(1)
Voilà des années que les médias parisiens ne couvrent plus sérieusement l’Algérie, sinon la sous-région du Maghreb. Désintérêt politique, abandon du savoir, coût prohibitif de correspondants permanents ? Allez savoir… Toujours est-il que lorsque l’actualité l’impose, journaux, radios et télévisions se raccrochent inopinément – panique de la page blanche – au premier « expert » venu, sans qu’on connaisse vraiment la légitimité de ces intermittents.
Mohamed Sifaoui, pour ne citer qu’un seul exemple : ancien pigiste d’une officine barbouze reconverti dans la chasse à l’islamiste avant de rejoindre le réseau pro-israélien de Bernard-Henri Lévy… Mais, la plupart du temps, les médias parisiens ont tendance à pointer leurs micros en direction de celles et ceux qui crient le plus fort, encore une fois, sans vraiment contrôler d’où viennent ces gens, ce qui est pourtant le B.A. BA du métier.
Et, ces derniers temps, avec le « Hirak »1, on est particulièrement servi ! Dans cette précipitation malsaine, on a même vu d’anciens égorgeurs des GIA (Groupes islamiques armés) s’exprimer au nom des droits de l’homme et de la liberté d’expression… un comble ! Ainsi, on a vu ressurgir Mourad Dhina – assassin patenté des GIA -, ressurgir de ses massacres d’outre-tombe afin d’asséner à ses compatriotes quelques leçons de savoir-vivre démocratique. On marche vraiment sur la tête !
Au début des années 1990, ce voyou était réfugié en « France voisine », puis à Genève comme « physicien-invité » rattaché au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire). Responsable d’un bulletin hebdomadaire islamiste – La Cause -, il était le porte-voix zélé d’Anouar Haddam, l’un des chefs militaires des GIA, réfugié aux Etats-Unis où il a beaucoup collaboré avec les services américains.
Bref, et sans jeter le bébé avec l’eau du bain, on voit aujourd’hui le Hirak – dans sa complexité spontanée – blanchir un certain nombre de ces salopards ! Mouvement social profond, le Hirak est porteur de revendications économiques, sociales et politiques fondées, comme d’autres manifestations de ce genre au Chili, à Hong Kong, au Liban ou en France avec les Gilets jaunes. Mais comme dans tous ces exemples cités, et sans vision complotiste aucune, on peut aussi identifier – dans le Hirak – des acteurs dont les objectifs et la feuille de route vont bien au-delà de revendications nationales à usage à interne. En pointe du mouvement, certaines ONGs cherchent, avant tout, à en finir avec les institutions algériennes, garantes de l’indépendance et de la souveraineté nationale du pays.
Heureusement, un autre physicien – beaucoup plus sérieux celui-là – a mené l’enquête. Ahmed Bensaada n’est pas un perdreau de l’année. On lui doit plusieurs libres importants dont Arabesque$ – Enquête sur le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes2, qui résonna comme un coup de tonnerre dans le ciel de l’idéologie dominante. Grand succès de librairie, ce livre a été traduit dans le monde entier. Aujourd’hui, Ahmed Bensaada nous livre une enquête serrée et sans concession sur le Hirak algérien3.
GEOPOLITIQUE DE CRISES
Dans sa préface, Majed Nehmé – le directeur du mensuel Afrique-Asie – nous avertit : « on ne peut soupçonner Ahmed Bensaada, l’auteur de ce livre-enquête, d’être hostile au Hirak, qu’il avait appelé de tous ses vœux. Il le dit sans ambages dès les premières lignes de son enquête : « Cet évènement majeur dans la vie politique de l’Algérie a bouleversé tous les codes du pays. Il a modifié la psychologie d’un peuple, a aiguisé son sens de la discipline, a soudé ses rangs dans un objectif commun contre le despotisme et la hogra et a réussi avec brio le déboulonnage d’un système prédateur et sa meute de serfs. Une vraie campagne de salubrité publique scandée de concert dans les rues de toutes les villes du pays avec la classe, la véhémence et le ton que requièrent ces moments historiques… »
L’enquête actuelle de Bensaada part d’une déclaration stupéfiante de Lahouari Addi, un activiste professionnel franco-algérien qui officie en France, professeur de sociologie à l’IEP de Lyon de son état, qui propose, sans autre forme de procès, ni consultation populaire démocratique quelconque, et sans même l’approbation des forces vives du Hirak, la prise du pouvoir par un triumvirat composé de Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou. Rien d’un moins ! « Pourquoi le sociologue a-t-il proposé ces personnes en particulier et ce, très peu de temps après le début des manifestations ? Les connaissait-il personnellement ? Avait-il discuté avec elles et pris connaissance de leurs programmes respectifs ? Y avait-il une coalition sous-jacente au Hirak pour proposer une liste en particulier ? Quel était le fil conducteur qui reliait ces personnes au professeur lyonnais ? », se demande l’auteur.
En suivant le docteur Bensaada dans ses investigations, le lecteur ne sera pas déçu. Ils ont tous été liés, d’une façon ou d’une autre, à des organismes américains d’exportation de la démocratie ! En plus de ces liaisons coupables avec des puissances étrangères, nos trois hirakistes, relève Bensaada, ont en commun leur accointance avec la nébuleuse islamiste, survivance du FIS interdit, qui a du sang algérien sur les mains, ou leurs soutiens basés à l’étranger qui jouissent de la protection des puissances dites démocratiques et anti-terroristes.
Actuellement, ce constat – qui vaut pour l’Algérie – connaît la confirmation de processus identiques particulièrement à l’œuvre dans d’autres pays des Proche et Moyen-Orient, mais aussi d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, générant et poussant aux extrêmes une « géopolitique de crises ». La coalition menée par les Etats-Unis – pays européens et du Golfe avec l’appui d’Israël – a clairement perdu en Syrie et au Yémen. Grâce à la Russie, à l’Iran, et dans une moindre mesure au Hezbollah libanais – la Syrie n’est pas devenue un nouvel Irak ou une nouvelle Libye.
Contrairement aux plans de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis (EAU), le Yémen non plus ne sera pas démantelé en autant de micro-Etats sous la tutelle des pays occidentaux.
Afin d’amoindrir, sinon d’endiguer les conséquences de ce revers historique, de cette défaite géopolitique inédite depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et qui marque le clair déclin de l’Occident avec un grand « O », Washington et ses alliés multiplient sanctions économiques, assassinats ciblés, opérations clandestines et autres coups tordus, dont différentes formes de « Hirak », en Syrie, au Liban, en Irak et… en Algérie ! Il s’agit d’affaiblir, de mettre au pas, sinon d’anéantir les Etats-nations qui refusent de jouer la musique, selon la partition américano-israélienne.
Cette relance des mal nommées « révolutions arabes » et autres « révolutions de couleurs », s’affirme alors que l’Etat raciste de Tel-Aviv annonce de nouvelles annexions unilatérales en Cisjordanie et dans la vallée du Jourdain. Ce triptyque – sanctions économiques, opérations spéciales et instrumentalisation pro-active des mouvements sociaux – est d’autant plus agressif que Donald Trump connaît, aujourd’hui, passablement de difficultés internes liées à la résurgence de crimes racistes ciblant les communautés afro-américaines et latinos.
Comme son petit toutou brésilien Bolsonaro, le locataire de la Maison Blanche pourrait aller jusqu’à déclencher une guerre civile intérieure afin de conserver le pouvoir…
UNE VERITABLE ENQUÊTE
Dans ce contexte, l’enquête scientifique menée par Ahmed Bensaada arrive à point nommé. Elle articule trois séquences organiquement conjointes et pro-actives : 1) sur la démocratisation ; 2) sur le droit-de-l’hommisme ; 3) sur la manipulation.
Féconde sera la démocratisation. Extraits : « Suivant le cheminement de sa réflexion hirakiste, Addi (Lahouari) mit de l’avant (lui aussi !) les noms de certaines « célébrités » du mouvement populaire, même si d’après lui, « Le Hirak n’a pas vocation à être structuré »7. Ainsi, le 14 mars 2019, soit moins d’un mois après le début du Hirak, il écrivit : « … les décideurs doivent accepter le caractère public de l’autorité de l’Etat. Ils doivent demander à celui qui fait fonction de président aujourd’hui de démissionner et de nommer une instance de transition qui exerce les fonctions de chef d’Etat. Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou devraient être sollicités pour exercer les prérogatives d’une présidence collégiale qui nommera un gouvernement provisoire qui gérera les affaires courantes et préparera les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. Les généraux doivent aider à la réalisation de ce scénario et se dire une fois pour toute que l’armée appartient au peuple et non l’inverse ».
[…] Tout le monde avait remarqué, bien entendu, que ces noms avaient émergé – comme par enchantement – très tôt de la houle du Hirak. Mais que ces personnes en particulier soient « désignées » par Lahouari Addi, cela est loin d’être anodin. En effet, la recherche de dénominateurs communs exige aussi bien un retour vers le passé qu’une observation de l’actualité récente.
[…] Ainsi, dans les années 1990 – 2000, et ce durant plusieurs années, Lahouari Addi a fait partie de l’« International Forum for Democratic Studies Research Council » de la NED (en français : Conseil de recherche du Forum international d’études démocratiques).
Outre Addi, la liste des membres de ce conseil de recherche cite les noms de célébrités de la « démocratisation » américaine. Par exemple, dans le rapport annuel 2005 de la NED on trouve, entre autres, d’influents politologues américains comme Francis Fukuyama, Samuel P. Huntington ou Donald L. Horowitz. Le premier, néo-conservateur de la première heure, a déclaré : « J’ai travaillé pour l’ancien vice-ministre de la Défense Paul Wolfowitz à deux reprises, d’abord à l’Agence de contrôle des armements, puis au State Department ; […] J’ai par ailleurs travaillé avec son mentor, Albert Wohlstetter, au sein de la firme de consultants Pan Heuristics, et comme lui j’ai été [salarié] plusieurs années par la RAND Corporation »14.
Robe noire et droit-de-l’hommisme. Etraits : « La seconde Assemblée mondiale du WMD s’est tenue à São Paulo (Brésil) du 12 au 15 novembre 2000. Comme on doit s’en douter, les vedettes de cet évènement étaient, sans conteste, les activistes d’Otpor. D’ailleurs, deux de ses plus éminents membres étaient présents : Slobodan Djinovic et Slobodan Homen36. Et leur contribution n’est pas passée inaperçue. Dans une session organisée et modérée par l’IRI, Slobodan Homen présenta une communication intitulée : « Des élections décisives comme opportunités de promotion de la démocratie : quelles sont les meilleures stratégies ? ». De son côté, Slobodan Djinovic anima un workshop modéré par le NDI, avec le titre évocateur suivant : « Comment les ONG peuvent-elles aider à surmonter les obstacles et à réduire les coûts humains dans les transitions difficiles ? ». Et le plus intéressant dans cette histoire, c’est la mention accompagnant l’évènement : « Ce workshop est focalisé sur l’étude de quatre cas : la Serbie, l’Algérie, la Palestine et la Roumanie ». Un workshop animé par un leader d’Otpor, dans un évènement organisé par la NED et focalisé sur l’Algérie ? Et quand cela ? En 2000 ! Une décennie avant le printemps arabe, presque deux décennies avant le Hirak ! Mais quelle est la relation entre tout cela et maître Bouchachi, me dira-t-on ? La réponse est dans la liste des participants de la seconde Assemblée mondiale du WMD : Mostefa Bouchachi était présent en qualité d’« Avocat à la Cour agréé auprès de la Cour Suprême » en compagnie de Hakim Addad, fondateur du RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse) en 1992.
Chronique d’une liaison annoncée. Extraits : « L’analyse présentée dans ce qui précède montre un premier dénominateur commun entre Lahouari Addi et deux (à défaut de trois) des personnes dont il a suggéré les noms : leurs relations avec les États-Unis et leurs organismes d’« exportation » de la démocratie. Il est évident que Lahouari Addi, Mostefa Bouchachi et Zoubida Assoul ont tous eu des accointances avec des intérêts étasuniens.
(Suite ...,)
Voilà des années que les médias parisiens ne couvrent plus sérieusement l’Algérie, sinon la sous-région du Maghreb. Désintérêt politique, abandon du savoir, coût prohibitif de correspondants permanents ? Allez savoir… Toujours est-il que lorsque l’actualité l’impose, journaux, radios et télévisions se raccrochent inopinément – panique de la page blanche – au premier « expert » venu, sans qu’on connaisse vraiment la légitimité de ces intermittents.
Mohamed Sifaoui, pour ne citer qu’un seul exemple : ancien pigiste d’une officine barbouze reconverti dans la chasse à l’islamiste avant de rejoindre le réseau pro-israélien de Bernard-Henri Lévy… Mais, la plupart du temps, les médias parisiens ont tendance à pointer leurs micros en direction de celles et ceux qui crient le plus fort, encore une fois, sans vraiment contrôler d’où viennent ces gens, ce qui est pourtant le B.A. BA du métier.
Et, ces derniers temps, avec le « Hirak »1, on est particulièrement servi ! Dans cette précipitation malsaine, on a même vu d’anciens égorgeurs des GIA (Groupes islamiques armés) s’exprimer au nom des droits de l’homme et de la liberté d’expression… un comble ! Ainsi, on a vu ressurgir Mourad Dhina – assassin patenté des GIA -, ressurgir de ses massacres d’outre-tombe afin d’asséner à ses compatriotes quelques leçons de savoir-vivre démocratique. On marche vraiment sur la tête !
Au début des années 1990, ce voyou était réfugié en « France voisine », puis à Genève comme « physicien-invité » rattaché au CERN (Centre européen pour la recherche nucléaire). Responsable d’un bulletin hebdomadaire islamiste – La Cause -, il était le porte-voix zélé d’Anouar Haddam, l’un des chefs militaires des GIA, réfugié aux Etats-Unis où il a beaucoup collaboré avec les services américains.
Bref, et sans jeter le bébé avec l’eau du bain, on voit aujourd’hui le Hirak – dans sa complexité spontanée – blanchir un certain nombre de ces salopards ! Mouvement social profond, le Hirak est porteur de revendications économiques, sociales et politiques fondées, comme d’autres manifestations de ce genre au Chili, à Hong Kong, au Liban ou en France avec les Gilets jaunes. Mais comme dans tous ces exemples cités, et sans vision complotiste aucune, on peut aussi identifier – dans le Hirak – des acteurs dont les objectifs et la feuille de route vont bien au-delà de revendications nationales à usage à interne. En pointe du mouvement, certaines ONGs cherchent, avant tout, à en finir avec les institutions algériennes, garantes de l’indépendance et de la souveraineté nationale du pays.
Heureusement, un autre physicien – beaucoup plus sérieux celui-là – a mené l’enquête. Ahmed Bensaada n’est pas un perdreau de l’année. On lui doit plusieurs libres importants dont Arabesque$ – Enquête sur le rôle des Etats-Unis dans les révoltes arabes2, qui résonna comme un coup de tonnerre dans le ciel de l’idéologie dominante. Grand succès de librairie, ce livre a été traduit dans le monde entier. Aujourd’hui, Ahmed Bensaada nous livre une enquête serrée et sans concession sur le Hirak algérien3.
GEOPOLITIQUE DE CRISES
Dans sa préface, Majed Nehmé – le directeur du mensuel Afrique-Asie – nous avertit : « on ne peut soupçonner Ahmed Bensaada, l’auteur de ce livre-enquête, d’être hostile au Hirak, qu’il avait appelé de tous ses vœux. Il le dit sans ambages dès les premières lignes de son enquête : « Cet évènement majeur dans la vie politique de l’Algérie a bouleversé tous les codes du pays. Il a modifié la psychologie d’un peuple, a aiguisé son sens de la discipline, a soudé ses rangs dans un objectif commun contre le despotisme et la hogra et a réussi avec brio le déboulonnage d’un système prédateur et sa meute de serfs. Une vraie campagne de salubrité publique scandée de concert dans les rues de toutes les villes du pays avec la classe, la véhémence et le ton que requièrent ces moments historiques… »
L’enquête actuelle de Bensaada part d’une déclaration stupéfiante de Lahouari Addi, un activiste professionnel franco-algérien qui officie en France, professeur de sociologie à l’IEP de Lyon de son état, qui propose, sans autre forme de procès, ni consultation populaire démocratique quelconque, et sans même l’approbation des forces vives du Hirak, la prise du pouvoir par un triumvirat composé de Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou. Rien d’un moins ! « Pourquoi le sociologue a-t-il proposé ces personnes en particulier et ce, très peu de temps après le début des manifestations ? Les connaissait-il personnellement ? Avait-il discuté avec elles et pris connaissance de leurs programmes respectifs ? Y avait-il une coalition sous-jacente au Hirak pour proposer une liste en particulier ? Quel était le fil conducteur qui reliait ces personnes au professeur lyonnais ? », se demande l’auteur.
En suivant le docteur Bensaada dans ses investigations, le lecteur ne sera pas déçu. Ils ont tous été liés, d’une façon ou d’une autre, à des organismes américains d’exportation de la démocratie ! En plus de ces liaisons coupables avec des puissances étrangères, nos trois hirakistes, relève Bensaada, ont en commun leur accointance avec la nébuleuse islamiste, survivance du FIS interdit, qui a du sang algérien sur les mains, ou leurs soutiens basés à l’étranger qui jouissent de la protection des puissances dites démocratiques et anti-terroristes.
Actuellement, ce constat – qui vaut pour l’Algérie – connaît la confirmation de processus identiques particulièrement à l’œuvre dans d’autres pays des Proche et Moyen-Orient, mais aussi d’Afrique, d’Asie et d’Amérique Latine, générant et poussant aux extrêmes une « géopolitique de crises ». La coalition menée par les Etats-Unis – pays européens et du Golfe avec l’appui d’Israël – a clairement perdu en Syrie et au Yémen. Grâce à la Russie, à l’Iran, et dans une moindre mesure au Hezbollah libanais – la Syrie n’est pas devenue un nouvel Irak ou une nouvelle Libye.
Contrairement aux plans de l’Arabie saoudite et des Emirats arabes unis (EAU), le Yémen non plus ne sera pas démantelé en autant de micro-Etats sous la tutelle des pays occidentaux.
Afin d’amoindrir, sinon d’endiguer les conséquences de ce revers historique, de cette défaite géopolitique inédite depuis la fin de la Seconde guerre mondiale et qui marque le clair déclin de l’Occident avec un grand « O », Washington et ses alliés multiplient sanctions économiques, assassinats ciblés, opérations clandestines et autres coups tordus, dont différentes formes de « Hirak », en Syrie, au Liban, en Irak et… en Algérie ! Il s’agit d’affaiblir, de mettre au pas, sinon d’anéantir les Etats-nations qui refusent de jouer la musique, selon la partition américano-israélienne.
Cette relance des mal nommées « révolutions arabes » et autres « révolutions de couleurs », s’affirme alors que l’Etat raciste de Tel-Aviv annonce de nouvelles annexions unilatérales en Cisjordanie et dans la vallée du Jourdain. Ce triptyque – sanctions économiques, opérations spéciales et instrumentalisation pro-active des mouvements sociaux – est d’autant plus agressif que Donald Trump connaît, aujourd’hui, passablement de difficultés internes liées à la résurgence de crimes racistes ciblant les communautés afro-américaines et latinos.
Comme son petit toutou brésilien Bolsonaro, le locataire de la Maison Blanche pourrait aller jusqu’à déclencher une guerre civile intérieure afin de conserver le pouvoir…
UNE VERITABLE ENQUÊTE
Dans ce contexte, l’enquête scientifique menée par Ahmed Bensaada arrive à point nommé. Elle articule trois séquences organiquement conjointes et pro-actives : 1) sur la démocratisation ; 2) sur le droit-de-l’hommisme ; 3) sur la manipulation.
Féconde sera la démocratisation. Extraits : « Suivant le cheminement de sa réflexion hirakiste, Addi (Lahouari) mit de l’avant (lui aussi !) les noms de certaines « célébrités » du mouvement populaire, même si d’après lui, « Le Hirak n’a pas vocation à être structuré »7. Ainsi, le 14 mars 2019, soit moins d’un mois après le début du Hirak, il écrivit : « … les décideurs doivent accepter le caractère public de l’autorité de l’Etat. Ils doivent demander à celui qui fait fonction de président aujourd’hui de démissionner et de nommer une instance de transition qui exerce les fonctions de chef d’Etat. Mustapha Bouchachi, Zoubida Assoul et Karim Tabbou devraient être sollicités pour exercer les prérogatives d’une présidence collégiale qui nommera un gouvernement provisoire qui gérera les affaires courantes et préparera les élections présidentielle et législative dans un délai de 6 à 12 mois. Les généraux doivent aider à la réalisation de ce scénario et se dire une fois pour toute que l’armée appartient au peuple et non l’inverse ».
[…] Tout le monde avait remarqué, bien entendu, que ces noms avaient émergé – comme par enchantement – très tôt de la houle du Hirak. Mais que ces personnes en particulier soient « désignées » par Lahouari Addi, cela est loin d’être anodin. En effet, la recherche de dénominateurs communs exige aussi bien un retour vers le passé qu’une observation de l’actualité récente.
[…] Ainsi, dans les années 1990 – 2000, et ce durant plusieurs années, Lahouari Addi a fait partie de l’« International Forum for Democratic Studies Research Council » de la NED (en français : Conseil de recherche du Forum international d’études démocratiques).
Outre Addi, la liste des membres de ce conseil de recherche cite les noms de célébrités de la « démocratisation » américaine. Par exemple, dans le rapport annuel 2005 de la NED on trouve, entre autres, d’influents politologues américains comme Francis Fukuyama, Samuel P. Huntington ou Donald L. Horowitz. Le premier, néo-conservateur de la première heure, a déclaré : « J’ai travaillé pour l’ancien vice-ministre de la Défense Paul Wolfowitz à deux reprises, d’abord à l’Agence de contrôle des armements, puis au State Department ; […] J’ai par ailleurs travaillé avec son mentor, Albert Wohlstetter, au sein de la firme de consultants Pan Heuristics, et comme lui j’ai été [salarié] plusieurs années par la RAND Corporation »14.
Robe noire et droit-de-l’hommisme. Etraits : « La seconde Assemblée mondiale du WMD s’est tenue à São Paulo (Brésil) du 12 au 15 novembre 2000. Comme on doit s’en douter, les vedettes de cet évènement étaient, sans conteste, les activistes d’Otpor. D’ailleurs, deux de ses plus éminents membres étaient présents : Slobodan Djinovic et Slobodan Homen36. Et leur contribution n’est pas passée inaperçue. Dans une session organisée et modérée par l’IRI, Slobodan Homen présenta une communication intitulée : « Des élections décisives comme opportunités de promotion de la démocratie : quelles sont les meilleures stratégies ? ». De son côté, Slobodan Djinovic anima un workshop modéré par le NDI, avec le titre évocateur suivant : « Comment les ONG peuvent-elles aider à surmonter les obstacles et à réduire les coûts humains dans les transitions difficiles ? ». Et le plus intéressant dans cette histoire, c’est la mention accompagnant l’évènement : « Ce workshop est focalisé sur l’étude de quatre cas : la Serbie, l’Algérie, la Palestine et la Roumanie ». Un workshop animé par un leader d’Otpor, dans un évènement organisé par la NED et focalisé sur l’Algérie ? Et quand cela ? En 2000 ! Une décennie avant le printemps arabe, presque deux décennies avant le Hirak ! Mais quelle est la relation entre tout cela et maître Bouchachi, me dira-t-on ? La réponse est dans la liste des participants de la seconde Assemblée mondiale du WMD : Mostefa Bouchachi était présent en qualité d’« Avocat à la Cour agréé auprès de la Cour Suprême » en compagnie de Hakim Addad, fondateur du RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse) en 1992.
Chronique d’une liaison annoncée. Extraits : « L’analyse présentée dans ce qui précède montre un premier dénominateur commun entre Lahouari Addi et deux (à défaut de trois) des personnes dont il a suggéré les noms : leurs relations avec les États-Unis et leurs organismes d’« exportation » de la démocratie. Il est évident que Lahouari Addi, Mostefa Bouchachi et Zoubida Assoul ont tous eu des accointances avec des intérêts étasuniens.
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