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Oudjda et Tlemcen (population, histoire)

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  • Oudjda et Tlemcen (population, histoire)

    Par-dessus leur frontière
    Le Maroc et l’Algérie échangent leurs habitants et leurs problèmes

    Au cours d’une conférence de presse donnée à Paris le 14 septembre 1956, M. Bouabid, ambassadeur du Maroc à Paris, soulignait « l’interdépendance des trois territoires nord-africains », interdépendance où, disait-il, « tout joue : l’histoire, la géographie et l’économie ». Dans le même temps, les militaires en opération en Oranie révèlent périodiquement qu’ils se trouvent en face de « Marocains » mêlés aux Algériens du Front de libération nationale ou des maquis messalistes. Il ne convient évidemment pas de prendre les propos de l’ambassadeur chérifien pour l’expression d’un désir d’expansion du Maroc vers l’Algérie : il n’est pas plus réaliste de conclure de la présence des Marocains en Oranie à un appui officiel du gouvernement de Rabat à ce que la France considère comme une rébellion. En fait, un passé lointain et proche fait des parties extrêmes, Ouest pour l’un, Est pour l’autre, de deux territoires voisins, des régions intimement unies.


    Deux villes sont le reflet de l’interpénétration des populations marocaine et algérienne : Oujda au Maroc, Tlemcen en Algérie.


    Oujda n’a été définitivement une ville marocaine qu’à partir de sa reconquête par le sultan Moulay Sliman en 1822. Elle avait été jadis l’objet de conflits répétés entre les mérénides de Fès et les zianides de Tlemcen plus tard entre les chorfas saadiens puis alaouites et les Turcs d’Alger.
    À Tlemcen, la vieille ville musulmane fut fondée par un Marocain, Idriss 1er, et étendue par l’almoravide Youssef ben Tachfine. Reprise par les zianides, Tlemcen devait subir du mérénide Abou Yacoub un siège si long que les guerriers marocains eurent près de vingt ans pour construire à sa porte une ville-citadelle Mansoura. En 1555, les Turcs en firent une dépendance du beylik de l’Ouest.


    La géographie devait à son tour contribuer à faire d’Oujda et de Tlemcen des lieux de passages et d’échanges. Tlemcen fut longtemps le centre d’un important commerce transméditerranéen et transsaharien. Oujda, pour sa part, offrait son oasis aux voyageurs venant du Sud ou de l’Ouest, après les étapes arides de Guercif.


    Entre les deux, leur offrant sa porte sur la Méditerranée, Nemours, ancien repaire de pirates, devenait, en Algérie, le débouché du Maroc oriental. Ce titre lui fut donné en 1928 par une de ces conférences périodiques nord-africaines siégeant à Rabat, Alger ou Tunis. Nemours servait ainsi de port minier pour la sortie des richesses du sous-sol marocain et d’exutoire naturel de cet Occident oranais dont Tlemcen est la capitale.


    Beaucoup plus actif encore fut le facteur humain et religieux dont l’influence demeure. Tlemcen, ville sainte, n’a jamais cessé d’attirer les pèlerins marocains. Près d’Oujda, le tombeau de Sidi Yahiya – un Johannès vénéré des musulmans, des juifs et des chrétiens – est aussi un lieu de rendez-vous par-dessus la frontière. Nombreux sont les Algériens installés à Oujda, nombreuses aussi les parentés marocaines à Tlemcen, d’où de nombreux étudiants partent chaque année pour l’université Qaraouiyne de Fès. À ces liens frontaliers, il convient aussi d’ajouter la traditionnelle migration de gens de tribus sises en des parties plus intérieures du Maroc. C’est le cas notamment de ces Beni-Snassen qui vont du nord d’Oujda au Rif et qui, chaque année, vont chercher en Oranie un travail que leur propre région ne leur offre pas. La fermeture de la frontière les laisse devant ce problème de main-d’œuvre et ce n’est pas, dit-on, le moindre motif d’une « turbulence » accrue depuis bientôt deux ans.


    On ne parlera que pour mémoire, au point de vue stratégique, du fait qu’à l’époque de la conquête algérienne on estima que « la pacification » de la région de Tlemcen avait été dominée par la proximité du Maroc.
    Dans la perspective des événements d’aujourd’hui, – et il ne s’est agi ici que de la partie de frontière algéro-marocaine bien délimitée sur 150 kilomètres – on peut retenir de ces quelques remarques la résonance profonde qu’ont les événements d’Algérie sur les autorités et la population marocaines. Réciproquement d’ailleurs, toute situation instable au Maroc est capable de se répercuter en Oranie.


    En temps de crise comme en période normale, les imbrications sont telles qu’aucune mesure politique, économique ou sociale prise dans un territoire n’est sans influence sur l’autre. Les gouvernements seraient-ils enclins à la freiner, que les populations la développeraient.


    On comprendra mieux, si l’on garde en mémoire que la région d’Oujda ne cesse de regarder l’Oranie, la nécessité pour la France de régler équitablement le problème algérien en atteignant les masses populaires, avant de pouvoir réaliser avec le Maroc la coopération vers laquelle il tend lui-même.


    Julien Le Moyne
    monde-diplomatique

    Dernière modification par oudjda, 12 mai 2020, 14h46.
    المجد والخلود للرفيق والمناضل المغربي ابراهام سرفاتي
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