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Au Maroc, le coronavirus apporte le « coup de grâce » aux artisans traditionnels

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  • Au Maroc, le coronavirus apporte le « coup de grâce » aux artisans traditionnels

    Potiers, tisseuses ou maîtres platriers... Les professionnels de l’artisanat, qui contribuent pour 7 % au PIB du royaume, désespèrent de voir les touristes revenir

    Un potier marocain travaille sur un tour dans un atelier de la ville de Sale, au nord de la capitale Rabat, le 3 juin 2020. Les artisans marocains sont privés de revenus depuis près de trois mois à cause de la pandémie de COVID-19.
    Un potier marocain travaille sur un tour dans un atelier de la ville de Sale, au nord de la capitale Rabat, le 3 juin 2020. Les artisans marocains sont privés de revenus depuis près de trois mois à cause de la pandémie de COVID-19.

    Poteries, vanneries et meubles en fer forgé s’entassent dans les échoppes désertes du centre artisanal d’Oulja, à Salé, au Maroc. Sans revenus depuis près de trois mois à cause de la pandémie de Covid-19, les artisans dépriment.

    « Le coronavirus, c’est le KO final : sans aide, sans soutien, notre métier va disparaître », déplore Youssef Rghalmi, un potier de 49 ans qui vient de rouvrir le local où il expose le fruit d’un « savoir-faire transmis depuis des générations ». Dans l’atelier familial, son argile se dessèche, son four est éteint et les neuf employés ne viennent plus. La dernière commande, destinée à une cliente de France qui a annulé son séjour à cause de la fermeture des frontières, prend la poussière dans un coin.
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    « On avait déjà du mal à survivre parce que les modes de vie ont changé. Les métiers traditionnels se perdent parce que les jeunes ne veulent pas prendre la relève. Et là c’est le coup de grâce », renchérit Mohamed Touel, maître artisan de gebs – plâtre sculpté utilisé pour la décoration. Ce sexagénaire qui a l’entrepreneuriat dans l’âme a adjoint un petit restaurant à son échoppe mais a aussi dû en baisser le rideau à cause de l’état d’urgence sanitaire instauré depuis mi-mars.
    « Personne ne vient »

    La ville est calme. Voire morte. Les touristes étrangers ont disparu, le confinement obligatoire a paralysé la vie économique et la clientèle locale, engluée dans la crise, « a d’autres priorités que d’acheter des tapis », se désole Ahmed Driouch dans son grand magasin encombré de lampes en cuivre, de céramiques, de poignards, de bijoux, de coffres en marqueterie et de tapis. « Touché à 200 % par l’impact du virus », ce commerçant pense qu’il lui faudra « au moins deux ou trois ans pour retrouver une activité normale ». A l’étage de son magasin, quelques employés dépoussièrent un à un les quelque 10 000 tapis artisanaux en stock. « Il faut tout nettoyer, même si pour l’instant personne ne vient », regrette l’un d’eux face à la mission laborieuse qui l’attend.
    Un tisseur de tapis marocain trie le fil dans un atelier de la ville de Sale, au nord de la capitale Rabat, le 3 juin 2020. (Photo de FADEL SENNA / AFP)
    Un tisseur de tapis marocain trie le fil dans un atelier de la ville de Sale, au nord de la capitale Rabat, le 3 juin 2020. (Photo de FADEL SENNA / AFP) FADEL SENNA / AFP

    La ministre du tourisme et de l’artisanat, Nadia Fettah, a récemment évoqué des pistes de relance, comme la création d’espaces d’exposition dans les grandes surfaces, pour ce secteur qui emploie plus de 2 millions de personnes (soit 20 % de la population active), dont environ 230 000 artisans traditionnels. L’artisanat représente environ 7 % du PIB, avec un chiffre d’affaires à l’export de près de 1 milliard de dirhams l’an dernier (91 millions d’euros). Malgré leur poids économique, les artisans travaillent dans des conditions précaires, sans couverture sociale, avec un réseau de distribution limité aux ventes occasionnelles et au bouche-à-oreille, comme tous les petits métiers au Maghreb.
    « Pas une seule vente en trois mois »

    La trentaine de femmes qui tissent des tapis pour la petite coopérative de La Femme créatrice de Salé ont toutes perdu leurs maigres revenus. D’ordinaire, les tisseuses travaillent huit heures par jour pour moins de 100 euros par mois, « quand les tapis se vendent ». Mais là, elles n’ont plus rien « car il n’y a pas eu une seule vente en trois mois », explique avec amertume Rachida Nabati. Cette énergique quadragénaire, qui travaille depuis l’âge de 7 ans, a « dû emprunter de l’argent à des connaissances », malgré l’appoint du potager qui jouxte sa bicoque.

    Dans la coopérative, quelques-unes ont bénéficié des aides directes débloquées par l’Etat sur un fonds spécial Covid-19, d’autres « n’ont rien eu et ne parviennent plus à payer leur loyer », explique l’ouvrière. « Il faudrait vendre sur Internet, mais on ne sait pas faire », regrette cette mère de famille qui a appris seule à lire et à écrire. « Une plateforme numérique a bien été lancée pour les artisans il y a quelques années, mais ça ne marche pas », abonde le maître plâtrier Mohamed Touel.
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    En Tunisie, où la crise liée au coronavirus a plongé les petits artisans dans la même détresse, l’Office national de l’artisanat (ONAT) travaille sur une plateforme électronique pour ouvrir des débouchés en Europe en fin d’année et compte multiplier les petites expositions dans les hôtels. L’ONAT encourage aussi les artisans à lancer des pages Facebook ou des sites électroniques. Mais les finances de Sabiha, une potière de Sejnane (nord) dont le savoir-faire est inscrit au patrimoine mondial de l’Unesco, sont « en dessous de zéro ». D’ailleurs, elle « n’arrive même pas à charger son téléphone portable ».
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