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ING vous propose d’investir durablement dans… l’armement -

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  • ING vous propose d’investir durablement dans… l’armement -

    Quatrième volet de notre série Sur les routes cachées de notre argent. On ouvre le dictionnaire. "Arme : instrument ou dispositif servant à tuer, blesser… ou réduire un ennemi". La définition du Petit Robert ne souffre d’aucune mauvaise interprétation. Une arme semble peu compatible avec un "investissement socialement responsable" ou durable.


    Quand on avait poussé les portes d’une agence ING début 2019, on avait posé la question pour en avoir le cœur net:

    - "Vous savez quels secteurs sont d’office exclus ? Par exemple, l’armement ?"

    - "Oui, ça, d’office. Tout ce qui est financement du terrorisme. Tout ce qui est secteur de l’armement."

    Dans sa gamme de produits durables, le banquier va nous proposer un fonds durable géré par une autre banque : le fonds Axa World Funds Global Factors – Sustainable Equity. ING le distribue et le classe donc dans sa catégorie "sustainable".

    Nous avons la preuve que, dans les 6 mois qui ont suivi ce rendez-vous, ce fonds a investi dans plusieurs sociétés d’armement : Raytheon, Thales et MTU Aero Engines Holding. Même si le chiffre d’affaires consacré à l’armement des deux dernières dépasse largement ou avoisine les 10%, arrêtons-nous sur la plus évidente : Raytheon. Dans le rapport semestriel du 30 juin 2019, on a trouvé un investissement d’1.321.488 dollars dans cette société. L’information donnée en agence est donc fausse.

    On fait des missiles, on fait des bombes

    Avec plus de trois milliards de bénéfice annuel, Raytheon figure dans le top 5 des plus grosses entreprises de défense au monde. "C’est une entreprise américaine. En ce qui concerne le côté armement, il n’y a pas de suspens. On fait des missiles. On fait des bombes. Vous la retrouvez partout, dans tous les conflits sur la planète. Prétendre vendre ce type de produit comme étant un investissement éthique, c’est très problématique", nous confie Yannick Quéau, directeur de la Recherche au GRIP.

    Des armes utilisées pour des crimes de guerre
    Le 8 octobre 2016, une cérémonie funéraire est bombardée au Yémen.
    Le 8 octobre 2016, une cérémonie funéraire est bombardée au Yémen. - © Tous droits réservés
    Parmi les meilleurs clients de Raytheon, il y a l’Arabie saoudite. Selon le rapport annuel 2018 de la société, ce régime controversé lui a commandé pour plus de 2 milliards de dollars d’armement.



    Dans un hôtel bruxellois, entre deux conférences internationales, nous allons rencontrer Radhya Al-Mutawakel, présidente de l’ONG Mwatana. Cette défenseuse des droits de l’Homme a documenté de nombreux crimes de guerre au Yémen. Les armes de Raytheon, elle connait leur impact.

    Dans son rapport intitulé Day of Judgment, elle nous montre des exemples concrets : "Dans la plupart des incidents, le fabriquant des armes était Raytheon. Ça, c'est un incident qui s'est produit en 2016. La coalition arabe avait bombardé un camion. Treize enfants et trois femmes ont été tués. C'était tous des civils. On a retrouvé les restes des armes sur place. Elles avaient été fabriquées aux Etats-Unis, par la société Raytheon".

    Dans ce rapport, le nom Raytheon revient à 13 reprises. Ses armes ont frappé directement des civils, des écoles ou des centres culturels. Le 8 octobre 2016, une cérémonie d’enterrement a été bombardée à deux reprises ne laissant aucune chance aux premiers rescapés. Bilan 84 morts et 550 blessés. De nouveau, dans les décombres, les numéros de série des armes correspondent à ceux de Raytheon. "Notre travail nous a appris que le commerce des armes est au centre de la guerre au Yémen. Il n'y a pas que le prix humain, il y a aussi beaucoup d'intérêts financiers en jeu à cause de la guerre au Yémen. Et Raytheon en fait partie."

    La réaction d'ING
    Leonie Schreve, responsable mondiale de la durabilité chez ING

    ING a refusé nos multiples demandes d’interview. Nous n’avons pas eu d’autres choix que de nous rendre à la cérémonie du nouvel an organisée par Euronext, la Bourse de Bruxelles. Un débat est organisé devant tout le gratin de la finance belge. Le thème de la soirée : "La durabilité dans la finance. Il est temps d’agir".

    Parmi les invités, il y a Leonie Schreve, responsable mondiale de la durabilité pour la banque ING. On ne peut pas trouver meilleure interlocutrice. Devant l’assemblée, elle annonce : "L'urgence est vraiment là. Nous devons donc vraiment agir. Et nous devons nous dépêcher. Nous devons nous concentrer sur les gagnants de demain. Nous pensons que le commerce durable est le meilleur business".

    À la fin du débat, nous l’interpellons sur le fonds de placement durable. Certes, il est géré par Axa. Mais, il est aussi distribué par ING. Nous lui montrons à quoi servent les armes de Raytheon. "Nous proposons des fonds durables ING où je sais que des critères stricts sont appliqués. Mais, si nous offrons un fonds d'une tierce partie, je ne suis plus responsable… Ça n'arriverait pas si c'était ING qui développait les fonds… J'ai bien sûr ma propre opinion mais elle n'a pas cours dans cette discussion." On sent une pointe de malaise dans sa réponse. Mais, elle ne nous en dira pas plus.

    Après cet épisode, le service communication de la banque va nous fournir une réponse écrite : "Ces investissements ont été réalisés dans Axa WF Global Factors - Sustainable Equity, un fonds d'investissement pour lequel ING agit en tant que distributeur. Nous avons consulté Axa IM en lien aux questions de la RTBF et avons reçu la confirmation que le fonds est en ligne avec la Norme de qualité et label Febelfin pour des produits financiers durables et socialement responsables depuis août 2019. Ceci implique que les investissements dans Raytheon sont exclus depuis. Ce fonds a d'ailleurs reçu en mars 2020 le label 'Towards Sustainability' ("Vers la durabilité", ndlr)".


    À l’approche de la diffusion de cette enquête, le gestionnaire de fonds Axa a publié son dernier rapport annuel clôturé au 31 décembre 2019. L’information est exacte. Raytheon mais aussi Thales ont été sortis du fonds. Mais, il reste encore MTU Aero Engines Holding AG, une entreprise qui tire environ 10% de ses revenus dans le secteur de la défense. Son chiffre d’affaires lié au secteur militaire est de 458 millions d’euros en 2019. À titre d’exemple, cette société participe à la fabrication des avions de combat Eurofighter ou encore le Panavia Tornado.

    Ce fonds de placement a donc reçu le label durable créé par Febelfin, la Fédération des banques. Comment est-ce possible ? Il y a une explication. Le label tolère des investissements dans l’armement pour autant que les revenus de l’entreprise liés à ce secteur ne dépassent pas les 10%. MTU Aero Engines Holding flirte avec cette barre. Tout semble donc en ordre. La même tolérance de 10% est appliquée pour le tabac, l’extraction du charbon ou du pétrole et du gaz non-conventionnels. C’est un peu comme un produit bio où l’on accepterait 10% de pesticides. Vous l'achèteriez ?
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