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Alger, dans une traînée… de vie !

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  • Alger, dans une traînée… de vie !

    Hier matin, un long cortège animé de jeunes voix, drapé de l’emblème national, croissant de lune et étoile flottant au vent, sous un soleil qui a fait son apparition en cette journée dédiée à la mobilisation contre la violence, offerte en mémoire aux victimes du 11 avril 2007, à toutes celles qui ont payé jusque-là le lourd tribut des exactions terroristes, s’en allait vers le rassemblement de la Coupole Mohamed Boudiaf, cet autre Algérien mort au service de son pays…

    Depuis mercredi dernier, le temps n’a fait qu’amplifier l’instinct de survie, le besoin de respirer, l’obligation de se prémunir contre de mauvais «coups»
    Dans Alger, ses murs, ses façades, ses balcons, ses balustrades, ses voûtes… il y fait beau malgré le cauchemar passé il y a une semaine. Sans pour autant faire oublier le déroulé des événements, les images moches de la Faucheuse qui court toujours, laissant dans son sillage des veuves et des orphelins, des handicapés et des blessés à vie.

    Pourtant, une virée dans les cités de la capitale, un détour par une impasse de quartiers en ses quatre coins montre un retour sporadique vers un quotidien qui prend fatalement le dessus.

    Réplique du quotidien

    Des embouteillages patients et résignés se donnent la réplique du Klaxon dans tous les sens et provoquent le vertige.
    Des véhicules légers, des semi-remorques, des fourgons camionnettes, des taxis, des bus, des cars se suivent sur la montée d’El Anasser vers Kouba à la queue leu leu. En face, le bois des Arcades surplombe la muraille déteinte du bleu et blanc du centre hospitalo-universitaire Drid Hocine. Les malades ont la paix. A l’entrée du grand portail, des agents veillent. Puis les véhicules se jettent à coups d’accélérateurs furibonds vers les bretelles de leur destination. Au moins pour éviter d’être encore plus retardés par le petit barrage des travaux annoncés par panneaux et gyrophares. Enfin un acte de civisme de la part des institutions chargées d’intervenir sur les chaussées. Parce que, plus haut dans les entrailles de Kouba -le métro est en pleine expansion dans cette partie d’Alger concernée par ce gros ouvrage- il n’est pas fait état des déviations qui font faire souvent un demi-tour coléreux aux automobilistes s’y aventurant. N’aurait-il pas été plus judicieux de communiquer ces contretemps sur les ondes radiophoniques ou par voie de presse ? Comme cela a été le cas justement, en plus de l’avertissement sur place qui fait part de la grande perturbation longue de 50 jours, intervenue sur la pénétrante des Annassers (ex-Ruisseau sauvage) depuis lundi dernier. Tout au long de cet itinéraire, les salles des fêtes qui longent le trottoir, ne chôment pas. Un marié attend de rejoindre sa dulcinée sur le fauteuil princier. Dehors, les hommes de la maison sont regroupés autour de l’heureux élu. Dedans, les décibels déchirent une atmosphère qui coupe avec la torpeur passée de quelques jours. Il faut bien se marier !

    Foule des jours avec

    Vers le palais de la Culture, rues peu fréquentées. Les grands immeubles des Annassers s’imposent à la vue. Marquant le centre giratoire, des conducteurs observent scrupuleusement les règles du code de la route. Une denrée rare en ce moment devant le bilan catastrophique établi par les services de la Protection civile, des accidents de la circulation. Dans Kouba, vieux et nouveau quartier, la foule est dense. Va-et-vient intermittents entre cafés maures, fast-foods, grandes surfaces… on s’arrête à une boutique de prêt-à-porter, on lorgne les derniers modèles, on est tenté par ce magasin de literie chinoise et turque… Les prestataires de la téléphonie mobile accueillent leur flux quotidien de clients qui rechargent leur carte pour se maintenir en communication… Il n’est que 14 heures 30. Mais déjà les «déserteurs» invétérés de leurs bureaux créent des bouchons interminables à la sortie des autoroutes. Celle entre autres qui permet d’aboutir à la rue Tripoli. Une artère où les banques, les entreprises, l’imprimerie, les sociétés, les édifices administratifs tiennent leur porte et portail à peine entrouverts ou carrément clos. La vigilance est ici de rigueur. Finis les battants béants des entrées toute la journée. Les véhicules marquent un arrêt le temps d’être appréhendés par les agents en faction. Il y en a qui rebroussent chemin, d’autres pénètrent sans leur véhicule qu’ils ont parqué ailleurs. Difficile. Car depuis les attentats du 11 avril, de longues files de véhicules particuliers ont trouvé refuge dans des parkings improvisés dans de nombreuses ruelles, faisant aussi le bonheur des gardiens qui se retrouvent dépassés par les clients.
    Un danger au vu des risques encourus. Mais a-t-on seulement le choix ?

    De l'anodin

    Hussein Dey vit le rythme d’une journée des plus ordinaires. Chacun vaque à ses occupations. Les préposés aux magasins et autres épiceries sont assis sur un cageot au seuil de leur boutique. Autour des stations-service qui livrent leur carburant aux clients de passage, il n’y a rien qui prête à une attention particulière. Juste un échange laconique entre automobilistes et prestataire de la pompe. Là où des véhicules ont choisi de se faire laver. Rien de plus anodin. Vers la sortie de l’autoroute, l’avenue de l’ALN est marquée par une circulation fluide. Les ponts en construction ou achevés récemment imposent leur «cuirasse» soignée au look moderne, protégée par une clôture à quelques endroits, ultime précaution contre tout accident. Ces ouvrages d’art s’enchevêtrent dans un contour en colimaçon presque. La ville respire un peu la largesse d’une conception qui aide à un «désengorgement» salvateur.
    La mer, couleur ardoise, reste relativement calme sous un ciel à l’humeur changeante, tantôt gris ferraille, tantôt éclairé par un rayon qui échappe dans un jeu de cache-cache à un monticule touffu de nuages persistants en cette mi-avril qui finissent par le soustraire à une saison normalement printanière. Et c’est un hiver tardif qui détrône le cours logique de la nature. Qui ne fait plus de caprices.

    Moins capricieux s’offre l’océan qui fait en cet après-midi du 16 avril des heureux. Enfin, parmi la masse ébranlée par les secousses d’une explosion faite à oublier. Dans cet hameçon, taquin, têtu et victorieux qui finit par faire emporter leur dînerdans leur petit panier aux pêcheurs du lundi. Qui n’était pas fait pour être assuré. Juste cette évasion réconciliatrice avec la vie. Une vie normale.

    Tout au long de l’ex-moutonnière, ces «chasseurs» de paix pourchassée, pas très loin, sans embarcation, ni argent mais juste sur le rivage, à portée de la canne, à regard déployé. Là où d’autres contemplateurs juchés sur un rocher, en remplacement des amoureux qui, d’habitude, vautrent leur passion à ciel ouvert, scrutent dans leur solitude l’horizon bordé de navires en rade. Dans un besoin extrême, urgent de se soustraire à son environnement immédiat, à son entourage plein à craquer, à la réalité qui n’est pas toujours et en ce moment même des plus réjouissantes. Le grand bleu pour noyer au plus profond, par la grâce de cet iode enivrant «diqat el khatar» (angoisse). Il n’y a que cela de vrai.

    Vers El Harrach, les odeurs étouffantes ne montent pas de l’oued. La ville traverse un quotidien des plus normaux. Rien à signaler. Retour au point de départ. L’autoroute est ponctuée des hommes en képi et vareuse de cuir. Les automobilistes obtempèrent aux ordres des agents de la circulation. Ils sont partout et parsèment de leur présence la route qui ne charge pas encore tous ses passagers habituels. Il n’est que 15 heures 15 minutes.

    Flux et reflux

    Passerelles, trémies et ponts livrent leur mouvement de piétons et conducteurs affairés à arriver vers le lieu de leur destination.
    Vers la grande artère Hassiba Ben Bouali, effervescence coutumière de ce centre- ville. Les lieux publics grands ouverts vivent à la cadence de l’afflux des citoyens en quête de leurs préoccupations. A l’entrée de l’hôpital Mustapha Bacha, qui ont formé, depuis l’heure des visites, (13-15 heures), un interminable chapelet de véhicules -en raison des mesures draconiennes prises par la structure assidûment fréquentée toute la journée- il demeure un filtrage très méticuleux ! Jusqu’à quand ?

    Dans les artères et rues marchandes, on ne perçoit plus ni de loin ni de près les notes musicales assommantes imposées par les disquaires à l’affût de clients potentiels. Respect oblige.

    Vers d’autres quartiers du cœur de la capitale, on s’apprête à rentrer chez soi. De l’usine à la maison. Y a pas de raison de s’attarder plus ! Les dernières emplettes accomplies, on prend le bus, le taxi, le train 11… Dans un soupir de soulagement. Dans une ultime prière, une autre journée de répit. De paix.
    Sur le chemin du retour, les travailleurs de la banlieue ouest d’Alger se poussent du pare-chocs pour arriver à l’autre bout de la ville. L’autoroute n’en peut plus de ses véhicules qui se font presque du «rentre dedans» pour se partager la chaussée en queue disciplinée. Même la bande d’arrêt d’urgence demeure libre de tout fraudeur.

    Par S.A., La Tribune
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