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Libye : la marche turque

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    Libye : la marche turque

    Méthodiquement, le régime d'Erdogan consolide ses positions dans le Nord-Ouest. Une aventure militaire, stratégique et politique au parfum de gros contrats. Par notre correspondant à Tunis, Benoît Delmas

    « Un séisme politique » ! Ainsi résumée par un diplomate en poste à Tunis, l'avancée de la Turquie en Libye prend toute son ampleur. En quelques mois, après de sérieux ratés en 2019 qui ont permis à Ankara d'ajuster sa feuille de route, la voici au secours de Tripoli et de son gouvernement d'entente nationale (GNA). Nom de l'opération : « Volcan de la colère ».

    Le corps expéditionnaire turc, cinq cents officiers, soldats et conseillers auxquels s'ajoutent plus de cinq mille mercenaires syriens, a pu casser la ligne logistique de l'armée du maréchal Haftar, homme fort de l'Est libyen. Celui-ci tente en vain depuis plus d'un an de conquérir Tripoli, siège de la Banque centrale et de la compagnie nationale du pétrole (NOC). Un échec patent malgré les soutiens des mercenaires russes de la compagnie Wagner, des dollars émiratis et des jets égyptiens.

    D'Idlib à Tripoli, la diagonale Erdogan
    La Turquie attendait son heure. Elle a sonné. « C'est une puissance de l'Otan qui a fait ses devoirs à la maison, planifiant son intervention, la mettant en œuvre pas à pas », constate Jalel Harchaoui, chercheur au Clingendael Institute. Désormais, l'agence de presse turque Anadolu rapporte au jour le jour les avancées de l'armée d'Ankara. Celle-ci fait preuve d'efficacité sur un terrain cabossé par près de neuf ans de guerre civile.
    « Ils font en Libye ce que les Russes font en Syrie, explique Jean-Sylvestre Mongrenier, chercheur associé à l'Institut Thomas More. On pensait que c'était une distraction, une manipulation machiavélique de la part du régime d'Erdogan. On a oublié qu'il s'agit d'une armée nationale, pas de janissaires. »

    L'offensive turque a véritablement commencé en novembre 2019. On reconstruit des pistes pour avions, des munitions arrivent par mer, on investit dans les ressources humaines, armée nationale, milices locales, le patchwork habituel. Les mercenaires syriens suivront fin décembre, payés 2 000 dollars par mois contre 400 quand ils œuvrent dans leur pays d'origine. Un coût modique pour les sponsors.

    Ankara marque ses premiers points. Ses drones, les TB2 fabriqués par la compagnie où travaille le gendre d'Erdogan, infligent de sérieux avertissements à la soldatesque d'Haftar. Le Nord-Ouest, Tripoli et son flanc sud changent de mains. Le maréchal tentait d'asphyxier la capitale en contrôlant des villes tout autour, de Sabratah jusqu'à Tahrounah. Ses forces ont été défaites dans la première ville. La base aérienne d'Al Watyah, qu'il tenait depuis 2014, est tombée dans l'escarcelle du GNA. Un coup sérieux qui coupe la ligne logistique : c'était la seconde base du pays. La bataille de Tahrounah, ville clé à l'est de Tripoli, se mitonne. « Ils soutiennent le gouvernement d'entente nationale, ce qu'a été incapable de faire la communauté internationale », poursuit Jean-Sylvestre Mongrenier.

    Une mer Méditerranée au parfum gazier
    « Si l'aventure libyenne aboutit, elle va se rembourser », prévoit Jalel Harchaoui. L'accord maritime signé le 27 novembre 2019, « le couteau sous la gorge » selon l'un des intervenants, permet à Ankara d'entamer des prospections et des forages en Méditerranée orientale. Un partage de la mer au parfum de gaz. D'immenses réserves y ont été détectées. La Turquie a négocié l'accord avec le GNA. Sans lui, l'accord sera caduc. Il faut donc le soutenir coûte que coûte. Ceci explique pour partie l'acharnement d'Ankara.

    Le passé s'invite : en 2009, Erdogan et 150 chefs d'entreprise rendent visite au colonel Kadhafi. Vingt milliards d'euros de contrats sont signés. Aéroports de Tripoli et Sehba, autoroute à l'est, centrales électriques, habitations : la Libye devient l'un des premiers débouchés économiques du pays. Mais depuis, l'absence de stabilité – euphémisme – rend nuls et non avenus bon nombre de projets. « Avant 2011, un quart des expatriés turcs travaillaient en Libye, plus de 18 000 », dit Mongrenier.

    Si la révolution met entre parenthèses les affaires, le chantier de la reconstruction de la Libye est estimé à « cent milliards de dollars » par la Banque mondiale. De quoi faire rêver de nombreuses puissances en quête de marchés. « Récupérer les contrats nécessitera un partage avec les Russes à l'est », poursuit Mongrenier. Un gentlemen agreement ? « Certainement pas, il n'y a pas de gentleman dans cette histoire ! » En arrière-plan, une partition du pays pourrait se dessiner. « Comme le Soudan et le sud-Soudan », conclut Harchaoui. La Turquie a remis la Méditerranée au centre des préoccupations.

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