Par KHALED REMOUCHE -3 mai 2020
A contre-courant de plusieurs économistes nationaux, le chef de l’Etat veut recourir à d’autres alternatives, drainer l’argent de l’informel, de la communauté d’affaires locale et, en particulier, l’interdiction d’importation de produits fabriqués localement.
Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune vient de dévoiler les grandes lignes de sa « thérapie » pour surmonter la grave crise économique actuelle à laquelle fait face l’Algérie en raison des effets du Covid-19 et de la chute brutale des prix du pétrole, lors d’une entrevue avec des responsables de médias nationaux, diffusée vendredi soir sur les chaînes de télévision locales. En dépit d’un important déficit des ressources financières enregistré, résultat de la crise sanitaire et de la crise pétrolière, le chef de l’Etat a exclu deux alternatives importantes préconisées par nombre dae spécialistes, pour sortir de cette situation : le recours à l’endettement extérieur et à la planche à billets. Concernant la première solution, il a soutenu d’abord que l’Algérie ne recourra pas aux crédits extérieurs. « Nous n’irons pas au Fonds monétaire international (FMI) ni à la Banque mondiale car l’endettement porte atteinte à la souveraineté nationale. Une expérience que nous avons vécue au début des années 1990. Si nous empruntons aux banques étrangères, on ne peut parler ni de la Palestine ni du Sahara Occidental », a-t-il argué. Le président de la République a cependant nuancé ses propos. « L’endettement extérieur demeure une possibilité pour les projets économiques à haute rentabilité, comme la construction d’un port commercial ». De façon plus claire, il a affirmé que si nous nous endettons pour 2 milliards de dollars pour un projet d’investissement qui nous rapporte par la suite 4 milliards de dollars, ce type d’endettement n’est pas exclu. Abdelmadjid Tebboune rejoint ainsi un large cercle d’économistes nationaux qui plaident pour ce mode d’endettement extérieur : s’endetter pour des projets d’investissements productifs de biens et services rentables et non pas pour l’importation ou la consommation. Le chef de l’Etat a également exclu la planche à billets à cause de ses répercussions négatives. « La question est de savoir qui paiera cette dette ? Une telle démarche entraînera une hausse de l’inflation alors que le revenu (des ménages) restera stable ». Les économistes sont divisés sur la question, les uns plus nombreux plaident contre pour les mêmes raisons, d’autres sont en faveur d’un recours limité, en raison des marges de manœuvre très étroites du gouvernement Djerad face à la crise.
L’emprunt local privilégié
Plus optimiste, le Président de la République opte plutôt pour le recours à l’emprunt local. « Nous préférons emprunter aux Algériens en leur donnant toutes les garanties nécessaires. Il a fait savoir en ce sens que le secteur privé représente quelque 6 000 milliards de dinars ou 10 000 milliards de dinars de fonds et que des garanties et des facilitations seront accordées aux propriétaires de ces fonds pour contribuer à l’économie nationale. Si certains demandent l’ouverture de banques islamiques sans intérêts, la porte est ouverte, et la Banque centrale est prête à accorder l’agrément. » Le chef de l’Etat par cette déclaration veut drainer l’argent qui circule hors des circuits bancaires et celui de la communauté d’affaires et des particuliers. Mais le chef de l’Etat oublie que le principal obstacle à la mise en oeuvre de cette solution est la confiance. Sans rétablissement de la confiance à l’égard des institutions de l’Etat, il est difficile de s’attendre à des résultats en la matière. Autre remède dans sa thérapie, la lutte contre les surfacturations. « La cadence de consommation des réserves de change sera moins rapide que les années précédentes grâce à l’élimination du phénomène de la surfacturation et du surcoût des projets d’investissement en Algérie. Les raisons de mon optimisme quant à la sortie de crise sont la stabilité des réserves de change. Nous avons éliminé le phénomène de la surfacturation et avons réussi à préserver nos réserves de change. » Le chef de l’Etat ne dit pas comment il a pu obtenir des résultats sur ce dossier.
Remontée des prix du pétrole à 40 à 45 dollars au second semestre
Le Président de la République a également rappelé les autres mesures anti-crise déjà prises, réduction de 30% du budget de fonctionnement et gel de projets d’investissements. Sur ce second point, il a évoqué une décision, le ralentissement dans l’effort de réalisation de barrages et de transferts d’eau en raison des colossaux investissements déjà réalisés. Mais il a ajouté qu’il ne compte pas geler les programmes de réalisation de logements en raison de leur important impact social. Il a également indiqué qu’il compte recourir à l’interdiction de l’importation des produits fabriqués localement.
Autre raison de l’optimisme du Président de la République, la situation du marché pétrolier. Le Chef de l’Etat table sur une remontée des cours du pétrole à 40 et 45 dollars le baril le second semestre 2020. « La crise pétrolière que traverse l’Algérie et le reste des pays producteurs est une crise conjoncturelle et non structurelle. La roue de l’économie mondiale est ralentie en raison de la pandémie. Elle sera relancée prochainement. En Chine, elle a connu une relance en dépit de la non-augmentation de la consommation pétrolière chinoise et ce en raison de ses réserves importantes. Si la relance de l’économie mondiale était seulement de 2%, les prix du pétrole augmenteront. Certes la crise sanitaire et pétrolière est difficile mais loin d’être catastrophique. Les prix du pétrole vont remonter à 40-45 dollars le second semestre 2020 », estime le Président de la République. Dans la foulée, il a « semé d’autres grains d’espoir ». L’Algérie pourra, selon lui, connaître dans deux ans une croissance économique forte pour peu que les hommes d’affaires s’impliquent -dans les efforts de sortie de crise et de relance de l’économie.
Cap sur l’exploitation des réserves de minerais
L’Algérie recèle, en outre, d’importantes réserves de minerais stratégiques qu’il faudra exploiter. « L’Algérie regorge d’importantes ressources inexploitées à l’instar des minerais rares, le diamant, l’or, l’uranium, le cuivre, le tungstène. Elle dispose de réserves importantes en un minerai stratégique, les terres rares, parmi les premières au monde. J’ai donné des instructions au ministère de l’Industrie pour établir un recensement précis de ces richesses et élaborer un cahier des charges avec des banques d’affaires aux fins de leur exploitation. C’est inconcevable pour l’Algérie de ne pas exploiter ces ressources et d’interdire aux autres de le faire » (allusion à la Issaba). S’il est nécessaire de s’associer avec des pays amis dans ces projets, nous le ferons », a indiqué le Président de la République. Sur le dernier sujet de ses réponses, il convient de noter que ce méga chantier d’exploitation de nos ressources minérales stratégiques, une solution à l’après-pétrole, demandera du temps, 5 à 10 ans minimum. Il convient certes d’applaudir à ces ambitions légitimes, mais le plus dur est celui de matérialiser toutes ces bonnes intentions en actions efficaces.
Dans cette intervention, le chef de l’Etat n’évoque pas, en fin de compte, le glissement du dinar comme alternative au manque de ressources budgétaires. Allons-nous vers une dévaluation du dinar ? Point de réponse sur cette question. Mais ce qui compte au plus haut point aux yeux de l’opinion publique, est-ce que cette thérapie arrivera à surmonter la crise économique actuelle, à relancer l’économie nationale et ainsi préserver le pouvoir d’achat des citoyens ?
reporters.dz
A contre-courant de plusieurs économistes nationaux, le chef de l’Etat veut recourir à d’autres alternatives, drainer l’argent de l’informel, de la communauté d’affaires locale et, en particulier, l’interdiction d’importation de produits fabriqués localement.
Le Président de la République Abdelmadjid Tebboune vient de dévoiler les grandes lignes de sa « thérapie » pour surmonter la grave crise économique actuelle à laquelle fait face l’Algérie en raison des effets du Covid-19 et de la chute brutale des prix du pétrole, lors d’une entrevue avec des responsables de médias nationaux, diffusée vendredi soir sur les chaînes de télévision locales. En dépit d’un important déficit des ressources financières enregistré, résultat de la crise sanitaire et de la crise pétrolière, le chef de l’Etat a exclu deux alternatives importantes préconisées par nombre dae spécialistes, pour sortir de cette situation : le recours à l’endettement extérieur et à la planche à billets. Concernant la première solution, il a soutenu d’abord que l’Algérie ne recourra pas aux crédits extérieurs. « Nous n’irons pas au Fonds monétaire international (FMI) ni à la Banque mondiale car l’endettement porte atteinte à la souveraineté nationale. Une expérience que nous avons vécue au début des années 1990. Si nous empruntons aux banques étrangères, on ne peut parler ni de la Palestine ni du Sahara Occidental », a-t-il argué. Le président de la République a cependant nuancé ses propos. « L’endettement extérieur demeure une possibilité pour les projets économiques à haute rentabilité, comme la construction d’un port commercial ». De façon plus claire, il a affirmé que si nous nous endettons pour 2 milliards de dollars pour un projet d’investissement qui nous rapporte par la suite 4 milliards de dollars, ce type d’endettement n’est pas exclu. Abdelmadjid Tebboune rejoint ainsi un large cercle d’économistes nationaux qui plaident pour ce mode d’endettement extérieur : s’endetter pour des projets d’investissements productifs de biens et services rentables et non pas pour l’importation ou la consommation. Le chef de l’Etat a également exclu la planche à billets à cause de ses répercussions négatives. « La question est de savoir qui paiera cette dette ? Une telle démarche entraînera une hausse de l’inflation alors que le revenu (des ménages) restera stable ». Les économistes sont divisés sur la question, les uns plus nombreux plaident contre pour les mêmes raisons, d’autres sont en faveur d’un recours limité, en raison des marges de manœuvre très étroites du gouvernement Djerad face à la crise.
L’emprunt local privilégié
Plus optimiste, le Président de la République opte plutôt pour le recours à l’emprunt local. « Nous préférons emprunter aux Algériens en leur donnant toutes les garanties nécessaires. Il a fait savoir en ce sens que le secteur privé représente quelque 6 000 milliards de dinars ou 10 000 milliards de dinars de fonds et que des garanties et des facilitations seront accordées aux propriétaires de ces fonds pour contribuer à l’économie nationale. Si certains demandent l’ouverture de banques islamiques sans intérêts, la porte est ouverte, et la Banque centrale est prête à accorder l’agrément. » Le chef de l’Etat par cette déclaration veut drainer l’argent qui circule hors des circuits bancaires et celui de la communauté d’affaires et des particuliers. Mais le chef de l’Etat oublie que le principal obstacle à la mise en oeuvre de cette solution est la confiance. Sans rétablissement de la confiance à l’égard des institutions de l’Etat, il est difficile de s’attendre à des résultats en la matière. Autre remède dans sa thérapie, la lutte contre les surfacturations. « La cadence de consommation des réserves de change sera moins rapide que les années précédentes grâce à l’élimination du phénomène de la surfacturation et du surcoût des projets d’investissement en Algérie. Les raisons de mon optimisme quant à la sortie de crise sont la stabilité des réserves de change. Nous avons éliminé le phénomène de la surfacturation et avons réussi à préserver nos réserves de change. » Le chef de l’Etat ne dit pas comment il a pu obtenir des résultats sur ce dossier.
Remontée des prix du pétrole à 40 à 45 dollars au second semestre
Le Président de la République a également rappelé les autres mesures anti-crise déjà prises, réduction de 30% du budget de fonctionnement et gel de projets d’investissements. Sur ce second point, il a évoqué une décision, le ralentissement dans l’effort de réalisation de barrages et de transferts d’eau en raison des colossaux investissements déjà réalisés. Mais il a ajouté qu’il ne compte pas geler les programmes de réalisation de logements en raison de leur important impact social. Il a également indiqué qu’il compte recourir à l’interdiction de l’importation des produits fabriqués localement.
Autre raison de l’optimisme du Président de la République, la situation du marché pétrolier. Le Chef de l’Etat table sur une remontée des cours du pétrole à 40 et 45 dollars le baril le second semestre 2020. « La crise pétrolière que traverse l’Algérie et le reste des pays producteurs est une crise conjoncturelle et non structurelle. La roue de l’économie mondiale est ralentie en raison de la pandémie. Elle sera relancée prochainement. En Chine, elle a connu une relance en dépit de la non-augmentation de la consommation pétrolière chinoise et ce en raison de ses réserves importantes. Si la relance de l’économie mondiale était seulement de 2%, les prix du pétrole augmenteront. Certes la crise sanitaire et pétrolière est difficile mais loin d’être catastrophique. Les prix du pétrole vont remonter à 40-45 dollars le second semestre 2020 », estime le Président de la République. Dans la foulée, il a « semé d’autres grains d’espoir ». L’Algérie pourra, selon lui, connaître dans deux ans une croissance économique forte pour peu que les hommes d’affaires s’impliquent -dans les efforts de sortie de crise et de relance de l’économie.
Cap sur l’exploitation des réserves de minerais
L’Algérie recèle, en outre, d’importantes réserves de minerais stratégiques qu’il faudra exploiter. « L’Algérie regorge d’importantes ressources inexploitées à l’instar des minerais rares, le diamant, l’or, l’uranium, le cuivre, le tungstène. Elle dispose de réserves importantes en un minerai stratégique, les terres rares, parmi les premières au monde. J’ai donné des instructions au ministère de l’Industrie pour établir un recensement précis de ces richesses et élaborer un cahier des charges avec des banques d’affaires aux fins de leur exploitation. C’est inconcevable pour l’Algérie de ne pas exploiter ces ressources et d’interdire aux autres de le faire » (allusion à la Issaba). S’il est nécessaire de s’associer avec des pays amis dans ces projets, nous le ferons », a indiqué le Président de la République. Sur le dernier sujet de ses réponses, il convient de noter que ce méga chantier d’exploitation de nos ressources minérales stratégiques, une solution à l’après-pétrole, demandera du temps, 5 à 10 ans minimum. Il convient certes d’applaudir à ces ambitions légitimes, mais le plus dur est celui de matérialiser toutes ces bonnes intentions en actions efficaces.
Dans cette intervention, le chef de l’Etat n’évoque pas, en fin de compte, le glissement du dinar comme alternative au manque de ressources budgétaires. Allons-nous vers une dévaluation du dinar ? Point de réponse sur cette question. Mais ce qui compte au plus haut point aux yeux de l’opinion publique, est-ce que cette thérapie arrivera à surmonter la crise économique actuelle, à relancer l’économie nationale et ainsi préserver le pouvoir d’achat des citoyens ?
reporters.dz
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