant les travaux d'ulémas de renom de manière décontextualisée. Ceci montre une organisation ayant atteint une certaine maturité par rapport à 2011 et cherchant à inspirer confiance afin de projeter une image de supériorité morale. On pourrait dire que l’organisation retrouve en quelque sorte les axes classiques de la communication qaédienne : élitisme, rectitude, autorité, prépondérance...

    Par ailleurs, une des différences les plus notables est, peut-être, l'évolution de la perception qu'AQMI a de son rôle dans les deux processus ou, en d'autres termes, l'image qu'elle souhaite projeter. En effet, notons ici qu’en 2019, AQMI a réduit considérablement son égocentrisme assez caractéristique et transversal de ces précédents discours tout au long de 2011 et 2012, privilégiant désormais une position plus distanciée, en mettant en avant les événements et le peuple algérien. À travers ses messages de 2011 et début 2012, AQMI met l'accent continuellement sur son rôle comme déclencheur et facilitateur de ce qui semblait être une révolution naissante. Notons ici que l'utilisation du pronom « nous », les interpellations directes, les appels à l'action et les assertions sont une caractéristique transversale dans toute sa production pendant cette période.

    A titre d’exemple, on retrouve cette tendance dans les paroles d'Abū 'Ubayda Yūsuf al-'Anābī, chef du conseil des notables et membre de la shūra7 de l'organisation : « Nous pensons que le djihad mondial joue un rôle important dans le succès de ces révolutions, principalement pour deux raisons : d'une part, nous avons été les premiers à appeler explicitement le peuple à se rebeller et à plusieurs reprises contre les régimes despotiques [...]. D'un autre côté, il est indéniable que l'une des raisons fondamentales du succès des révolutions est le déclin du rôle des Américains et des croisés qui, grâce à la pression constante des coups des moudjahidines, ont été contraints de reculer et ne sont pas en mesure de soutenir les régimes collaborationnistes contre lesquels le peuple se rebelle, comme cela s’est produit en 1991-1992 ».8

    Comparativement, l'approche adoptée par AQMI en 2019 est nettement différente, en cédant totalement le protagonisme au peuple et en restant en retrait des évènements tout en le soutenant. En effet, alors qu’en 2011-2012 l’organisation avait adopté dans ses harangues un discours violent et dynamiseur, celui de 2019 est bien diffèrent à tout point de vue. Dans le cas présent, AQMI prend du recul, louant le rôle joué par le peuple algérien et saluant les jalons que le hirak va atteindre progressivement. Les changements dans l'utilisation des pronoms sont aussi notables, avec des séparations claires entre le nous et le vous. Le ton est clairement plus condescendant et les recommandations moyennant l'utilisation de verbes tels que « exhorter » ou « conseiller » au lieu d'interpellations et d'exhortations directes à l'action ne passent pas inaperçus.

    À titre d'exemple, cette citation tirée d'un communiqué officiel de l’organisation publié fin mars : « Nous sommes heureux de vos manifestations décisives et nous sommes contents de constater, étant donné que nous suivons de près les événements, votre prudence et votre connaissance approfondie des stratégies et des astuces dont ils sont capables les hypocrites et les apostats (qui vous gouvernent) ».9 Ou celle d'Abū 'Ubayda Yūsuf al-'Anābī, extraite du dernier message publié par l'organisation en 2019 et dans laquelle l'adoucissement du ton peut être clairement apprécié : « Afin de ne pas manquer l'occasion historique de provoquer un changement radical dans le système de gouvernement en Algérie, et dans le seul objectif de conseiller notre bien-aimée umma, nous offrons à notre peuple ces conseils pratiques dans l'espoir qu'ils puissent contribuer à créer le changement souhaité ».10

    Par ailleurs, une autre différence dans le discours d'AQMI concernant les deux processus réside dans son évaluation des possibilités de succès d'un mouvement pacifique. À cet égard, compte tenu du fait que l'une des principales caractéristiques du hirak a été sa nature pacifique, AQMI a été contrainte de moduler sa position. En 2011, lorsqu'on lui demandait ce qu’il pensait de ceux qui prétendent que les révolutions pacifiques ont démontré l'échec de la lutte armée pour obtenir le changement souhaité, Abū 'Ubayda Yūsuf al-'Anābī a déclaré que « quiconque prétend une telle chose est soit un ignorant, soit a une opinion partielle et veut falsifier la vérité ».11

    Tenant compte du fait que la caractéristique fondamentale du courant salafiste-djihadiste est l'utilisation de la violence comme moyen d'atteindre ses fins politiques, AQMI a rencontré des obstacles majeurs pour ancrer son message à mesure que les événements évoluent sans perdre en cohérence. Un exemple intéressant de ceux-ci sont les références régulières aux slogans utilisés dans les manifestations massives du hirak ; bien que, dans plus de la moitié des documents analysés sur le processus, AQMI cite ou montre les slogans de protestation en vidéo, il ne reproduit en aucun cas les deux slogans les plus caractéristiques : « pacifique, pacifique », se référant au caractère des manifestations, et « nous voulons un État civil, pas militaire ». En effet, dans l'analyse du discours, ce qui est dit est aussi important que ce qui est omis.

    De même, étant donné la transversalité du caractère pacifique et soutenu dans le temps des protestations, et dans une tentative de reformulation des positionnements précédents sur le sujet, al-'Anābī loue le pacifisme du mouvement puisque selon lui « grâce à ce caractère il a obtenu l'approbation et l’inclusion de tous les citoyens ». Néanmoins, il affirme que « c'est un phénomène naturel chez des peuples soumis, qui n'ont pas d'armes pour se défendre et qui ont généralement peur des guerres ». En plus, malgré le fait qu'il supplie Allah « d'accorder, par ce mouvement pacifique, une victoire définitive », il conclut en affirmant que « si la révolution pacifique échoue, le peuple doit accepter les faits et se convaincre qu'il n'y a pas d'autre solution que la lutte armée ».12

    D'autre part, à travers l'analyse des documents susmentionnés, il y a aussi une réduction de la dispersion géographique du discours et une plus grande attention – presque exclusive – portée à la scène locale algérienne. Il va sans dire que les différentes révolutions que l'Occident a baptisées Printemps Arabe, et plus précisément celles qui font partie de la principale zone géographique d'action d'AQMI, ont monopolisé l'attention de l'organisation terroriste dans sa stratégie de communication en 2011. Cependant, en plus des mentions de la Libye et de la Tunisie, et dans une moindre mesure du Maroc, en 2011 et 2012 il y a également des mentions constantes de l'Égypte, de la Syrie et du Yémen, analysant même parfois la situation sur la base de documents vidéo.

    Cette attitude contraste fortement avec la stratégie de communication adoptée depuis le début des manifestations en 2019 où elle ne détourne à aucun moment l'attention de l'Algérie, allant même jusqu’à afficher le drapeau national,13 un geste paradoxal dans une organisation de ce type. D’autre part, bien que ni le Soudan, le Liban ou l'Irakne soient des contextes proches pour AQMI, il est surprenant de ne trouver aucune mention de ces scénarios, à part un bref aperçu dans le message de félicitations à l'occasion de l''Īd al-Aḍḥā. Une pratique qui, en revanche, ne sort pas de l'ordinaire, car il s'agit d'un événement que l’AQMI – comme d'autres organisations djihadistes – saisit généralement pour faire le point sur la situation globale des différents fronts d’intérêt.

    De même, en 2019, force est de constater une diminution notable du degré de complotisme, habituellement assez élevé dans le discours d'AQMI. Il est vrai qu'Abdelmalek Droukdel, avait déjà approuvé en 2017 les propos d'al-Zawahiri établissant que « la ligne qui sépare l'ennemi proche de l'ennemi éloigné n'est plus claire [...]. Combattre l'ennemi lointain et non le proche c'est ignorer deux fois la même réalité parce que […] l'ennemi lointain n'agit qu’à travers l'ennemi proche comme intermédiaire ».14 Pourtant, si en 2011 AQMI avait insisté sur l'ingérence étrangère – croisée et sioniste – non seulement comme une cause fondamentale du sous-développement et de la corruption morale dans le monde arabe, mais aussi comme le principal obstacle entre les révolutions et le changement réel, avec des allusions et des références constantes aussi bien historiques qu’actuelles, en 2019 l'utilisation de cet outil rhétorique est considérablement limitée. À tel point qu'en 2019 les mentions d'ingérence néo-colonialiste non seulement diminuent en nombre, mais elles se concentrent exclusivement sur les relations entre le régime algérien et la France.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

    Commentaire


    • #3
      Conclusions
      Compte tenu de la discréditation et la dévaluation de la légitimité des différents partis attachés aux courants islamistes en raison de leur proximité au pouvoir ces dernières années et de la nature civile des manifestations – où l'islamisme a brillé par son absence – la feuille de route d'AQMI vise à ne pas disparaître complètement de la scène algérienne. Et c'est à cette fin que l'organisation terroriste a consacré une grande partie de ses efforts comme en témoignent le grand nombre de documents publiés.

      L'élargissement progressif de son rayon d'action géographique ces dernières années et les résultats obtenus dans d'autres contextes ne cachent pas les difficultés croissantes de l'organisation à maintenir des niveaux de recrutement, d'enracinement, voire même de violence en Algérie. Cependant, les forces de sécurité algériennes ont réussi à réduire leur capacités à des niveaux record.15 En fait, Droukdel lui-même dans un entretien publié dans le magazine Inspire en 2017 a admis que « bien que d'autres fronts tels que la Tunisie, la Libye, le Sahel et le Sahara connaissent un réveil djihadiste sans précédent, le front algérien est depuis longtemps enlisé dans une guerre de longue durée […] et souffre d'une absence presque complète d'individus qui veulent soutenir (la cause) ».16

      Outre les enseignements tirés des différents processus révolutionnaires de 2011, deux conclusions principales peuvent être déduites de cette analyse : d'une part, à travers l'adoucissement du ton et du message, AQMI vise à retrouver une présence ne serait-ce que minime sur la scène nationale, en prônant la progressivité, en adoptant des positions moins radicales dans l'application de sa doctrine, puisque cela a remporté de bons résultats sur d'autres fronts.

      D’autre part, les changements observés dans son discours montrent clairement comment AQMI se prépare à tirer profit du résultat du hirak quel qu'il soit. En effet, l’incapacité du hirak à atteindre ses objectifs pourrait finir par frustrer une partie du mouvement et amener certaines de ses franges à se radicaliser, ouvrant à nouveau la porte à une possible reprise du recrutement dans les rangs d’AQMI. Enfin, la stratégie adoptée jusqu'à présent par l'organisation pourrait lui permettre, au fur et à mesure de l'évolution du mouvement, de reprendre des appels à la violence plus explicites, exposant à nouveau les limites de la route pacifique ou, le moment venu, de reprendre l'initiative concernant l'utilisation de la violence en essayant de générer une confrontation entre l'État et les masses qui, à moyen terme, pourrait fonctionner à son avantage.

      Sergio Altuna Galán
      Chercheur associé dans le Programme sur la Radicalisation Violente et le Terrorisme Global de l'Institut Royal Elcano | @wellesbien

      1 Bien qu'il s'agisse de deux parties du même document audiovisuel, les deux parties de la vidéo «ادخلوا عليهم الباب » sont comptées indépendamment en raison du fait qu'elles ont initialement été publiées comme telles.

      2 Extrait du document intitulé «نداء إلى أهلنا الثائرين في الجزائر », publié le 09/01/2011. Traduction de l'auteur.

      3 Extrait du document intitulé «لقاء صحفي للشيخ أبي عبيدة يوسف العنابي مع الصحفي وسيم نصر », publié le 30/05/2019. Traduction de l'auteur.

      4 Extrait du document intitulé «قاطعوا مهزلة الانتخابات », publié le 18/04/2012. Traduction de l'auteur.

      5 Extrait du document intitulé «لقاء صحفي للشيخ أبي عبيدة يوسف العنابي مع الصحفي وسيم نصر », publié le 30/05/2019. Traduction de l'auteur.

      6 Extrait du document intitulé «نداء إلى أهلنا الثائرين في الجزائر », publié le 09/01/2011. Traduction de l'auteur.

      7 Conseil consultatif qui agit en tant qu'organe à travers lequel la prise de décision par consensus est effectuée.

      8 Extrait du document intitulé «لقاء أبو عبيدة يوسف العنابي مع مؤسسة الأندلس », publié le 20/06/2011. Traduction de l'auteur.

      9 Extrait du document intitulé «بيان تكذيب وتحذير », publié le 30/03/2019. Traduction de l'auteur.

      10 Extrait du document intitulé « وخاب كل جبار عنيد », publié le 08/12/2019. Traduction de l'auteur.

      11 Extrait du document intitulé «لقاء أبو عبيدة يوسف العنابي مع مؤسسة الأندلس », publié le 20/06/2011. Traduction de l'auteur.

      12 Extrait du document intitulé «لقاء صحفي للشيخ أبي عبيدة يوسف العنابي مع الصحفي وسيم نصر », publié le 30/05/2019.

      13 Utilisé à plusieurs reprises comme fond d’écran dans le document intitulé «وتستمر معركة تحرير الجزائر » publié le 22/02/2020.

      14 Magazine Inspire #17, publié le 13/08/2017. Traduction de l'auteur.

      15 M. Bachir y A. Kharief (2018), “ANALYSIS: the slow death of al-Qaeda in Algeria”, 01/02/2018, Middle East Eye.

      16 Magazine Inspire #17, publié le 13/08/2017. Traduction de l'auteur.
      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

      Commentaire


      • #4

        Article des services de manipulation et de subversion !


        Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

        Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

        Commentaire


        • #5
          En lisant le début de cet article, je sens que notre SYSTÈME MAFIEUX prépare l'opinion publique.

          Nos Mafieux voudraient bien utiliser la carte de l'AQMI maintenant.


          Dernière modification par Pomaria, 25 avril 2020, 12h53.
          Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

          Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

          Commentaire


          • #6

            Par l'AQMI ou son équivalent, notre régime Mafieux voudrait bien casser ce peuple, son HIRAK et son PACIFISME qui les a tué, neutralisé et mis à nu.

            Détruire le pacifisme du PEUPLE ALGERIEN par l'AQMI, c'est la même STRATEGIE de CONTRE-REVOLUTION utilisée par SISSI en EGYPTE au SINAI.

            Les services de renseignements Israéliens y ont très bien aidé SISSI.
            Et ca a très bien marché.

            Les exactions-sommaires et les emprisonnements tout azimut a eu raison de la volonté de tous le peuple égyptien.

            RESULTAT :
            Leurs GÉNÉRAUX EGYPTIENS ont repris le dessus et le peuple EGYPTIEN est maintenant MORT et pour 1 siècle encore !

            Chez nous, ca serait peut-être bien leurs proxys, les EMIRATS (amis de certains de nos GENERAUX) qui pourront les y aider.
            Ils peuvent leur envoyer des spécialistes et des mercenaires pour les aider à organiser des milices pour terroriser ce PEUPLE et son pacifisme.

            Peut-être bien que nos Mafieux n'ont en pas besoin. On a déjà nos propres experts en la matière. Les équipes du sanguinaures TOUFIK qui sont de retour sur la scène..
            Dernière modification par Pomaria, 25 avril 2020, 13h13.
            Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

            Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

            Commentaire


            • #7
              En plus il n'y a pas eu de printemps arabe en Algérie en 2011 comme veut le sous entendre les auteurs du texte. Certains désespéraient de ne pas voir le printemps arabe et le chaos en Algérie en 2011. En 2011, il y avait 10 fois plus de policiers que les très rares manifestants.

              L'Algérie a eu son printemps arabe bien avant tous dès 1988, liberté totale puis embuscade décennie noire.

              Le pouvoir, la dictature, craint beaucoup la fin de la pause covid-19 et tellement paniqué désespéré fait tout pour salir l'image du Hirak.
              Dernière modification par panshir, 25 avril 2020, 14h03.

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              • #8
                hahaha... comme par hasard... les mêmes équations jouées en 1992...

                http://www.algerie-dz.com/forums/sho...77#post6633577
                Othmane BENZAGHOU

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                • #9
                  A savoir combien ce Think-Thank espagnol a été payé pour produire cette étude ?

                  Les mamelouks modernes, les janissaires de la contre-révolution, excellent dans la fabrication d’une menace intérieure : le djihadisme. Une thèse aisée à vendre auprès du monde extérieur et parfaite pour justifier leur férule sécuritaire.

                  Lire le livre de Jean-Pierre Filiu : « Généraux, gangsters et jihadistes. Histoire de la contre-révolution arabe »

                  Dernière modification par shadok, 25 avril 2020, 18h16.
                  Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

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                  • #10
                    Conférence du Pr Jean-Pierre Filiu (2018)

                    Le bon sens est la chose la mieux partagée du monde... La connerie aussi - Proverbe shadokien

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                    • #11
                      plus de doutes vous etes des islamistes
                      The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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                      • #12
                        nacer-eddine06
                        plus de doutes vous etes des islamistes
                        Avec de grosses barbiches bien longues,
                        du k'houl dans les yeux, dans les oreilles et les orteils,
                        munis de gros couteaux bien aiguisés !

                        ainsi que des bouteilles de PASTIS !

                        ha ha ha !
                        Dernière modification par Pomaria, 25 avril 2020, 19h15.
                        Lorsque vous changez votre manière de voir les choses, les choses que vous voyez changent !

                        Ne cédez donc plus à la tentation de victimisation, si vous voulez êtes l’acteur principal de votre vie.

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                        • #13
                          AQMI face au hirak: modulation du discours en attendant une fenêtre d'opportunité en Algérie
                          AQMI est une pure création de Toufik. Mais il y aura toujours des manipulateurs de service qui vont nous dire le contraire.
                          La guerre c'est le massacre entre gens qui ne se connaissent pas au profit de gens qui se connaissent mais qui ne se massacrent pas.

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