le 23.05.2020 ,
«La Révolution algérienne a triomphé grâce aux hommes de la trempe de Omar Boudaoud. Il était un homme très discipliné, fort d’une volonté inébranlable et d’une grande intelligence politique qui lui ont permis d’assumer convenablement sa mission au sein de la Fédération de France. Il est le prototype du révolutionnaire moderne.»
(Réda Malek, ancien négociateur des accords d’Évian, «hommage en 2013»)
Omar Boudaoud s’est éteint ce samedi 9 mai à Aix-la-Chapelle, en Allemagne. Il avait 95 ans. L’un des derniers piliers de la glorieuse Révolution de novembre s’en est allé d’une façon discrète, loin de son pays. Omar Boudaoud était le dernier chef de la Fédération FLN de France (de 1957 à 1962) ; il est né en 1924, dans le village d'Azoubar, et était diplômé en agronomie. Il a adhéré jeune au Parti du peuple algérien (PPA) pour activer. Arrêté et emprisonné en 1945, il sera libéré, puis incarcéré de nouveau en 1947 pour ses activités au sein de l'Organisation Spéciale (OS). Arrêté en 1949 dans la région de Baghlia, il fut libéré en 1951 et partit en France où il intégra directement le FLN, à sa création. Il a participé aux côtés de son frère, Mansour Boudaoud, à la collecte des armes au Maroc. Son dynamisme le mène à devenir responsable de la Fédération de France du FLN, sous l’impulsion de Abane Ramdane, puis membre du Conseil national de la révolution (CNRA) de 1959 à l’indépendance, en 1962. Grâce à son sens de l'organisation, il a pu maintenir l'activité du FLN en France pendant cinq années, en ouvrant ce qui est appelé le deuxième front qui a permis à l'Armée de libération nationale (ALN) d'organiser des actes révolutionnaires sur les territoires mêmes du colonisateur. Il a été le principal architecte des manifestations du 17 octobre 1961.
Après l’indépendance, prenant ses distances après avoir vu les tiraillements au sommet du pouvoir, il décide de rompre définitivement après le coup de force de juin 1965. Issue d’une famille engagée dans le combat indépendantiste, Omar Boudaoud est le frère de Mansour Boudaoud, une des chevilles ouvrières dans les services de renseignements pendant la guerre de libération, lui aussi décédé il y a quelques années. En 2007, Omar publie ses mémoires aux éditions Casbah sous le titre «Du PPA au FLN, mémoires d’un combattant».
Qu’est-ce que la Fédération de France ?
Nous lisons cette présentation sur l’encyclopédie Wikipédia : «La Fédération de France du FLN, ou ‘’Septième Wilaya’’, est un autre front de la lutte du Front de libération nationale (FLN) qui a porté le combat sur le sol de l’ennemi durant la guerre d'Algérie, dotée d'un appareil bureaucratique militarisé, destiné à mobiliser la communauté algérienne de France pour la guerre et à contrôler tous les aspects de leur vie en prévision de leur retour dans l'Algérie indépendante. Lancée en 1954 sous l’impulsion de Mohamed Labjaoui, sa principale mission au départ était de soustraire la communauté algérienne de France à l'influence du MNA incarné par le leader nationaliste Messali Hadj. La guerre fratricide que vont se livrer les groupes de choc du FLN et ceux de son rival du MNA par des «règlements de compte» très meurtriers va faire plus de 4 000 morts et 12 000 blessés. La Fédération de France prend le dessus définitivement en 1958. Elle est alors dirigée par Omar Boudaoud et Ali Haroun. C'est la première fois dans l'Histoire qu'un mouvement d'indépendance perpétra des attaques sur le sol du colonisateur.(1)
«La Fédération de France tente d'influencer l'opinion publique, les intellectuels et les milieux politiques français. Elle prépare également l'ouverture d'un second front par l'OS. Du 25 août au 27 septembre 1958, ses commandos exécutent en France 56 sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs économiques, militaires ou politiques, sans recourir au terrorisme aveugle. Des attaques plus sélectives visent en 1960 et 1961 les agents de force de police auxiliaire, les harkis de la préfecture de police de Paris. Pendant les négociations de 1961 entre la France et le GPRA, la Fédération suspend les attentats le 5 juillet, puis les reprend contre les policiers, qui réagissent violemment à partir de la fin août. Si la bataille de Paris n'a jamais imité le terrorisme aveugle de la bataille d'Alger, la ‘’Septième Wilaya’’ n'a pas été la moins efficace. Et la guerre d'Algérie en France a été presque aussi meurtrière pour les Algériens que la guerre en Algérie même. Il y avait 136 345 membres de la Fédération de France en 1960, 6 milliards d'anciens francs pour 150 000 cotisants de 1955 à 1962. Dans un contexte de guerre coloniale qui déborde en métropole, la ligne de la direction de la Fédération de France se définit par le mot d'ordre ‘’Le pouvoir est au bout du fusil’’.»(1)
L'engagement total dans la Fédération de France
L'histoire de la Fédération de France reste à écrire. Certes, il y eut les deux ouvrages les plus connus, d'abord celui de Omar Boudaoud, Du PPA au FLN, mémoires d'un combattant, il y eut aussi l'ouvrage exhaustif de Maître Ali Haroun, numéro deux de la Fédération de France, La 7e Wilaya : la guerre du FLN en France 1954-1962. La direction de la Fédération organise des ripostes contre le MNA. Son activité consiste à encaisser les cotisations versées, payer les familles des détenus et acheminer les fonds vers l’achat d’armes pour la Révolution. Une autre tâche est la prospection des recrues. Il existe aussi une Commission de presse et d'information (CPI), la mise en place d’un collectif de défense des détenus, des enquêtes sociales, les importants comités de soutien aux détenus et enfin la coordination des différents réseaux, réseau Jeanson et le réseau Curiel, avec les femmes et les hommes européens qui ont cru en la Révolution.
Omar Boudaoud et Ali Haroun rapportent que 80% du financement de la Révolution se fera à partir de la Fédération FLN de France, niant de ce fait les propos de Ben Bella minimisant l'apport de la 7e Wilaya historique à la marche de la Révolution.(2) La Fédération, c'est aussi la lutte contre le MNA, mais aussi le ciblage des intérêts économiques en France : le CCE dont dépendait la Fédération de France arrêta la date du 25 août 1958 : 242 attaques avec 181 objectifs parmi les plus médiatisés comme les raffineries et dépôts d'essence. Omar Boudaoud raconte que les leaders Nasser et Bourguiba, après avoir refusé de recevoir les dirigeants algériens, comprirent, après les actions d'éclat du FLN en France, que la Révolution était irréversible. Ils changèrent d'avis et reçurent les dirigeants avec considération.
Il écrit : «(...) Le colonel Saout el Arab, commandant de la Wilaya II, devait nous dire plus tard : l'ALN se trouvait alors au creux de la vague. Les actions du 25 août l'ont revigorée.» (...) Quelques semaines plus tard, à Tunis, Bentobal me déclara : ‘’Vous nous avez fait honneur’’ (hammartouna wajhna).»(3) Ali Haroun, interviewé, raconte comment ces révolutionnaires de la 7e Wilaya historique prirent contact avec les sympathisants allemands pour donner à la Révolution une aura européenne à proximité de la France : «Il y avait Ali Haroun, Abdelkrim Chitour, Benyahia Belcacem, Aziz Ben Miloud et Kaddour. La RFA, écrit Nassima Bougherara dans une magistrale étude sur les rapports franço-allemands à l'épreuve de la question algérienne, était certes soucieuse de ne pas les laisser à l'endoctrinement communiste, et pour cela il fallait ménager, aussi, un contre-feu occidental épargnant relativement le FLN en Allemagne. Mais la RFA navigua à la godille : d'un côté, elle accepta la présence, chez elle, du FLN — notamment sous couverture officielle tunisienne.
«La Révolution algérienne a triomphé grâce aux hommes de la trempe de Omar Boudaoud. Il était un homme très discipliné, fort d’une volonté inébranlable et d’une grande intelligence politique qui lui ont permis d’assumer convenablement sa mission au sein de la Fédération de France. Il est le prototype du révolutionnaire moderne.»
(Réda Malek, ancien négociateur des accords d’Évian, «hommage en 2013»)
Omar Boudaoud s’est éteint ce samedi 9 mai à Aix-la-Chapelle, en Allemagne. Il avait 95 ans. L’un des derniers piliers de la glorieuse Révolution de novembre s’en est allé d’une façon discrète, loin de son pays. Omar Boudaoud était le dernier chef de la Fédération FLN de France (de 1957 à 1962) ; il est né en 1924, dans le village d'Azoubar, et était diplômé en agronomie. Il a adhéré jeune au Parti du peuple algérien (PPA) pour activer. Arrêté et emprisonné en 1945, il sera libéré, puis incarcéré de nouveau en 1947 pour ses activités au sein de l'Organisation Spéciale (OS). Arrêté en 1949 dans la région de Baghlia, il fut libéré en 1951 et partit en France où il intégra directement le FLN, à sa création. Il a participé aux côtés de son frère, Mansour Boudaoud, à la collecte des armes au Maroc. Son dynamisme le mène à devenir responsable de la Fédération de France du FLN, sous l’impulsion de Abane Ramdane, puis membre du Conseil national de la révolution (CNRA) de 1959 à l’indépendance, en 1962. Grâce à son sens de l'organisation, il a pu maintenir l'activité du FLN en France pendant cinq années, en ouvrant ce qui est appelé le deuxième front qui a permis à l'Armée de libération nationale (ALN) d'organiser des actes révolutionnaires sur les territoires mêmes du colonisateur. Il a été le principal architecte des manifestations du 17 octobre 1961.
Après l’indépendance, prenant ses distances après avoir vu les tiraillements au sommet du pouvoir, il décide de rompre définitivement après le coup de force de juin 1965. Issue d’une famille engagée dans le combat indépendantiste, Omar Boudaoud est le frère de Mansour Boudaoud, une des chevilles ouvrières dans les services de renseignements pendant la guerre de libération, lui aussi décédé il y a quelques années. En 2007, Omar publie ses mémoires aux éditions Casbah sous le titre «Du PPA au FLN, mémoires d’un combattant».
Qu’est-ce que la Fédération de France ?
Nous lisons cette présentation sur l’encyclopédie Wikipédia : «La Fédération de France du FLN, ou ‘’Septième Wilaya’’, est un autre front de la lutte du Front de libération nationale (FLN) qui a porté le combat sur le sol de l’ennemi durant la guerre d'Algérie, dotée d'un appareil bureaucratique militarisé, destiné à mobiliser la communauté algérienne de France pour la guerre et à contrôler tous les aspects de leur vie en prévision de leur retour dans l'Algérie indépendante. Lancée en 1954 sous l’impulsion de Mohamed Labjaoui, sa principale mission au départ était de soustraire la communauté algérienne de France à l'influence du MNA incarné par le leader nationaliste Messali Hadj. La guerre fratricide que vont se livrer les groupes de choc du FLN et ceux de son rival du MNA par des «règlements de compte» très meurtriers va faire plus de 4 000 morts et 12 000 blessés. La Fédération de France prend le dessus définitivement en 1958. Elle est alors dirigée par Omar Boudaoud et Ali Haroun. C'est la première fois dans l'Histoire qu'un mouvement d'indépendance perpétra des attaques sur le sol du colonisateur.(1)
«La Fédération de France tente d'influencer l'opinion publique, les intellectuels et les milieux politiques français. Elle prépare également l'ouverture d'un second front par l'OS. Du 25 août au 27 septembre 1958, ses commandos exécutent en France 56 sabotages et 242 attaques contre 181 objectifs économiques, militaires ou politiques, sans recourir au terrorisme aveugle. Des attaques plus sélectives visent en 1960 et 1961 les agents de force de police auxiliaire, les harkis de la préfecture de police de Paris. Pendant les négociations de 1961 entre la France et le GPRA, la Fédération suspend les attentats le 5 juillet, puis les reprend contre les policiers, qui réagissent violemment à partir de la fin août. Si la bataille de Paris n'a jamais imité le terrorisme aveugle de la bataille d'Alger, la ‘’Septième Wilaya’’ n'a pas été la moins efficace. Et la guerre d'Algérie en France a été presque aussi meurtrière pour les Algériens que la guerre en Algérie même. Il y avait 136 345 membres de la Fédération de France en 1960, 6 milliards d'anciens francs pour 150 000 cotisants de 1955 à 1962. Dans un contexte de guerre coloniale qui déborde en métropole, la ligne de la direction de la Fédération de France se définit par le mot d'ordre ‘’Le pouvoir est au bout du fusil’’.»(1)
L'engagement total dans la Fédération de France
L'histoire de la Fédération de France reste à écrire. Certes, il y eut les deux ouvrages les plus connus, d'abord celui de Omar Boudaoud, Du PPA au FLN, mémoires d'un combattant, il y eut aussi l'ouvrage exhaustif de Maître Ali Haroun, numéro deux de la Fédération de France, La 7e Wilaya : la guerre du FLN en France 1954-1962. La direction de la Fédération organise des ripostes contre le MNA. Son activité consiste à encaisser les cotisations versées, payer les familles des détenus et acheminer les fonds vers l’achat d’armes pour la Révolution. Une autre tâche est la prospection des recrues. Il existe aussi une Commission de presse et d'information (CPI), la mise en place d’un collectif de défense des détenus, des enquêtes sociales, les importants comités de soutien aux détenus et enfin la coordination des différents réseaux, réseau Jeanson et le réseau Curiel, avec les femmes et les hommes européens qui ont cru en la Révolution.
Omar Boudaoud et Ali Haroun rapportent que 80% du financement de la Révolution se fera à partir de la Fédération FLN de France, niant de ce fait les propos de Ben Bella minimisant l'apport de la 7e Wilaya historique à la marche de la Révolution.(2) La Fédération, c'est aussi la lutte contre le MNA, mais aussi le ciblage des intérêts économiques en France : le CCE dont dépendait la Fédération de France arrêta la date du 25 août 1958 : 242 attaques avec 181 objectifs parmi les plus médiatisés comme les raffineries et dépôts d'essence. Omar Boudaoud raconte que les leaders Nasser et Bourguiba, après avoir refusé de recevoir les dirigeants algériens, comprirent, après les actions d'éclat du FLN en France, que la Révolution était irréversible. Ils changèrent d'avis et reçurent les dirigeants avec considération.
Il écrit : «(...) Le colonel Saout el Arab, commandant de la Wilaya II, devait nous dire plus tard : l'ALN se trouvait alors au creux de la vague. Les actions du 25 août l'ont revigorée.» (...) Quelques semaines plus tard, à Tunis, Bentobal me déclara : ‘’Vous nous avez fait honneur’’ (hammartouna wajhna).»(3) Ali Haroun, interviewé, raconte comment ces révolutionnaires de la 7e Wilaya historique prirent contact avec les sympathisants allemands pour donner à la Révolution une aura européenne à proximité de la France : «Il y avait Ali Haroun, Abdelkrim Chitour, Benyahia Belcacem, Aziz Ben Miloud et Kaddour. La RFA, écrit Nassima Bougherara dans une magistrale étude sur les rapports franço-allemands à l'épreuve de la question algérienne, était certes soucieuse de ne pas les laisser à l'endoctrinement communiste, et pour cela il fallait ménager, aussi, un contre-feu occidental épargnant relativement le FLN en Allemagne. Mais la RFA navigua à la godille : d'un côté, elle accepta la présence, chez elle, du FLN — notamment sous couverture officielle tunisienne.
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