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Puissions-nous un jour guérir comme Idir

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  • Puissions-nous un jour guérir comme Idir

    Qui est Idir ? Un artiste qui prouve ce que le pays, dans ses radicalités, ses errances et ses angoisses désapprouve cycliquement : un- que l’universalité n’est pas la perte de soi, ni de la traîtrise aux siens. Deux- que l’altérité n’est pas une menace, ni une invasion, ni une exclusion. Au-delà de la blessure coloniale, on peut aller vers le monde et le rencontrer. Trois- l’amazighité n’est pas un enfermement sur soi, une compensation idéalisée des malheurs subis, ou une identité bâtie sur le rejet de l’autre parce qu’on a été rejeté, la supériorité infantile parce qu’on a été injustement écrasé.

    L’Algérie est un pays obsédé par l’union, l’unicité, l’uniformité. On le sait, on le vit. Paradoxalement, cette obsession cultive en soi son contraire, ses diables intimes. De tout ce qui fait les grands courants idéologiques de cette terre malmenée, chacun, chaque famille politique ou culturelle, a tenté de faire son monopole à un moment ou un autre.

    Cela nous a divisés, tués, éparpillés sur le chemin du développement et du bonheur et nous a dressés les uns contre les autres comme si, pour vivre, nous avions besoin de faire la guerre et de la refaire même à huis clos, même entre nous, même dans le ventre de nos mères, même avant de naître. Voilà donc que de l’islam, nous avons fait de l’islamisme. “Je suis Allah”, remplace Dieu, je suis l’islam remplace une religion et je suis la vérité, ce qui permet tous les massacres.

    Mais ce n’est pas la seule accaparation : nous avons sur le dos ceux qui ont monopolisé la mémoire de la guerre d’indépendance, “la famille révolutionnaire”, le “je suis les chahids, le moudjahid, son fils, sa fille, son petit-fils”… etc. Et ceux qui ont tenté de définir l’amazighité par l’exclusivité, “la famille identitaire”, celle qui croit que les racines sont aussi un monopole pour fonder une supranationalité, une algériannité meilleure que celle des autres, une caste ou une race.

    Faut-il faire l’inventaire des malheurs subis et des occasions ratées à cause de ces radicalités sans issues ? Faut-il tout rappeler de ce que nous avons perdu comme vies, comme temps à vouloir les uns jouer à Dieu, les autres aux martyrs et les derniers aux ancêtres ? De tous, personne n’a essayé de jouer le rôle de nos enfants à venir. Ni a endossé leurs chairs fragiles.

    D’où Idir, son beau visage qui fait l’effet de la mer calme et voyageuse.Car c’est une vie qui a donné du sens à la vie. Une seule de ses chansons, avant tant d’autres, nous a ouvert au monde et a prouvé que l’universalité ne nous tue pas mais nous honore, nous fait participer au reste de l’humanité et ne nous dissous pas dans l’indistinct ou la traîtrise. De cette conviction profonde, l’homme eut le don d’un visage reposé, serein et en paix.

    Les traits d’un homme tourné vers l’avenir. Ce qui nous manque cruellement ; ressembler à cet homme et comprendre qu’il y a une voie pour la guérison et que mieux que les militantismes haineux, les vanités reconverties en radicalités, le ghetto sublimé ou la nation hiérarchisée, il y a l’éloge à faire de la vie. Une guitare est allée plus loin que mille marches. Elle vaut dix mille discours.

    Bien sûr le malheur fut long et coûteux mais le martyr autorise-t-il à regarder l’autre comme il vous regarde ? Permet-il de répondre à une exclusion par une exclusion ? À rêver d’une séparation à cause d’un rejet ? Faut-il faire de la douleur une caste et un repli et une illusion de supériorité sur les autres ? à force de cultiver la différence n’a-t-on pas cultivé la solitude ?

    Voilà que la mort d’Idir nous rappelle la vie riche : il est possible de guérir et d’avancer, conquérir, créer au lieu de tourner en rond autour des tombes et des vérités mortes et des blessures. Voilà l’homme qui a compris que si la Kabylie a défendu l’amazighité elle peut aussi la tuer en l’enfermant, la séparant, en la dégradant en haut-parleurs, en une muraille, en emblèmes, ou un regard de mépris donné après le mépris subi.

    Le gardien d’un trésor a-t-il le droit de s’en faire propriétaire ? Nos meilleures enfants savent que l’amazighité est une nation, que la Kabylie est une région, entre dix ou mille autres. Idir a prouvé que cette amazighité est un univers et une universalité. On ne se souviendra pas de ses insultes car il n’en a pas proféré. Ni de sa théorie raciale, car il n’en a pas eu. Ni d’un militantisme méprisant et haineux, car il n’en a pas fait métier.

    Ni d’une obsession du martyr ou d’une fixation sur la douleur car il a vu plus loin. Son algériannité a été la meilleure : elle n’a été ni régionaliste, ni de caste, ni autonomiste, ni victimaire, ni complotiste, ni traître, ni de souche, ni enfermée, ni exilée, ni amnésique, ni religieuse, ni fantasmée.

    Son algériannité est possible pour tous. À la fin, dans sa tombe, c’est lui qui doit faire ce vœu que “puissions-nous un jour, enfin, vivre et se reposer en paix”. Bâtir l’Algérie au lieu de la chercher dans les tombes ou dans le ciel ou dans les montagnes. Car lui il a su le faire, de son vivant. Kamel Daoud

  • #2
    Le Kamel Daoud que j'aime est l'auteur de cet article.

    L’Algérie est un pays obsédé par l’union, l’unicité, l’uniformité.
    Tellement vrai.

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    • #3
      Voilà que la mort d’Idir nous rappelle la vie riche : il est possible de guérir et d’avancer, conquérir, créer au lieu de tourner en rond autour des tombes et des vérités mortes et des blessures.
      Le gardien d’un trésor a-t-il le droit de s’en faire propriétaire ? Nos meilleures enfants savent que l’amazighité est une nation, que la Kabylie est une région, entre dix ou mille autres. Idir a prouvé que cette amazighité est un univers et une universalité. On ne se souviendra pas de ses insultes car il n’en a pas proféré. Ni de sa théorie raciale, car il n’en a pas eu. Ni d’un militantisme méprisant et haineux, car il n’en a pas fait métier.

      Ni d’une obsession du martyr ou d’une fixation sur la douleur car il a vu plus loin. Son algériannité a été la meilleure : elle n’a été ni régionaliste, ni de caste, ni autonomiste, ni victimaire, ni complotiste, ni traître, ni de souche, ni enfermée, ni exilée, ni amnésique, ni religieuse, ni fantasmée.
      L’analyse est pertinente, ne lui reste plus qu’à être de ceux qui suivront ce chemin notamment son obsession contre l’islam et les musulmans.
      Votre ennemi c'est celui que vous n'avez pas encore invité à déjeuner Edgar Faure

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      • #4
        Manichéiste comme hommage.

        Idir n'a pas besoin - et n'accepte pas - de noircir son entourage pour le faire briller, et encore moins les siens et ses congénères. Il brille de lui-même.

        “la famille révolutionnaire”, le “je suis les chahids, le moudjahid, son fils, sa fille, son petit-fils”… etc. Et ceux qui ont tenté de définir l’amazighité par l’exclusivité, “la famille identitaire”, celle qui croit que les racines sont aussi un monopole pour fonder une supranationalité, une algériannité meilleure que celle des autres, une caste ou une race.
        Trop simpliste, et ce n'est pas les guillemets qui vont sauver la mise.
        Famille identitaire ?!! Même avec tous les guillemets du monde, ça ne passe pas.
        "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
        Socrate.

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        • #5
          Idir qq temps avant de nous quitter a raconté une anecdote en s'excusant presque :

          La scène se passe à Alger, dans un grand hôtel avec une réunion organisée par l'ONAC pour les droits d'auteur. à la fin, un repas est offert en son honneur.

          Pendant le repas on vient le voir pour l'aspect COM. On lui annonce qu'ils ont trouvé le titre : Idir veut être un algérien comme les autres.

          Idir conclut, c gens ne comprennent pas ce qu'ils disent.

          Bref on va te graisser la patte mais tu rentres dans les rangs. Pour info, il n'a pas donné suite à la tournée qu'ils lui ont proposée.

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