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L’Arabie Saoudite triplement piégée ? Et l’Algérie ?

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  • L’Arabie Saoudite triplement piégée ? Et l’Algérie ?

    Grâce à leur manne pétrolière, les Saoudiens, qui se pensaient à l’abri des aléas du marché pétrolier, sont aujourd’hui confrontés à des difficultés majeures : le coronavirus et son impact sur l’économie mondiale, la chute du baril qu’ils ont eux-mêmes provoquée en inondant un marché déjà saturé et en pleine récession, avec l’aval de la Maison Blanche, laquelle pensait mettre en difficulté la Russie de Poutine, et cette guerre interminable au Yémen qu’ils pensaient rapidement plier face aux montagnards houthis, soutenus par l’Iran.
    Aujourd’hui, ils paient au prix fort l’imprévoyance stratégique dont ils ont fait montre, surtout depuis l’avènement du prince hériter Mohamed Ben Salmane (MBS) comme nouvel homme fort du pays : à savoir ériger l’Arabie Saoudite en puissance régionale et la gestion des multiples crises qui agitent le Moyen-Orient depuis l’intervention américaine en 2003.
    En Syrie, par exemple, l’Arabie Saoudite était le principal soutien de la Coalition nationale syrienne (CNA), opposée au régime de Bachar Al-Assad en imposant à la tête de cette coalition Ahmed Al-Jarba. Et si, en tant qu’État, elle ne finançait pas directement les groupes armés, la monarchie saoudienne fermait les yeux sur leur financement par les multiples réseaux et fondations religieuses wahhabites au profit notamment du Front islamique syrien (coalition de groupes armés salafistes) dont Djeïch al-Islam de Zahran Allouche était le fer de lance.(1)
    Depuis lors, si l’Arabie Saoudite a quelque peu pris ses distances avec la crise syrienne, laissant seule la Turquie d’Erdogan s’enliser dans le bourbier syrien, c’est parce qu’elle a à se sortir au plus vite de la crise yéménite. La guerre qu’elle mène depuis mars 2015 contre les rebelles houthis est en train de se transformer en désastre militaire et financier : elle a coûté des milliards de dollars au budget saoudien.
    Aussi le 8 avril dernier, les Saoudiens ont-ils cru bien faire en annonçant un cessez-le-feu de deux semaines au Yémen sous prétexte de prévenir une propagation du coronavirus, une proposition que les Houthis ont rejetée ! Ajoutez à cela, la décision récente de leurs protégés sud-yéménites de se constituer en Etat sur la partie sud du pays avec Aden comme capitale, ce qui va encore compliquer la sortie de crise.
    En résumé, la chute du prix du baril, le coronavirus qui frappe de plein fouet la péninsule Arabique, le conflit yéménite et les tensions régionales, ne sont pas étrangers au changement de posture des Saoudiens car ils impactent dangereusement les finances du pays. Avec une dette extérieure de 350 milliards de dollars pour des recettes pétrolières estimées à 137 milliards de dollars à fin 2020, l’entrée ratée en Bourse de la compagnie nationale Aramco (l’équivalent de Sonatrach), un déficit budgétaire prévisionnel de plus de 50 milliards de dollars à fin 2020, établi avant la chute du baril, l’Arabie Saoudite est contrainte de puiser dans ses réserves de change, lesquelles sont en train de chuter, et de réviser à la baisse ses ambitions.
    A terme, cette baisse des revenus pourrait compromettre l’ambitieux plan de développement Vision 2030, d’un montant de 427 milliards de dollars, visant à faire entrer l’Arabie dans l’ère de l’après-pétrole. Un projet de modernisation et de diversification de l’économie dans lequel MBS, qui se rêvait en leader de la région, s’est personnellement investi. Or, en plus du conflit yéménite dans lequel il s’est personnellement impliqué, il a vu son image de réformateur éclaboussée et ternie par l’affaire de l’ex-Premier ministre Rafik Hariri en novembre 2017 et par le meurtre sordide du journaliste saoudien Jamal Khashoggi en octobre 2018 à Istanbul !(2)
    Au final, dans un marché mondial où la crise liée au coronavirus a entraîné un effondrement de la demande et où l’imprévoyance des Saoudiens a fait chuter les prix du baril de brut en inondant un marché en pleine récession, le prix du baril n’est pas près de remonter de sitôt.
    Et l’Algérie, pays de 44 millions d’habitants, dans tout ça ? Entraînée malgré elle par le «frère» saoudien – alors que chacun sait qu’en politique, il n’y a ni amis ni frères, seuls les intérêts comptent – elle risque d’en payer durement le prix.
    H. Z.
    (1) Zahran Allouch, diplômé de l’université islamique de Médine, soutenu par les religieux wahhabites, a été tué dans la Ghouta (banlieue de Damas) en décembre 2015.
    (2) Pour plus de détails sur l’affaire Khashoggi, voir mes chroniques du Soir d’Algérie du 25 octobre et du 15 novembre 2018.

    le soir d'algérie
    Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre.
    (Paul Eluard)
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