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Bachir M... sent une grosse boule lui nouer la gorge, son cœur bat la chamade et il a les mains moites. Il connaît bien cette sensation d’angoisse qui transforme son corps en un simple objet, dont il perd tout contrôle. Toutes les fois que son parti vit un événement que lui qualifie “d’important”, — et qui ne l’est pas — il est sur le qui-vive, tourmenté, tendu, inquiet. Il tente, sans y parvenir, à se calmer.
“Pour quelles raisons serai-je exclu ? Pourquoi ma candidature serait-elle rejetée ? Ne suis-je pas le mieux placé ? N’ai-je pas milité au sein de mon parti sans discontinuité ?” se dit-il de plus en plus anxieux. Au moment de garer son véhicule sur le bas-côté, il aperçoit un grand nombre de femmes et d’hommes devant le siège du parti. Il connaît tous les visages. Ce sont ceux des militants qu’il fréquente depuis tant d’années. Celles et ceux avec lesquels il a parcouru un long chemin. Celles et ceux avec lesquels il a tissé des liens d’amitié ou qu’il déteste et qui le lui rendent bien. Bachir remarque leurs mines fermées, dépitées. Mais surtout leur colère qu’ils ne cherchent pas — ou ne peuvent pas — dissimuler. Ils menacent d’appeler au boycott du vote, de faire ceci... de faire cela... Il devine rapidement les raisons de leur mécontentement et demande à brûle-pourpoint sans même les saluer : “Ma candidature a-t-elle été retenue ?
— Dans ta wilaya, on a choisi un ministre en fonction pour conduire la liste des candidats. Il est inscrit au parti depuis 2003 !
— Cela signifierait donc que mon mandat prend fin ? Est-ce possible ?
— Tu as tout compris et si cela peut te consoler tu n’es pas le seul exclu, répondent-ils en chœur.
— Mais enfin qui a décidé cela ? C’est de l’arbitraire, c’est injuste, c’est illégal... parvient-il à ajouter avant d’être pris d’un malaise. Lorsqu’il revient à lui, le médecin penché sur lui, lui explique qu’il a eu une méchante hausse de tension, susceptible de causer la prochaine fois des dégâts autrement plus sérieux.
— Vous devriez faire attention. Pour quelles raisons mettriez-vous votre santé en danger pour des causes perdues ? Ce pays part “en java” et personne ne pourra plus le sauver. Pensez donc à vous, à vos enfants, ce sera certainement plus valorisant qu’une banale histoire de strapontin. C’est absolument ridicule. La santé est un bien précieux. On ne le dira jamais assez.”
— Vous ne pouvez pas comprendre docteur. A vous, je peux le dire, car vous êtes lié par le secret professionnel. J’étais un modeste instructeur à l’école primaire de ma commune, avec un niveau de 1ère année moyenne. Je suis issu d’une famille pauvre. En pénétrant dans les arcanes et les coulisses du parti, j’ai alors compris que l’opportunisme était payant. Et c’est ainsi que j’ai décroché ce que vous appelez un “strapontin”. Pour moi, c’est ma vie et ce qui donne un sens à mon existence.
– Vous en avez une autre plus noble : celle de transmettre le savoir à des enfants qui ont besoin de vous.
– Vous n’êtes pas sérieux, n’est-ce pas ? Retourner dans ma wilaya et redevenir le petit enseignant que je fus dans ma commune ? Ce n’est même pas imaginable. D’autant que pour être franc avec vous, durant mon mandat j’ai dû me rendre en cinq ans trois fois dans ma wilaya. Les habitants ne seront pas tendres avec moi car je n’ai rien fait pour eux alors que beaucoup ont voté pour moi. Et puis déserter la capitale pour m’enterrer dans un trou ? Est-ce seulement pensable ? Pas plus mes enfants que mon épouse n’accepteraient de me suivre. Ils ne voudront jamais plus vivre hors d’Alger. Ni moi d’ailleurs.
– Si j’entends et comprends vos propos, vous êtes surtout soucieux de ne pas perdre vos avantages et privilèges, n’est-ce pas ?
– Qu’auriez-vous fait à ma place ?
– Je ne suis pas à votre place et ne pourrai l’être car je suis un homme libre et ma profession me passionne. Cela ne signifie aucunement que je ne sois pas politisé. Je le suis certainement plus que vous.
– Essayez au moins de comprendre que la confection des listes est arbitraire. Et notre “chef d’équipe” se cache derrière le grand chef pour expliquer les exclusions. Qui croire et que croire ? Je ne sais plus.
– Et cela ne vous gêne-t-il pas que le grand chef décide dans un domaine qui lui échappe si l’on s’en tient à la Constitution ?
– La Constitution ... les idéaux ... les principes ... tout cela je m’en f... je veux garder mon appartement dont l’institution paie le montant de la location.
Je veux conserver le véhicule de service, le téléphone mobile, qu’on continue à m’envoyer du “monsieur” par-ci, par-là. Que mon image apparaisse à la télévision lors des débats même si je ne comprends rien aux textes de lois. J’ai toujours voté “oui”, et ne me suis jamais fait remarquer défavorablement. J’ai été aux côtés de notre “chef d’équipe” lorsqu’il a forcé la porte de notre parti sans droit ni titre. Ils doivent me remercier. Ils le doivent ... sinon je deviendrai un opposant. Ah ! Je vous le jure docteur je serai un opposant pur et dur. Le médecin esquisse un sourire. Bachir l’entend lui dire : “un opposant faute de strapontin. Quel beau et noble combat en perspective !”.
le soir d'algérie.
“Pour quelles raisons serai-je exclu ? Pourquoi ma candidature serait-elle rejetée ? Ne suis-je pas le mieux placé ? N’ai-je pas milité au sein de mon parti sans discontinuité ?” se dit-il de plus en plus anxieux. Au moment de garer son véhicule sur le bas-côté, il aperçoit un grand nombre de femmes et d’hommes devant le siège du parti. Il connaît tous les visages. Ce sont ceux des militants qu’il fréquente depuis tant d’années. Celles et ceux avec lesquels il a parcouru un long chemin. Celles et ceux avec lesquels il a tissé des liens d’amitié ou qu’il déteste et qui le lui rendent bien. Bachir remarque leurs mines fermées, dépitées. Mais surtout leur colère qu’ils ne cherchent pas — ou ne peuvent pas — dissimuler. Ils menacent d’appeler au boycott du vote, de faire ceci... de faire cela... Il devine rapidement les raisons de leur mécontentement et demande à brûle-pourpoint sans même les saluer : “Ma candidature a-t-elle été retenue ?
— Dans ta wilaya, on a choisi un ministre en fonction pour conduire la liste des candidats. Il est inscrit au parti depuis 2003 !
— Cela signifierait donc que mon mandat prend fin ? Est-ce possible ?
— Tu as tout compris et si cela peut te consoler tu n’es pas le seul exclu, répondent-ils en chœur.
— Mais enfin qui a décidé cela ? C’est de l’arbitraire, c’est injuste, c’est illégal... parvient-il à ajouter avant d’être pris d’un malaise. Lorsqu’il revient à lui, le médecin penché sur lui, lui explique qu’il a eu une méchante hausse de tension, susceptible de causer la prochaine fois des dégâts autrement plus sérieux.
— Vous devriez faire attention. Pour quelles raisons mettriez-vous votre santé en danger pour des causes perdues ? Ce pays part “en java” et personne ne pourra plus le sauver. Pensez donc à vous, à vos enfants, ce sera certainement plus valorisant qu’une banale histoire de strapontin. C’est absolument ridicule. La santé est un bien précieux. On ne le dira jamais assez.”
— Vous ne pouvez pas comprendre docteur. A vous, je peux le dire, car vous êtes lié par le secret professionnel. J’étais un modeste instructeur à l’école primaire de ma commune, avec un niveau de 1ère année moyenne. Je suis issu d’une famille pauvre. En pénétrant dans les arcanes et les coulisses du parti, j’ai alors compris que l’opportunisme était payant. Et c’est ainsi que j’ai décroché ce que vous appelez un “strapontin”. Pour moi, c’est ma vie et ce qui donne un sens à mon existence.
– Vous en avez une autre plus noble : celle de transmettre le savoir à des enfants qui ont besoin de vous.
– Vous n’êtes pas sérieux, n’est-ce pas ? Retourner dans ma wilaya et redevenir le petit enseignant que je fus dans ma commune ? Ce n’est même pas imaginable. D’autant que pour être franc avec vous, durant mon mandat j’ai dû me rendre en cinq ans trois fois dans ma wilaya. Les habitants ne seront pas tendres avec moi car je n’ai rien fait pour eux alors que beaucoup ont voté pour moi. Et puis déserter la capitale pour m’enterrer dans un trou ? Est-ce seulement pensable ? Pas plus mes enfants que mon épouse n’accepteraient de me suivre. Ils ne voudront jamais plus vivre hors d’Alger. Ni moi d’ailleurs.
– Si j’entends et comprends vos propos, vous êtes surtout soucieux de ne pas perdre vos avantages et privilèges, n’est-ce pas ?
– Qu’auriez-vous fait à ma place ?
– Je ne suis pas à votre place et ne pourrai l’être car je suis un homme libre et ma profession me passionne. Cela ne signifie aucunement que je ne sois pas politisé. Je le suis certainement plus que vous.
– Essayez au moins de comprendre que la confection des listes est arbitraire. Et notre “chef d’équipe” se cache derrière le grand chef pour expliquer les exclusions. Qui croire et que croire ? Je ne sais plus.
– Et cela ne vous gêne-t-il pas que le grand chef décide dans un domaine qui lui échappe si l’on s’en tient à la Constitution ?
– La Constitution ... les idéaux ... les principes ... tout cela je m’en f... je veux garder mon appartement dont l’institution paie le montant de la location.
Je veux conserver le véhicule de service, le téléphone mobile, qu’on continue à m’envoyer du “monsieur” par-ci, par-là. Que mon image apparaisse à la télévision lors des débats même si je ne comprends rien aux textes de lois. J’ai toujours voté “oui”, et ne me suis jamais fait remarquer défavorablement. J’ai été aux côtés de notre “chef d’équipe” lorsqu’il a forcé la porte de notre parti sans droit ni titre. Ils doivent me remercier. Ils le doivent ... sinon je deviendrai un opposant. Ah ! Je vous le jure docteur je serai un opposant pur et dur. Le médecin esquisse un sourire. Bachir l’entend lui dire : “un opposant faute de strapontin. Quel beau et noble combat en perspective !”.
le soir d'algérie.
Oui c est une realite, maintenant il y a un nouveua visage dans les deputations, c est des hommes d affaires et des riches qui se sont lances dans le senat et les deputation, et ce afin d e fructuer leurs affaires, ni plus ni moin.
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