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Les Astéroïdes

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  • Les Astéroïdes

    Commençons par la bonne nouvelle : le risque d'une collision entre la Terre et un astéroïde assez massif pour provoquer la fin de l'humanité est extrêmement faible. Des experts l'ont affirmé, en mars, à la deuxième conférence triennale de défense planétaire de Washington.

    Ces dernières années, un programme de détection leur a permis de repérer plus de 700 corps célestes proches de la Terre, et d'un diamètre supérieur au kilomètre. Au-dessus de cette taille, l'impact d'un astéroïde peut détruire un pays comme la France, et soulever durablement assez de poussière dans l'atmosphère pour déclencher un changement climatique global. Les plus volumineux peuvent causer l'extinction massive d'espèces vivantes, comme l'un d'eux qui extermina les dinosaures, il y a 65 millions d'années.

    Pas de panique cependant : aucun de ces mastodontes n'a été repéré sur une orbite qui représenterait un danger pour la Terre. Certes, il en reste encore plusieurs centaines à dénicher pour faire le tour de cette population, estimée à 1 100 individus. Mais ce n'est pas ce qui préoccupe les spécialistes.

    Car, à côté, il y a une mauvaise nouvelle. Les astéroïdes d'un diamètre inférieur au kilomètre sont beaucoup plus nombreux, plus difficiles à détecter, et représentent une menace, encore mal évaluée, peut-être sous-estimée. Au-dessus de 50 mètres de diamètre, ils traversent les couches denses de l'atmosphère sans s'y consumer comme la plupart des météorites, et peuvent causer d'importants dégâts locaux. A partir de 140 mètres, ils ont la capacité de ravager une région entière. Or 100 000 astres de cette taille erreraient non loin de la Terre, selon les statistiques d'un rapport de la NASA remis au Congrès américain, en mars. Vingt mille d'entre eux constitueraient une menace potentielle, mais moins de 4 000 ont été identifiés.

    A la conférence de Washington, où ils ont déploré la prise de conscience tardive de ce danger par les Etats et leurs citoyens, les scientifiques n'ont pas manqué d'imagination pour traduire ces chiffres en images qui parlent aux humains.

    UNE COLLISION CHAQUE SIÈCLE

    Selon Pete Worden, directeur du centre de recherche Ames de la NASA, le risque de périr dans une catastrophe venue du cosmos est à peu près égal à celui de mourir dans un accident d'avion, si l'on emprunte ce moyen de transport une seule fois par an. Nick Bailey, de l'université de Southampton (Royaume-Uni), a présenté le premier programme informatique combinant les effets d'une collision avec des données telles que la densité de population ou la concentration d'industries. Il peut dresser une carte mondiale des dégâts humains et économiques que causerait une collision, ou le tsunami soulevé par la chute d'un astéroïde dans l'Océan. Sans surprise, les principales victimes seraient les Etats-Unis, puis la Chine, puis, plus curieusement, la Suède...

    On peut contester ces probabilités ou ces projections, attribuer les catastrophes à l'histoire ancienne, repousser les dangers dans un futur lointain. Mais les risques ont aussi un passé tout récent, et même un présent. Le dernier projectile céleste à avoir causé des dégâts importants a frappé, le 30 juin 1908, dans la région de la Toungouska, en Sibérie centrale. L'objet, d'un diamètre de quelques dizaines de mètres a explosé à 8 km d'altitude environ.

    Cette déflagration, mille fois plus puissante que celle de la bombe d'Hiroshima, a couché les arbres au sol sur plus de 2000 km2 de taïga, sans causer de pertes humaines dans cette région déserte ! Sur une zone peuplée comme l'agglomération parisienne, les dégâts auraient été considérables. Une révision récente des statistiques a permis d'estimer qu'une telle collision se produit en moyenne une fois par millénaire. Mais des chercheurs affirment qu'un bolide semblable à celui de la Toungouska peut percuter la Terre tous les siècles...

    En ce début de XXIe siècle, la menace a déjà un premier nom : Apophis. Cet astéroïde de 320 mètres de diamètre a été baptisé en référence au dieu égyptien de la destruction, et s'est imposé comme l'objet céleste le plus dangereux jamais repéré par l'homme.

    Au début des vacances de Noël 2004, les astronomes qui venaient de le détecter lui ont attribué une chance sur 200 de s'écraser sur la Terre - le vendredi 13 avril 2029. Les jours suivants, ce taux de risque de collision n'a cessé d'augmenter, pour culminer à 1 chance sur 20, le 27 décembre. A ce moment-là, Apophis devint le premier astéroïde à se hisser jusqu'au niveau 4 de l'échelle de Turin, du nom de la ville où ce classement des risques, de 1 à 10, a été adopté en 1999. Mais ce record ne lui a pas valu son quart d'heure de gloire comme d'autres objets nettement moins menaçants en avaient connu : en cette fin 2004, la planète avait les yeux rivés sur les dégâts, bien réels, du tsunami dans l'océan Indien.

    Le grand public a évité de s'inquiéter pour rien. Car le danger représenté par Apophis a vite régressé. L'examen d'archives, prises par un télescope en mars 2004, a permis d'affiner son orbite, qui a cessé de menacer la Terre et a replacé l'astéroïde au plus bas de l'échelle de Turin. Des mesures ultérieures ont conduit à la prévision suivante : le 13 avril 2029, Apophis devrait survoler l'Europe de l'Ouest et le nord de l'Afrique à 30 000 km d'altitude, soit en dessous de l'orbite des satellites géostationnaires. Dans les calculs des astronomes, ce passage rapproché conserve une marge d'erreur d'environ 3 000 km. Sur cette marge, il existe une bande de 600 m de large, un "trou de serrure" qui inquiète les astronomes... Si Apophis passe à cet endroit précis de l'espace, alors la gravité terrestre déviera l'astre sur une trajectoire qui croisera de nouveau notre planète sept ans plus tard, le 13 avril 2036. Ce jour-là, le risque de collision est, pour l'instant, de l'ordre de 1 sur 45 000, évaluation ne risquant pas d'évoluer avant 2011. Apophis vient de disparaître dans la lumière du Soleil, et ne sera de nouveau détectable que dans quatre ans. De nouvelles observations élimineront peut-être la possibilité du "trou de serrure".

    D'ici là, les spécialistes n'auront pas fini de se féliciter des vertus pédagogiques de cet astéroïde inquiétant. Apophis résume tous les cas de conscience et les difficultés des chasseurs de petits corps potentiellement menaçants : les observations parcellaires, les évaluations du risque, fluctuant au gré des mesures, qui grimpent brutalement pour retomber à zéro, les trajectoires erratiques de corps sans cesse déviés par la gravité des planètes qu'ils approchent, le Soleil qui aveugle les télescopes et qui empêche de voir venir certains objets parmi les plus proches de la Terre, les marges d'erreur qui subsistent.

    CRUCIALE DÉTECTION

    "Tant que nous ne connaissons pas la composition des objets, nous ne pouvons déterminer la manière dont ils reflètent la lumière et nous pouvons donc largement nous tromper sur l'évaluation de leur taille, résume François Colas, de l'Institut de mécanique céleste (Observatoire de Paris-CNRS). Ces incertitudes de départ se propagent en s'amplifiant dans nos prévisions d'orbites. Ce qui explique que, comme la météo inapte à des prévisions fiables au-delà de cinq jours, nous ayons du mal à dépasser un horizon de cinquante ans."

    Apophis vient donc souligner à point l'importance cruciale de la détection. A Washington, tous les orateurs se sont prononcés pour un effort accru dans ce domaine, qui permette de voir arriver le danger le plus tôt et le plus précisément possible. A la demande du Congrès, la NASA s'est lancée depuis deux ans dans l'identification, avant 2020, de 90 % des 20 000 objets de plus de 140 mètres de diamètre potentiellement dangereux. Le rapport remis en mars vise à évaluer le prix de cette quête et des instruments nécessaires. L'agence estime à 1 milliard de dollars le coût d'une amélioration des télescopes terrestres automatiques, qui ont déjà fait largement progresser la détection en scannant méthodiquement le ciel, et le déploiement d'un engin d'observation spatial sur une orbite proche de Vénus, pour élargir le champ de vision sans être aveuglé par le Soleil.

    Mais la NASA, engagée sur bien d'autres projets, estime qu'elle n'a pas les moyens de soutenir cet effort. Elle en appelle à la solidarité des nations qui auraient tout à gagner à coupler protection de la Terre et connaissance scientifique. Briques de matière primitive, les petits corps sont en effet les témoins d'une époque où des collisions incessantes ont façonné les planètes. Bien avant d'y représenter des menaces de destruction, elles ont donné vie au système solaire.

    Par Le monde
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