Algérie : « Les défis sont autant de pistes pour réformer notre système de santé »
, ministre algérien de la Santé, répond. Propos recueillis par Adlène Meddi, à Alger
26/04/2020 à 12:24 | Le Point.fr
Abderrahmane Benbouzid est en premiere ligne avec son ministere de la Sante face au Covid-19.
Installé début janvier dernier comme ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le professeur Abderrahmane Benbouzid fait face avec ses équipes à la crise pandémique qui frappe le pays. Praticien apprécié par ses collègues, l'homme ne « s'est pas contenté de rester dans son bureau », comme le confie l'un de ses anciens collègues de bloc. Chirurgien orthopédiste de formation, ancien chef de service d'orthopédie et de traumatologie, Benbouzid a élaboré un plan anti-Covid-19 qui commence à donner des résultats « encourageants », avec une certaine stabilité dans les statistiques quant aux contaminations et, surtout, aux décès. Il en est de même de l'application du protocole thérapeutique basé sur l'association hydroxychloroquine-azythromycine qui donne des résultats positifs. Mais il est trop tôt pour crier victoire, d'autant que le confinement en cette période de ramadan reste difficile à faire appliquer.
Le Point Afrique : Pourquoi « l'Algérie n'a pas connu le scénario catastrophe » et connaît, toujours selon vos termes, une « nette stabilité » de la propagation du virus ?
Abderrahmane Benbouzid : Avant tout, il faut rappeler que le défi représenté par le Covid-19, qui est devenu une pandémie mondiale brutale, a non seulement ébranlé nos systèmes de santé, mais également mis à rude épreuve tous les gouvernements de ce monde. Pour nous, chaque nouveau cas, chaque décès est un drame individuel, familial et collectif, et je profite pour réaffirmer notre compassion et notre solidarité avec tous ceux qui ont vécu dans leur chair ces douloureuses expériences.
Notre pays n'y a pas échappé et a dû, malgré sa situation difficile, prendre, le plus précocement possible, les mesures pour y faire face. Ces mesures se sont inscrites dans le cadre de recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et se sont voulues adaptées à notre contexte national. Elles se sont traduites par une mobilisation totale du gouvernement et de l'ensemble des acteurs de la riposte avec, au premier rang, l'ensemble du personnel de santé auquel je rends un hommage particulier.
Cette riposte s'est articulée autour de trois axes majeurs. Premièrement : la prévention, dont les actions ont été soutenues. Deuxièmement : la surveillance active, le dépistage précoce par la PCR et la prise en charge rapide des cas avec le protocole thérapeutique basé sur l'association hydroxychloroquine-azythromycine, qui ont été entrepris, dès le début de l'épidémie, de façon résolue et dans un souci de décentralisation. Enfin, le confinement de la population, qui a été mis en œuvre précocement, alors que l'Algérie ne comptait que près de 200 cas, et ce de façon adaptée à l'évolution de l'épidémiologie locale. Cette stratégie nationale nous a permis de ne pas connaître la pression qu'ont eu à subir d'autres systèmes de santé et l'analyse post-épidémie pourra, je l'espère, dire le pourquoi de cette physionomie différente de l'épidémie. On peut évoquer quelques pistes de réponse : la structure démographique de notre population avec moins de sujets âgés qu'en Europe ? La mise en place relativement précoce du confinement au sein des zones-foyer de Covid-19 ? L'adoption, très tôt, du traitement par hydroxychloroquine-azithromycine ? Le génie évolutif de ce virus ?
Quant à la stabilité que vous évoquez, elle s'appuie sur les chiffres des derniers jours qui montrent une tendance générale à la stabilisation du nombre de cas et à la baisse du nombre de décès. Mais nous restons extrêmement prudents quant aux conclusions à tirer, cette épidémie ayant montré qu'elle pouvait rebondir et défier à nouveau les systèmes de santé, comme au Japon. La prudence, c'est aussi le respect par tous des mesures de confinement, d'hygiène individuelle, de protection dans les lieux publics et de distanciation physique.
Comment appréhendez-vous la période du ramadan en Algérie ? Faire respecter les règles du confinement ne sera-t-il pas plus compliqué en cette période de forte affluence dans les lieux publics et de réunions familiales ?
Ceci nous pose un autre défi dès lors qu'il s'agira pour nous de voir comment concilier les pratiques séculaires du ramadan et la sécurité des personnes avec cette pandémie de Covid-19, sans oublier les risques de santé propres aux personnes âgées et/ou souffrant de maladies chroniques.
La question « santé et ramadan » est, tout d'abord, partie intégrante de nos programmes nationaux de santé et fait l'objet, chaque année, en collaboration avec le secteur des affaires religieuses, d'actions de prévention et de conseils qui viennent rappeler le respect de mesures de précautions pour préserver la santé des populations les plus vulnérables. Cette année, il nous faudra en plus concilier les mesures de précaution sanitaires aux mesures de confinement afin de limiter la propagation du coronavirus, et ce, d'autant que nous enregistrons, à la veille de ce mois de ramadan, des résultats encourageants qu'il nous faudra préserver. Aussi, en concertation avec le ministère des Affaires religieuses, nous nous attellerons, dans le souci de permettre à nos citoyens de passer un mois de ramadan en toute sécurité, à rappeler, d'une part, le strict respect des mesures d'hygiène et de distanciation physique, et d'autre part l'application des recommandations des médecins en ce qui concerne la pratique du jeûne pour les malades atteints du Codiv-19 et/ou souffrant de maladies chroniques.
Je profite pour rappeler à nos citoyens qui ont fait preuve d'une prise de conscience importante dans le respect des mesures de prévention et de confinement de poursuivre leurs efforts en ce mois de recueillement, de piété et de solidarité.
Quelle stratégie adoptera le gouvernement pour la sortie prochaine du confinement ?
Cette stratégie fait actuellement l'objet d'un examen approfondi des différents scénarios possibles par le comité scientifique. Elle fera également l'objet d'une large concertation au sein du gouvernement avec tous les secteurs concernés. Elle devra être nécessairement organisée et adaptée à la situation épidémiologique locale. Cependant, les résultats encourageants que l'Algérie enregistre actuellement devront être préservés, et je réitère mon appel à la vigilance et à la poursuite sans relâche du strict respect des mesures de prévention et de confinement.
Peut-on établir déjà un bilan du recours au protocole de la chloroquine pour les patients algériens ?
Certes, il est tôt pour tirer des conclusions relatives aux résultats du protocole hydroxychloroquine-azytrhomycine que l'Algérie a adopté de façon précoce et encadrée avec une prescription en milieu hospitalier et une surveillance médicale stricte. Cependant, les éléments recueillis montrent une satisfaction chez les praticiens du terrain, comme en témoigne, d'une part, le nombre de patients mis sous ce protocole qui s'élève, à ce jour, à 5 433, et, d'autre part, le nombre de patients guéris qui est en augmentation constante et qui a contribué à libérer des lits d'hospitalisation, à réduire les transferts en réanimation et éviter, ainsi, la surcharge de nos hôpitaux.
, ministre algérien de la Santé, répond. Propos recueillis par Adlène Meddi, à Alger
26/04/2020 à 12:24 | Le Point.fr
Abderrahmane Benbouzid est en premiere ligne avec son ministere de la Sante face au Covid-19.
Installé début janvier dernier comme ministre de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière, le professeur Abderrahmane Benbouzid fait face avec ses équipes à la crise pandémique qui frappe le pays. Praticien apprécié par ses collègues, l'homme ne « s'est pas contenté de rester dans son bureau », comme le confie l'un de ses anciens collègues de bloc. Chirurgien orthopédiste de formation, ancien chef de service d'orthopédie et de traumatologie, Benbouzid a élaboré un plan anti-Covid-19 qui commence à donner des résultats « encourageants », avec une certaine stabilité dans les statistiques quant aux contaminations et, surtout, aux décès. Il en est de même de l'application du protocole thérapeutique basé sur l'association hydroxychloroquine-azythromycine qui donne des résultats positifs. Mais il est trop tôt pour crier victoire, d'autant que le confinement en cette période de ramadan reste difficile à faire appliquer.
Le Point Afrique : Pourquoi « l'Algérie n'a pas connu le scénario catastrophe » et connaît, toujours selon vos termes, une « nette stabilité » de la propagation du virus ?
Abderrahmane Benbouzid : Avant tout, il faut rappeler que le défi représenté par le Covid-19, qui est devenu une pandémie mondiale brutale, a non seulement ébranlé nos systèmes de santé, mais également mis à rude épreuve tous les gouvernements de ce monde. Pour nous, chaque nouveau cas, chaque décès est un drame individuel, familial et collectif, et je profite pour réaffirmer notre compassion et notre solidarité avec tous ceux qui ont vécu dans leur chair ces douloureuses expériences.
Notre pays n'y a pas échappé et a dû, malgré sa situation difficile, prendre, le plus précocement possible, les mesures pour y faire face. Ces mesures se sont inscrites dans le cadre de recommandations de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) et se sont voulues adaptées à notre contexte national. Elles se sont traduites par une mobilisation totale du gouvernement et de l'ensemble des acteurs de la riposte avec, au premier rang, l'ensemble du personnel de santé auquel je rends un hommage particulier.
Cette riposte s'est articulée autour de trois axes majeurs. Premièrement : la prévention, dont les actions ont été soutenues. Deuxièmement : la surveillance active, le dépistage précoce par la PCR et la prise en charge rapide des cas avec le protocole thérapeutique basé sur l'association hydroxychloroquine-azythromycine, qui ont été entrepris, dès le début de l'épidémie, de façon résolue et dans un souci de décentralisation. Enfin, le confinement de la population, qui a été mis en œuvre précocement, alors que l'Algérie ne comptait que près de 200 cas, et ce de façon adaptée à l'évolution de l'épidémiologie locale. Cette stratégie nationale nous a permis de ne pas connaître la pression qu'ont eu à subir d'autres systèmes de santé et l'analyse post-épidémie pourra, je l'espère, dire le pourquoi de cette physionomie différente de l'épidémie. On peut évoquer quelques pistes de réponse : la structure démographique de notre population avec moins de sujets âgés qu'en Europe ? La mise en place relativement précoce du confinement au sein des zones-foyer de Covid-19 ? L'adoption, très tôt, du traitement par hydroxychloroquine-azithromycine ? Le génie évolutif de ce virus ?
Quant à la stabilité que vous évoquez, elle s'appuie sur les chiffres des derniers jours qui montrent une tendance générale à la stabilisation du nombre de cas et à la baisse du nombre de décès. Mais nous restons extrêmement prudents quant aux conclusions à tirer, cette épidémie ayant montré qu'elle pouvait rebondir et défier à nouveau les systèmes de santé, comme au Japon. La prudence, c'est aussi le respect par tous des mesures de confinement, d'hygiène individuelle, de protection dans les lieux publics et de distanciation physique.
Comment appréhendez-vous la période du ramadan en Algérie ? Faire respecter les règles du confinement ne sera-t-il pas plus compliqué en cette période de forte affluence dans les lieux publics et de réunions familiales ?
Ceci nous pose un autre défi dès lors qu'il s'agira pour nous de voir comment concilier les pratiques séculaires du ramadan et la sécurité des personnes avec cette pandémie de Covid-19, sans oublier les risques de santé propres aux personnes âgées et/ou souffrant de maladies chroniques.
La question « santé et ramadan » est, tout d'abord, partie intégrante de nos programmes nationaux de santé et fait l'objet, chaque année, en collaboration avec le secteur des affaires religieuses, d'actions de prévention et de conseils qui viennent rappeler le respect de mesures de précautions pour préserver la santé des populations les plus vulnérables. Cette année, il nous faudra en plus concilier les mesures de précaution sanitaires aux mesures de confinement afin de limiter la propagation du coronavirus, et ce, d'autant que nous enregistrons, à la veille de ce mois de ramadan, des résultats encourageants qu'il nous faudra préserver. Aussi, en concertation avec le ministère des Affaires religieuses, nous nous attellerons, dans le souci de permettre à nos citoyens de passer un mois de ramadan en toute sécurité, à rappeler, d'une part, le strict respect des mesures d'hygiène et de distanciation physique, et d'autre part l'application des recommandations des médecins en ce qui concerne la pratique du jeûne pour les malades atteints du Codiv-19 et/ou souffrant de maladies chroniques.
Je profite pour rappeler à nos citoyens qui ont fait preuve d'une prise de conscience importante dans le respect des mesures de prévention et de confinement de poursuivre leurs efforts en ce mois de recueillement, de piété et de solidarité.
Quelle stratégie adoptera le gouvernement pour la sortie prochaine du confinement ?
Cette stratégie fait actuellement l'objet d'un examen approfondi des différents scénarios possibles par le comité scientifique. Elle fera également l'objet d'une large concertation au sein du gouvernement avec tous les secteurs concernés. Elle devra être nécessairement organisée et adaptée à la situation épidémiologique locale. Cependant, les résultats encourageants que l'Algérie enregistre actuellement devront être préservés, et je réitère mon appel à la vigilance et à la poursuite sans relâche du strict respect des mesures de prévention et de confinement.
Peut-on établir déjà un bilan du recours au protocole de la chloroquine pour les patients algériens ?
Certes, il est tôt pour tirer des conclusions relatives aux résultats du protocole hydroxychloroquine-azytrhomycine que l'Algérie a adopté de façon précoce et encadrée avec une prescription en milieu hospitalier et une surveillance médicale stricte. Cependant, les éléments recueillis montrent une satisfaction chez les praticiens du terrain, comme en témoigne, d'une part, le nombre de patients mis sous ce protocole qui s'élève, à ce jour, à 5 433, et, d'autre part, le nombre de patients guéris qui est en augmentation constante et qui a contribué à libérer des lits d'hospitalisation, à réduire les transferts en réanimation et éviter, ainsi, la surcharge de nos hôpitaux.
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