Un journal, et pas des moindres, a disparu, Ennahar en l’occurrence, longtemps plus fort tirage du pays, sans que cela n’émeuve personne. La Toile est restée de marbre.
Celle-ci s’est pourtant enflammée à la seule parution de deux articles dans le journal El Watan. Des internautes n’ont pas apprécié que dans l’un, pourtant une opinion venue de l’extérieur – certes non annoncée comme telle – et dans l’autre, un compte rendu de la prestation télévisée du président de la République, celui-ci ait été jugé positivement.
Certains ont vite conclu à l’alignement avec le pouvoir en place et vite dressé un bûcher au quotidien, exercice courant et facile sur la Toile, notamment sous le sceau de l’anonymat. On aura décelé les classiques règlements de comptes et jalousies que le journal subit depuis ses trente années d’existence.
Ce qui nous intéresse en revanche, ce sont les questionnements des internautes, les plus nombreux, autour de la ligne éditoriale d’El Watan.
Y en a-t-il une nouvelle qui remette en cause l’ancienne ? La critique systématique des régimes politiques en place n’est-elle plus de mise ? On est là dans le cœur du sujet. Dans une récente mise au point, le journal a tenu à rappeler les grandes lignes de son cap éditorial. El Watan n’a pas vocation à être un journal d’opposition, comme peut l’être un parti politique qui ambitionne, par définition, de contester un pouvoir politique pour le destituer et prendre sa place.
C’est une entreprise économique de presse qui a pour seul objet principal de récolter de l’information, de la traiter et de la diffuser au sein du public. Pas d’une manière neutre certes, car le journal, comme toute autre entité humaine, baigne dans le milieu idéologique et politique de son pays. Aussi, parce que le sort de l’Algérie était incertain dès l’année 1990, le choix d’El Watan fut de s’inscrire résolument dans le camp républicain et démocratique.
Durant toute une décennie, il a combattu frontalement le terrorisme et le projet idéologique de l’islamisme politique. C’était le combat de toute la presse, elle en a payé le prix le plus fort. El Watan était intransigeant, ce qui l’a conduit à affronter également des gouvernants de l’époque en posture de compromission avec l’islamisme politique ou armé.
Des emprisonnements de journalistes du quotidien furent décidées, tout comme des saisies de numéros et des interdictions de parution. C’est au milieu de cette décennie 90’ que lui fut coupé le fameux accès à la publicité étatique gérée par l’ANEP. Dans le pays, la lutte républicaine une fois gagnée surgissait un autre combat, celui de la démocratie.
Du début des années 2000 jusqu’à la chute de l’autocrate Bouteflika, l’Algérie a été mise à sac et dévitalisée. Parmi toutes les voix qui dirent non à la prédation, il y eut celle d’El Watan. Contre le quotidien, les autorités eurent recours à un incessant harcèlement judiciaire tout en maintenant l’interdiction d’accès à la publicité institutionnelle.
Le journal contourna cet obstacle par l’ouverture de ses colonnes à la publicité du secteur privé séduit par l’importance de son lectorat qui frôla les 160 000 exemplaires par jour. Cet apport le fortifia, il construisit un siège, mais qu’une entorse de procédure donna prétexte au pouvoir pour bloquer sa réception. Lorsque vint la chute des Bouteflika, El Watan devient une des voix majeures du «hirak», sans relâche, sans retenue, jusqu’à la dernière semaine, avec l’apparition du coronavirus.
Les autorités dites de transition, notamment sécuritaires, n’eurent de cesse de faire directement pression sur la direction du journal pour que cesse ce soutien. Un retour de la publicité d’Etat dura quarante-huit heures.
Quant arriva à la tête du pays le nouveau président Abdelmadid Tebboune, El Watan ne pouvait lui dénier sa légitimit institutionnelle, mais il n’assuma pas son déficit en légitimité populaire.
C’est la réalité des chiffres électoraux. Dès sa prise de fonction, le quotidien ajouta sa voix à celles de ceux qui lui réclament des mesures d’apaisement politique, la plus urgente étant la libération de tous les détenus politiques, sans exception. Et bien sûr que cessent les harcèlements policiers et judiciaires des militants du hirak et de la société civile.
C’est une position intransigeante du journal. Elle est mise en évidence quotidiennement, elle n’est pas négociable et ne l’a jamais été. Sur d’autres choses, le quotidien juge sur pièces. Quand une bonne décision est prise par le président de la République ou son gouvernement, elle est relayée, voire saluée, et lorsqu’elle est négative, le journal ne se gêne pas pour la critiquer et la dénoncer. Les a priori ne peuvent avoir leur place.
En jugeant que la prestation télévisée de Abdemadjid Tebboune était bonne, l’auteur de l’article – incriminé par des internautes – l’a fait sur des bases qu’il considérait comme rationnelles. Il a engagé sa responsabilité, mais que le journal a assumée comme il le fait au demeurant pour tous les écrits de ses journalistes auxquels il accorde toute sa confiance.
Quant à l’argument de la publicité accordée au quotidien en contrepartie d’un alignement vis-à-vis du pouvoir, il est tout simplement grotesque. Alors que Abdelmadjid Tebboune est en poste depuis fin décembre 2019, ce n’est que depuis la mi-avril que l’Anep, en pleine réforme, a fait jouer son contrat avec El Watan.
Une page uniquement alors que le quotidien reste l’un des meilleurs supports médiatiques pour les annonceurs. Une somme dérisoire de 200 000 da par page dont la totalité mensuelle ne couvre que le tiers des dépenses du journal. El Watan ne va quand même pas vendre son âme pour ça. Sa force, il la tirera comme toujours de ses nombreux lecteurs attirés par la crédibilité de son contenu. Pour peu évidemment qu’on le laisse travailler.
Ali Bahmane
El Watan
Celle-ci s’est pourtant enflammée à la seule parution de deux articles dans le journal El Watan. Des internautes n’ont pas apprécié que dans l’un, pourtant une opinion venue de l’extérieur – certes non annoncée comme telle – et dans l’autre, un compte rendu de la prestation télévisée du président de la République, celui-ci ait été jugé positivement.
Certains ont vite conclu à l’alignement avec le pouvoir en place et vite dressé un bûcher au quotidien, exercice courant et facile sur la Toile, notamment sous le sceau de l’anonymat. On aura décelé les classiques règlements de comptes et jalousies que le journal subit depuis ses trente années d’existence.
Ce qui nous intéresse en revanche, ce sont les questionnements des internautes, les plus nombreux, autour de la ligne éditoriale d’El Watan.
Y en a-t-il une nouvelle qui remette en cause l’ancienne ? La critique systématique des régimes politiques en place n’est-elle plus de mise ? On est là dans le cœur du sujet. Dans une récente mise au point, le journal a tenu à rappeler les grandes lignes de son cap éditorial. El Watan n’a pas vocation à être un journal d’opposition, comme peut l’être un parti politique qui ambitionne, par définition, de contester un pouvoir politique pour le destituer et prendre sa place.
C’est une entreprise économique de presse qui a pour seul objet principal de récolter de l’information, de la traiter et de la diffuser au sein du public. Pas d’une manière neutre certes, car le journal, comme toute autre entité humaine, baigne dans le milieu idéologique et politique de son pays. Aussi, parce que le sort de l’Algérie était incertain dès l’année 1990, le choix d’El Watan fut de s’inscrire résolument dans le camp républicain et démocratique.
Durant toute une décennie, il a combattu frontalement le terrorisme et le projet idéologique de l’islamisme politique. C’était le combat de toute la presse, elle en a payé le prix le plus fort. El Watan était intransigeant, ce qui l’a conduit à affronter également des gouvernants de l’époque en posture de compromission avec l’islamisme politique ou armé.
Des emprisonnements de journalistes du quotidien furent décidées, tout comme des saisies de numéros et des interdictions de parution. C’est au milieu de cette décennie 90’ que lui fut coupé le fameux accès à la publicité étatique gérée par l’ANEP. Dans le pays, la lutte républicaine une fois gagnée surgissait un autre combat, celui de la démocratie.
Du début des années 2000 jusqu’à la chute de l’autocrate Bouteflika, l’Algérie a été mise à sac et dévitalisée. Parmi toutes les voix qui dirent non à la prédation, il y eut celle d’El Watan. Contre le quotidien, les autorités eurent recours à un incessant harcèlement judiciaire tout en maintenant l’interdiction d’accès à la publicité institutionnelle.
Le journal contourna cet obstacle par l’ouverture de ses colonnes à la publicité du secteur privé séduit par l’importance de son lectorat qui frôla les 160 000 exemplaires par jour. Cet apport le fortifia, il construisit un siège, mais qu’une entorse de procédure donna prétexte au pouvoir pour bloquer sa réception. Lorsque vint la chute des Bouteflika, El Watan devient une des voix majeures du «hirak», sans relâche, sans retenue, jusqu’à la dernière semaine, avec l’apparition du coronavirus.
Les autorités dites de transition, notamment sécuritaires, n’eurent de cesse de faire directement pression sur la direction du journal pour que cesse ce soutien. Un retour de la publicité d’Etat dura quarante-huit heures.
Quant arriva à la tête du pays le nouveau président Abdelmadid Tebboune, El Watan ne pouvait lui dénier sa légitimit institutionnelle, mais il n’assuma pas son déficit en légitimité populaire.
C’est la réalité des chiffres électoraux. Dès sa prise de fonction, le quotidien ajouta sa voix à celles de ceux qui lui réclament des mesures d’apaisement politique, la plus urgente étant la libération de tous les détenus politiques, sans exception. Et bien sûr que cessent les harcèlements policiers et judiciaires des militants du hirak et de la société civile.
C’est une position intransigeante du journal. Elle est mise en évidence quotidiennement, elle n’est pas négociable et ne l’a jamais été. Sur d’autres choses, le quotidien juge sur pièces. Quand une bonne décision est prise par le président de la République ou son gouvernement, elle est relayée, voire saluée, et lorsqu’elle est négative, le journal ne se gêne pas pour la critiquer et la dénoncer. Les a priori ne peuvent avoir leur place.
En jugeant que la prestation télévisée de Abdemadjid Tebboune était bonne, l’auteur de l’article – incriminé par des internautes – l’a fait sur des bases qu’il considérait comme rationnelles. Il a engagé sa responsabilité, mais que le journal a assumée comme il le fait au demeurant pour tous les écrits de ses journalistes auxquels il accorde toute sa confiance.
Quant à l’argument de la publicité accordée au quotidien en contrepartie d’un alignement vis-à-vis du pouvoir, il est tout simplement grotesque. Alors que Abdelmadjid Tebboune est en poste depuis fin décembre 2019, ce n’est que depuis la mi-avril que l’Anep, en pleine réforme, a fait jouer son contrat avec El Watan.
Une page uniquement alors que le quotidien reste l’un des meilleurs supports médiatiques pour les annonceurs. Une somme dérisoire de 200 000 da par page dont la totalité mensuelle ne couvre que le tiers des dépenses du journal. El Watan ne va quand même pas vendre son âme pour ça. Sa force, il la tirera comme toujours de ses nombreux lecteurs attirés par la crédibilité de son contenu. Pour peu évidemment qu’on le laisse travailler.
Ali Bahmane
El Watan
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