Par REPORTERS.dz -19 mai 2020
Considérant que «le Président Hô Chi Minh a été la cristallisation des traditions millénaires de la culture nationale vietnamienne et que ses idées sont l’incarnation des aspirations de tous les peuples à la confirmation de leur identité nationale…», l’assemblée générale de l’UNESCO a décidé, en sa 24e session, de commémorer en 1990 le Centenaire de la naissance de celui qui, en 1925, publia son premier ouvrage : «Le procès de la colonisation française». Ainsi, aujourd’hui marquera le 130e anniversaire du Président Ho Chi Minh (19/5/1890-19/5/2020).
Ho Chí Minh, qui est-ce ? Telle était la question que beaucoup de Vietnamiens se posaient au lendemain de la Révolution d’Août 1945 quand le Président Ho parut Place Ba Đình pour proclamer l’indépendance du pays, mettant fin à quatre-vingts ans de colonisation. Il a fallu plusieurs années pour qu’on puisse identifier Ho Chí Minh avec le fameux patriote Nguyễn Ái Quốc qui avait milité trente ans à l’étranger pour la liberté de son peuple et celle de tous les peuples colonisés avant de revenir au pays.
Mais le problème reste irrésolu quant à l’identification politique de Ho Chí Minh. Etait-il nationaliste ou internationaliste ? Marxiste ou confucianiste ? Républicain, communiste ou social-démocrate ? Le communisme pour lui était-il le but de son action ou un moyen tactique ?
De par le monde, historiens, hommes politiques, politologues, publicistes ne sont pas arrivés à trouver des réponses communes à ces questions.
I. Opinions divergentes
Dans sa préface à Ho Chi Minh à Paris, 1917-1923 de Thu Trang Gaspard, Philippe Devillers a posé ces questions : Au Congrès de Tours, Nguyễn Ái Quốc (Ho Chí Minh), épousant les thèses de Lénine, a voté pour l’adhésion à la IIIᵉ Internationale, mais était-il alors marxiste ? Avait-il confiance en la mission historique de la classe ouvrière, classe alors toute petite en Indochine. Avait-il confiance en la lutte des classes et la nécessité d’édifier une dictature du prolétariat ? Pourquoi s’était-il toujours concentré sur le problème colonial lequel primait les autres problèmes ?
Il avait confiance en le mot d’ordre «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !», car d’après lui, la libération de son pays ne pourrait se réaliser que par la révolution et non par de timides réformes. Il importe donc de savoir si ce choix était dicté par une foi idéologique, une profonde tendance théorique marxiste ou par un besoin tactique concret ?
Si l’attitude du gouvernement français avait différé, aurait-il fait le même choix ?
Dans son article «Nguyen Ai Quoc – Ho Chi Minh : Portrait d’un blochevik jaune» (1990), Allain Ruscio se demande aussi si Nguyễn Ái Quốc voudrait vraiment devenir un socialiste. En guise de réponse, il a cité Tran Dân Tiên, selon lequel Nguyễn Ái Quốc a déclaré : «J’ai adhéré au Parti socialiste français uniquement parce que c’était la seule organisation qui poursuivre le noble idéal de la Révolution française : Liberté, Egalité, Fraternité.» Ruscio implique que Nguyễn Ái Quốc ne faisait allusion qu’à l’idéal républicain français et non à la tradition socialiste française ou à la Révolution d’Octobre russe. La première œuvre politique que Nguyễn Ái Quốc avait traduite en vietnamien n’était pas le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels ou L’impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine, mais L’esprit des lois de Montesquieu. Ruscio remarque aussi qu’on ne trouve chez Nguyễn Ái Quốc à cette époque aucun signe indiquant que ce dernier aurait l’intention de faire du futur Vietnam indépendant un pays socialiste.
D’après Pierre Brocheux, Ho Chí Minh était un confucéen, il aimait mieux la modération que les moyens extrémistes. Il condamnait la violence et les tueries au cours de la Réforme agraire, disant que c’était la méthode employée par les impérialistes, des agissements criminels. Toujours selon Brocheux, dans un écrit sur le mouvement des Cent Fleurs en Chine, Ho Chí Minh a cité quelques écrivains droitistes chinois se gardant de donner un nom vietnamien. (Conférence de P. Brocheux à Toronto, 29 octobre 2003).
Dans son intervention faite au Troisième Symposium de vietnamologie, le professeur japonais Yoshiharu Tsuboi de l’Université Waseda a soulevé un problème : Peut-être ce que Ho Chí Minh estimait le plus pendant toute sa vie, ce sont les valeurs républicaines dont la base théorique et la devise «Liberté, Egalité, Fraternité». Cet esprit républicain représente un noble idéal. Concernant un individu, il ne tient pas à savoir qui il est, où il est né, à quelle famille et à quelle lignée il appartient ; ce qui lui importe, c’est la valeur intrinsèque de cet individu, sa capacité de penser de manière rationnelle.
La république est édifiée par des individus dotés de conceptions nouvelles sur les valeurs de l’homme, très différentes du confucianisme. Ho Chí Minh était le seul homme politique d’Asie à percevoir avec justesse l’esprit républicain français, il s’est efforcé de l’introduire au Vietnam. Devenu communiste, Ho Chí Minh n’a cessé de donner la priorité à la lutte pour l’indépendance nationale, à la réalisation du but : Indépendance, Liberté, Bonheur.
Le professeur japonais poursuit sa thèse en analysant ces trois concepts. «Indépendance» : Ho Chí Minh veut construire un Etat souverain, une république démocratique, former des hommes nouveaux capables d’assumer les charges publiques. Par «Liberté», il faut entendre non seulement la liberté de décision de l’Etat, mais aussi la liberté alliée à la responsabilité de chaque citoyen. «Bonheur» implique le droit de chacun à aspirer au bonheur individuel et à lutter pour l’acquérir.
Tsuboi estime que vu sous cet angle, Ho Chí Minh n’était pas un communiste marxiste léniniste orthodoxe. Expliquer Ho Chí Minh par l’idéologie marxiste léniniste est insuffisant, car on se limitera au dogme de la lutte des classes. Dans la lutte de libération nationale, pour bénéficier de l’aide du camp socialiste, Ho Chí Minh devait parler et agir comme un communiste sous la pression historique, il n’avait pas d’autre choix.
En dehors des opinions étrangères, certains chercheurs vietnamiens ont récemment avancé des points de vue personnels sur Ho Chí Minh. Il y en a qui sont d’avis que sous l’ombrelle communiste, Ho était plutôt social-démocrate.
Le professeur Hoàng Ngọc Hiến opine que l’adhésion marxiste de Ho Chí Minh était un processus qu’il importe d’analyser pour mieux comprendre son évolution idéologique. Nguyễn Ái Quốc avait vécu six mois à Paris avec son mentor, l’avocat Phan Văn Trường, un socialiste 100%.
Considérant que «le Président Hô Chi Minh a été la cristallisation des traditions millénaires de la culture nationale vietnamienne et que ses idées sont l’incarnation des aspirations de tous les peuples à la confirmation de leur identité nationale…», l’assemblée générale de l’UNESCO a décidé, en sa 24e session, de commémorer en 1990 le Centenaire de la naissance de celui qui, en 1925, publia son premier ouvrage : «Le procès de la colonisation française». Ainsi, aujourd’hui marquera le 130e anniversaire du Président Ho Chi Minh (19/5/1890-19/5/2020).
Ho Chí Minh, qui est-ce ? Telle était la question que beaucoup de Vietnamiens se posaient au lendemain de la Révolution d’Août 1945 quand le Président Ho parut Place Ba Đình pour proclamer l’indépendance du pays, mettant fin à quatre-vingts ans de colonisation. Il a fallu plusieurs années pour qu’on puisse identifier Ho Chí Minh avec le fameux patriote Nguyễn Ái Quốc qui avait milité trente ans à l’étranger pour la liberté de son peuple et celle de tous les peuples colonisés avant de revenir au pays.
Mais le problème reste irrésolu quant à l’identification politique de Ho Chí Minh. Etait-il nationaliste ou internationaliste ? Marxiste ou confucianiste ? Républicain, communiste ou social-démocrate ? Le communisme pour lui était-il le but de son action ou un moyen tactique ?
De par le monde, historiens, hommes politiques, politologues, publicistes ne sont pas arrivés à trouver des réponses communes à ces questions.
I. Opinions divergentes
Dans sa préface à Ho Chi Minh à Paris, 1917-1923 de Thu Trang Gaspard, Philippe Devillers a posé ces questions : Au Congrès de Tours, Nguyễn Ái Quốc (Ho Chí Minh), épousant les thèses de Lénine, a voté pour l’adhésion à la IIIᵉ Internationale, mais était-il alors marxiste ? Avait-il confiance en la mission historique de la classe ouvrière, classe alors toute petite en Indochine. Avait-il confiance en la lutte des classes et la nécessité d’édifier une dictature du prolétariat ? Pourquoi s’était-il toujours concentré sur le problème colonial lequel primait les autres problèmes ?
Il avait confiance en le mot d’ordre «Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !», car d’après lui, la libération de son pays ne pourrait se réaliser que par la révolution et non par de timides réformes. Il importe donc de savoir si ce choix était dicté par une foi idéologique, une profonde tendance théorique marxiste ou par un besoin tactique concret ?
Si l’attitude du gouvernement français avait différé, aurait-il fait le même choix ?
Dans son article «Nguyen Ai Quoc – Ho Chi Minh : Portrait d’un blochevik jaune» (1990), Allain Ruscio se demande aussi si Nguyễn Ái Quốc voudrait vraiment devenir un socialiste. En guise de réponse, il a cité Tran Dân Tiên, selon lequel Nguyễn Ái Quốc a déclaré : «J’ai adhéré au Parti socialiste français uniquement parce que c’était la seule organisation qui poursuivre le noble idéal de la Révolution française : Liberté, Egalité, Fraternité.» Ruscio implique que Nguyễn Ái Quốc ne faisait allusion qu’à l’idéal républicain français et non à la tradition socialiste française ou à la Révolution d’Octobre russe. La première œuvre politique que Nguyễn Ái Quốc avait traduite en vietnamien n’était pas le Manifeste du Parti communiste de Marx et Engels ou L’impérialisme, stade suprême du capitalisme de Lénine, mais L’esprit des lois de Montesquieu. Ruscio remarque aussi qu’on ne trouve chez Nguyễn Ái Quốc à cette époque aucun signe indiquant que ce dernier aurait l’intention de faire du futur Vietnam indépendant un pays socialiste.
D’après Pierre Brocheux, Ho Chí Minh était un confucéen, il aimait mieux la modération que les moyens extrémistes. Il condamnait la violence et les tueries au cours de la Réforme agraire, disant que c’était la méthode employée par les impérialistes, des agissements criminels. Toujours selon Brocheux, dans un écrit sur le mouvement des Cent Fleurs en Chine, Ho Chí Minh a cité quelques écrivains droitistes chinois se gardant de donner un nom vietnamien. (Conférence de P. Brocheux à Toronto, 29 octobre 2003).
Dans son intervention faite au Troisième Symposium de vietnamologie, le professeur japonais Yoshiharu Tsuboi de l’Université Waseda a soulevé un problème : Peut-être ce que Ho Chí Minh estimait le plus pendant toute sa vie, ce sont les valeurs républicaines dont la base théorique et la devise «Liberté, Egalité, Fraternité». Cet esprit républicain représente un noble idéal. Concernant un individu, il ne tient pas à savoir qui il est, où il est né, à quelle famille et à quelle lignée il appartient ; ce qui lui importe, c’est la valeur intrinsèque de cet individu, sa capacité de penser de manière rationnelle.
La république est édifiée par des individus dotés de conceptions nouvelles sur les valeurs de l’homme, très différentes du confucianisme. Ho Chí Minh était le seul homme politique d’Asie à percevoir avec justesse l’esprit républicain français, il s’est efforcé de l’introduire au Vietnam. Devenu communiste, Ho Chí Minh n’a cessé de donner la priorité à la lutte pour l’indépendance nationale, à la réalisation du but : Indépendance, Liberté, Bonheur.
Le professeur japonais poursuit sa thèse en analysant ces trois concepts. «Indépendance» : Ho Chí Minh veut construire un Etat souverain, une république démocratique, former des hommes nouveaux capables d’assumer les charges publiques. Par «Liberté», il faut entendre non seulement la liberté de décision de l’Etat, mais aussi la liberté alliée à la responsabilité de chaque citoyen. «Bonheur» implique le droit de chacun à aspirer au bonheur individuel et à lutter pour l’acquérir.
Tsuboi estime que vu sous cet angle, Ho Chí Minh n’était pas un communiste marxiste léniniste orthodoxe. Expliquer Ho Chí Minh par l’idéologie marxiste léniniste est insuffisant, car on se limitera au dogme de la lutte des classes. Dans la lutte de libération nationale, pour bénéficier de l’aide du camp socialiste, Ho Chí Minh devait parler et agir comme un communiste sous la pression historique, il n’avait pas d’autre choix.
En dehors des opinions étrangères, certains chercheurs vietnamiens ont récemment avancé des points de vue personnels sur Ho Chí Minh. Il y en a qui sont d’avis que sous l’ombrelle communiste, Ho était plutôt social-démocrate.
Le professeur Hoàng Ngọc Hiến opine que l’adhésion marxiste de Ho Chí Minh était un processus qu’il importe d’analyser pour mieux comprendre son évolution idéologique. Nguyễn Ái Quốc avait vécu six mois à Paris avec son mentor, l’avocat Phan Văn Trường, un socialiste 100%.
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