Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Mohamed Belhocine. Chercheur algérien en bioinformatique à Dubaï, je suis l’élève du Pr Raoult et je peux aider mon pays

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Mohamed Belhocine. Chercheur algérien en bioinformatique à Dubaï, je suis l’élève du Pr Raoult et je peux aider mon pays

    A 37 ans, Mohamed Belhocine dirige une équipe de chercheurs dans la bioinformatique, dans un prestigieux labo de recherche à Dubaï. A travers cette interview, il insiste sur l’importance de cette spécialité d’avenir, et de plus en plus demandée par les grands laboratoires dans les quatre coins du monde.

    Interview réalisée par Mohamed Benzerga

    -Tout d’abord, qui est Mohamed Belhocine ?

    Né en 1983 à Blida, je suis l’aîné d’une fratrie de 5 garçons et une fille. J’ai vécu les 15 premières années de ma vie dans un quartier populaire à la cité Sidi Achour, communément appelée la cité Zing. Après avoir eu mon baccalauréat scientifique, j’ai rejoint l’université de Blida où j’ai fait des études de biologie et plus précisément de la microbiologie (l’étude des micro-organismes comme les virus et les bactéries).

    Durant mes études universitaires, j’ai repassé le baccalauréat pour soutenir mes deux frères jumeaux et les encourager à le réussir. Ainsi, j’ai eu un 2e baccalauréat avec lequel je me suis inscrit en science vétérinaire en parallèle à mon cursus de biologie. Mais j’ai senti que je pouvais faire encore mieux, donc je me suis inscrit en candidat libre au baccalauréat français au lycée international, Alexandre Dumas, à Alger. Et à la surprise de tous mes camarades, j’ai pu le décrocher et avec des bonnes notes. Ce qui m’a permis de m’inscrire dans une université française, celle de Luminy, à Marseille, mais cette fois-ci dans une autre spécialité, celle de biologie moléculaire et cellulaire. En conséquence, à l’âge de 20 ans je me suis retrouvé en train d’entamer une nouvelle aventure, seul à l’étranger.

    -Et comment c’était ?

    Au début, c’était très dur. Il a fallu vraiment me battre pour réussir à tenir. Je ne voulais pas être dépendant de mes parents dont la situation économique ne leur permit pas de subvenir à mes dépenses. Ainsi, j’ai travaillé dès le début en essayant de réussir dans mes études. J’ai dû travailler durant des années de 21h à 3h, chaque jour ; et y aller à l’université le matin de 9h jusqu’à 15h. Tous ces sacrifices m’ont permis d’être parmi les meilleurs de ma promotion durant tout mon cursus universitaire.

    -Racontez-nous votre passage chez le Pr Raoult…

    Justement, c’est durant ces années à Marseille que j’ai eu l’opportunité d’être parmi les étudiants du Pr Didier Raoult et d’effectuer des stages dans son laboratoire à l’hôpital de la Timone, à Marseille. L’équipe du Pr Raoult est une équipe cosmopolite où se côtoient une multitude de nationalités et principalement maghrébines. On le surnommait l’Indiana Jones des micro-organismes. En effet, le Pr Raoult détient un palmarès impressionnant de découvertes, comme celui du plus grand virus (Mimivirus) et le plus petit virus (Spoutnik). Ce qui lui a valu une renommée internationale dans le domaine.

    -Et après…

    Plus tard, après avoir décroché ma licence, je me suis tourné vers une nouvelle spécialité «la bioinformatique et la génomique», un domaine qui vient d’émerger dans la recherche scientifique. Ce domaine a été propulsé vers l’avant grâce aux nouvelles technologies de séquences de l’ADN à grande échelle. Donc, durant mon master en bioinformatique, j’ai étudié et analysé des tonnes de données de séquençage des maladies telles que le cancer. Ces études m’ont permises de décrocher plusieurs prix et bourses pour finaliser mes études et réaliser mes recherches de doctorat. En effet, mon 1er prix était celui des «étoile montante» décerné par l’Institut Necker / hôpital Necker des enfants malades à Paris.

    Ce qui m’a ouvert l’opportunité de travailler dans ce prestigieux établissement. Ensuite, un 2e prix celui du «meilleur projet de recherche» décerné par l’association la Ligue contre le cancer et qui m’a aidé beaucoup à finaliser ma thèse dans le laboratoire «Théories et approches de la complexité génomique» (TAGC) à Marseille. Le TAGC est un laboratoire hautement spécialisé en bioinformatique. A la fin de ma thèse, j’ai eu un autre prix celui de «la meilleure thèse de l’école doctorale de Marseille» pour avoir réalisé un nombre important de publications scientifiques de haut «impact factor» en comparaison à mes camarades.

    En effet, J’ai pu finir ma thèse avec 7 articles, alors qu’un seul est nécessaire pour soutenir ses recherches. Toute cette aventure et expérience acquise à travers plusieurs laboratoires d’une renommée mondiale et aussi le nombre de publications scientifiques ont attiré l’attention des chasseurs de têtes/talents sur moi. En conséquence, J’ai reçu des propositions de plusieurs laboratoires aux cinq coins du monde (France, Canada, UK, Allemagne, Qatar, KSA et UAE). Après avoir étudié chaque projet/offre, que ce soit d’un point de vue scientifique, familial, économique…; le meilleur choix qui s’impose et ayant rempli la totalité de mes critères était celui des UAE. Ainsi, fut Dubaï la destination suivante où je suis installé depuis presque 4 ans et où je suis responsable d’une équipe de recherche. D’un point de vue scientifique, le laboratoire m’offre une très grande liberté de choix des projets que je voulais élaborer. Enfin, je serai hypocrite si je ne parle pas de l’aspect économique, Dubaï est considéré comme la destination n°1 pour y vivre, même pour les Européens.

    -Justement comment est la recherche scientifique là où vous êtes ?

    La recherche médicale et scientifique dans ce coin du monde est très prometteuse grâce aux moyens mis à la disposition des chercheurs quant au niveau scientifique ou personnel. Vous remarquez que, bien que le tissu très complexe et cosmopolite de la société émiratie (un pays qui reçoit des millions de visiteurs/touristes), le nombre de victimes de la <Covid-19 reste le plus bas dans le monde. Cette victoire est principalement due grâce au protocole de prise en charge des malades développé rapidement et au système de santé très puissant dans ce pays. En plus, l’utilisation des cellules-souches dans le protocole de traitement réalisé, exclusivement, par les équipes aux UAE ont permis une nette amélioration des patients.

    Cependant, j’aimerais rassurer mes compatriotes qu’aucune victime algérienne n’est à déplorer aux UAE. Cette bonne nouvelle est due au grand civisme et respect des consignes gouvernemental par notre diaspora installée ici. Et concernant le labo où je travaille maintenant, le Molecular Biology and Genetics (MBG) Laboratoiry, ce dernier est conçu pour soutenir une gamme étendue et diversifiée de recherches scientifiques. Il comprend de grandes zones de test avec un équipement de pointe. MBG Lab abrite un groupe de scientifiques hautement qualifiés possédant une expertise dans diverses techniques de biologie moléculaire et de génétique, offrant un environnement de travail dynamique, stimulant et productif. Notre mission est de fournir la plus haute qualité de services en diagnostic moléculaire et en recherche génomique pour les humains et les animaux, et de poursuivre les progrès professionnels et technologiques grâce à la formation continue, la recherche et l’innovation.

    -Comment définissez-vous la bioinformatique ?

    La bioinformatique est un champ de recherche multidisciplinaire de la biotechnologie où on se sert de tous les champs scientifiques pour répondre à des questions d’ordre biologique et médicale. La bioinformaticien est en même temps : biologiste, informaticien, physicien et statisticien. C’est une personne comme un couteau suisse, si j’ose dire. Cette spécialité est de plus en plus demandée dans le monde. Me concernant, je reçois presque chaque jour des propositions de job un peu partout dans le monde. Et je reçois des feed-back de la part de mes anciens étudiants que j’ai encadrés et qui travaillent dans de grandes firmes pharmaceutiques et instituts de recherche.

    -Et qu’en est-t-il de votre relation avec votre pays d’origine ?

    Durant cette pandémie, j’ai bien suivi et de très près les événements en Algérie. Et à ce jour, je reste toujours branché pour ce qui est de la situation épidémiologique de la Covid-19 dans mon pays d’origine. J’essaie d’apporter au mieux mon expertise, que ce soit à travers des discussions avec mes collègues les chercheurs/médecins algériens ou sur les réseaux sociaux, par la publication des avancées scientifiques à jour et aussi en réconfortant mes compatriotes et balayer les fausses informations qui circulent sur la Toile. J’aimerais aussi insister sur le fait que le domaine de la bioinformatique a de l’avenir en Algérie, comme partout dans le monde.

    Il y a une production énorme dans le monde de big data relative à la recherche scientifique et tout cela est en open access à tout le monde. Et puisque en Algérie il y a un manque d’infrastructures, la bioinformatique est la solution à préconiser, car on a besoin juste d’un ordinateur puissant et un access à ces big data. Cela qui nous permet de faire des recherches, tout en étant chez soi. J’ai d’ailleurs publié deux articles scientifiques qui proposent de nouveaux modèles cancéreux, juste en piochant dans les bases de données publiques et en utilisant mon ordinateur pour faire les analyses/recherches. En effet, et rien que pour l’exemple, imaginez un labo aux USA qui veut répondre à une question sur une maladie donnée, là il a suffisamment de moyens pour mener les expériences nécessaires et les séquençages.

    Et il est obligé de mettre toutes les données dans la banque publique. Et ces données, c’est comme une montagne et nos chercheurs établis en Algérie peuvent en profiter en prenant juste une pierre de cette montagne pour l’analyser. Je pense qu’il est temps de développer cette spécialité dans notre pays et intégrer les diplômés dans les équipes de recherches et hôpitaux. J’aimerais signaler aussi que je garde une très étroite relation avec l’Algérie. Depuis mon départ de l’Algérie en 2003, je suis retourné des milliers de fois afin d’apporter à mon pays le savoir-faire que j’ai acquis.

    Ainsi, j’ai commencé à faire des allers-retours pour enseigner gratuitement à l’université de Blida et aussi donner des cours privés à celui qui le souhaitait. J’ai ensuite pu créer le 1er master bioinformatique et génomique en Algérie à l’université de Blida. En parallèle, j’ai été invité par plusieurs universités algériennes pour donner des cours, séminaires, conférences ou même coencadrer des étudiants. Parmi ces universités, je peux citer les universités de Chlef, Tlemcen, Alger, Oran et Boumerdès. J’ai aussi aidé au montage de plusieurs projets de collaboration entre l’Algérie et la France pour l’encadrement des doctorants algériens dans le cadre des projets Tassili.

    -Comptez-vous revenir définitivement au bled ?

    C’est le sujet qui fait le plus mal : «Le retour en Algérie.» C’est un rêve qui poursuit chaque expatrié. Notre chagrin pour la famille, les endroits qui ont vu notre enfance et qui restent ancrés dans notre mémoire, l’odeur du Jasmin mélangé à l’odeur du café de l’après-midi entouré par nos proches, chacun racontant sa journée. Tous ces souvenirs nous attachent comme un cordon ombilical à notre chère patrie. Mais le soutien inconditionnel de mes parents, mes frères, mes deux filles Joury et Joud et spécialement mon épouse Nour, me donnent le courage et l’envie de continuer et réaliser plus de succès. Mon rêve est de créer un laboratoire de recherche digne de ce nom en Algérie, de former des générations de chercheurs et leur apporter toute mon expérience acquise.

    Mais pour rentrer définitivement au pays, il faut que toutes les conditions soient réunies, que ce soit d’un point de vue familial ou économique. Car, il ne suffit pas seulement de créer le laboratoire, mais de créer des bonnes écoles pour nos enfants, un bon système de santé et des meilleurs salaires qui nous permettront de vivre correctement. Bref, il faut apporter les mêmes conditions et privilèges que les pays hôtes ou au moins de s’y rapprocher. En attendant, je continuerai à apporter mon soutien à ma patrie par des formations et des collaborations. Le retour, je sais que cela sera possible un jour. J’ai même commencé à sentir l’odeur du changement depuis le 22 février 2019. Depuis que le peuple a dit son mot.


    NB : le chercheur Mohamed Belhocine met à la disposition de ses concitoyens étudiants/ chercheurs ou autorités son e-mail pour le contacter. Il se dit toujours prêt à aider son pays : [email protected]

    MOHAMED BENZERGA
    El Watan
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
Chargement...
X