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  • Une transparence perdue

    Au commencement de l’état d’urgence sanitaire et juste après la création du Fonds spécial Covid-19, les appréhensions étaient focalisées sur la gestion transparente des fonds et une communication régulière et précise des actions entreprises. A ce jour, ces craintes se précisent en raison d’un manque de clarté.

    Les Marocains sont restés sur leur faim. Ils ont tout de même fait part de leur frustration sur les réseaux sociaux suite à l’interview du Chef du gouvernement, Saâd Eddine El Othmani, jeudi soir 7 mai 2020, diffusée sur les chaînes nationales, dans le cadre de l’évolution de la situation pandémique face à la propagation du Coronavirus. Pas encore de plan de déconfinement, pas de plan A ni plan B, pas d’échéancier, voire même pas de vision pour la période post-crise… mais des scénarios en cours d’études par les ministères de la Santé et de l’Intérieur.

    Un manque de transparence qui alimente l’anxiété de millions de Marocains respectueux des consignes de confinement et qui commencent à s’impatienter sérieusement en l’absence d’une visibilité sur la fin de l’état d’urgence et le retour à une vie normale. Le manque de transparence a également caractérisé toute cette période passée en ce qui se rapport à la gestion du Fonds spécial Covid-19. Lors de son interview, M. El Othmani a esquivé la réponse en soulignant que «personne ne peut dresser une évaluation à ce sujet».

    Absence de visibilité
    C’est donc le flou total. Une opacité impénétrable. Si le Chef du gouvernement dit ignorer le coût économique de la pandémie, qui d’autre le saura? La seule sortie médiatique qui date par rapport à cette question fut celle du ministre des finances, Mohamed Benchaâboun, le 27 avril 2020, lors de la séance des questions orales à la Chambre des représentants consacrée aux mesures financières et économiques prises pour faire face à la crise du Covid-19. Il avait alors déclaré que les ressources totales du Fonds spécial ont atteint 32 milliards de dirhams à la date du 24 avril et que les dépenses du Fonds s’élèvent à 6,2 milliards de dirhams, dont 2 milliards ont été alloués au ministère de la Santé pour l’acquisition du matériel et dispositifs médicaux. Même concernant les 6,2 milliards de dirhams dépensés à la date du 24 avril, personne n’a su comment ni où ils ont été affectés. Et puis, du 24 avril à ce jour, aucune information sur les fonds collectés, ceux dépensés et quels secteurs ou quelles catégories sociales en ont profité.

    Endettement à l’international
    Autre signal du manque de transparence: Au début de l’état d’urgence sanitaire, et quelques jours après la création du Fonds spécial Covid- 19, la Trésorerie Générale du Royaume avait annoncé le 23 mars 2020, la mise à la disposition des citoyens, des opérateurs économiques et d’autres partenaires, d’un service en ligne pour faire leurs dons au Fonds spécial. A fin mars, une publication de la TGR échappe au contrôle et révèle les véritables montants des dons injectés dans le Fonds, dont certains ne sont pas identiques aux promesses faites par leurs donateurs. Dans la journée, la publication a été supprimée. Depuis, aucune information détaillée sur les fonds collectés, les donateurs, les montants des dons, les montants des dépenses, les allocations des dépenses, les bénéficiaires… Rien!

    Cette ambiance opaque contagieuse s’est étalée aux finances publiques. Moins d’un mois de l’annonce de l’état d’urgence, du 6 au 8 avril 2020, il y a eu le projet de loi autorisant le déplafonnement des emprunts en devises, le tirage de 275 millions de dollars du prêt de la Banque Mondiale réservé préalablement aux catastrophes puis le tirage sur la Ligne de Précaution et de liquidité (LPL), renouvelée fin 2018 et devant expirer fin 2020, pour un montant équivalent à près de 3 milliards de dollars, soit le montant total de la ligne, remboursable sur une période de 5 ans avec une période de grâce de 3 ans durant lesquels seuls les intérêts du crédit devront être honorés.

    Concernant l’endettement à l’international dans toutes ses formes, l’Etat a budgétisé 31 milliards de dirhams dans la loi de finances 2020. Par une seule signature, et avant même de ressentir une pression sur les réserves en devises, l’Etat a doublé ses emprunts en devises. D’après le ministère des Finances, la LPL contribue, entre autres, à consolider davantage la confiance des partenaires et investisseurs étrangers. Mais de quelle confiance parle-t-on au moment où la demande étrangère (du moins européenne, qui représente pas moins de 60%) est presque mise en veilleuse. Sauf si c’est pour couvrir des importations superflues et inutiles en cette période de crise sanitaire faisant le bonheur de gros opérateurs économiques.

    Hypothéquant les générations futures, ce surendettement est beaucoup plus dangereux qu’une récession économique. Les représentants de la nation ont donc adopté le projet de loi 26.20 portant approbation du décret-loi relatif au dépassement du plafond des emprunts extérieurs. Ce texte autorise le gouvernement à dépasser le plafond des financements extérieurs de 31 milliards de dirhams fixé dans la Loi de Finances 70-19 pour l’année budgétaire 2020, afin d’assurer ses besoins en devises, notamment à travers le recours à l’emprunt sur le marché international.

    Révision à la baisse
    Devant les députés, Mohamed Benchaâboun, a expliqué que «La situation des réserves internationales du Maroc devrait connaître une baisse importante, en raison de l’impact de la crise sur plusieurs secteurs pourvoyeurs en devises, en particulier le secteur du tourisme, l’investissement direct étranger et les secteurs exportateurs, en plus des transferts de fonds des Marocains résidant à l’étranger».

    Soit. Qu’on nous révèle au moins la situation des réserves internationales du Maroc depuis le début du confinement, au moment de l’emprunt de 1 milliard d’euros et au jour d’aujourd’hui. Et ce n’est pas fini. Après 1 milliard d’euros emprunté sur le marché boursier européen à un taux de 1,5% sur une durée de 12 ans, et après avoir encaissé la LPL du FMI de 3 milliards de dollars et les 275 millions de dollars de la Banque mondiale, le gouvernement s’apprête à faire une nouvelle sortie à l’internationale quatre mois après la première et un mois et demi après l’instauration de l’état d’urgence sanitaire. Pourquoi? Qu’est-ce qui justifie ce nouvel emprunt? Où et comment a été dépensé l’argent déjà emprunté et déposé dans les comptes de Bank Al Maghrib?

    Aucune réponse à toutes ces questions. La crainte d’un taux d’endettement public (actuellement à 92% du PIB) excessif et risqué pour le pays a été confortée par les notations des mêmes agences qui avalisaient nos sorties à l’international auparavant. Le 6 mai 2020, après Moody’s, c’est au tour de Fitch Ratings de réviser la note du Maroc à la baisse. Elle s’attend également à ce que le Royaume continue à s’endetter après avoir puisé dans la LPL en négociant notamment un nouvel accord de précaution avec le FMI dans les prochains mois, et reconduise son euro-obligation à cinq ans d’un milliard de dollars dont l’échéance arrive en octobre.

    Au commencement de l’état d’urgence sanitaire et juste après la création du Fonds spécial Covid-19, les appréhensions étaient focalisées sur la gestion transparente des fonds et une communication régulière et précise des actions entreprises en cette période de crise sanitaire. A ce jour, ces craintes se précisent en raison d’un manque de clarté.

    MAROC HEBDO
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