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La tradition gnostique - 3

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    La tradition gnostique - 3

    Sache que l'Homme universel comporte en lui-même des correspondances avec toutes les réalités de l'existence. Il correspond aux réalités supérieures par sa propre nature subtile, et il correspond aux réalités inférieures par sa nature grossière... Son cœur correspond au Trône divin ; et d'ail- leurs, le Prophète dit que le cœur du croyant est le Trône de Dieu; son Moi (aniyah) correspond au Piédestal divin, son état spirituel à l'arbre Lotus de l'extrême Limite, son intel- lect au Calame suprême, son âme à la Table Cardée, son physique aux éléments, sa réceptivité à la Hylé...1
    Considérée du point de vue métaphysique, la première chahädah anéantit toute possibilité de réalité séparée de l'Unité divine; la seconde relie la multiplicité à l'Unité, à travers l'Homme universel, archétype de toutes choses existantes. Pour le soufi, le monde n’est pas Dieu, mais il nest pas non plus autre chose que Dieu il n'est pas le Dieu qui est dans le monde, mais le monde « mystérieusement plongé en Dieu », comme le dit un soufi contemporain.





    L'Homme universel, « Lumière de Mohammed », qui est essentiellement Logos, Esprit Suprême, est le lieu de toutes les théophanies des Noms et des Attributs divins, et des archétypes du cosmos. La création tire de lui sa subsistance. Il est l'archétype des fils d'Adam; tous sont en puissance l'Homme universel, mais le passage à l'acte ne se réalise que chez les prophètes et les plus grands saints. En eux la réalité profonde du microcosme se trouve illuminée et reflète les réalités divines. Comme l'Homme universel, archétype du cosmos, contient en lui les « idées » de Platon, le gnostique qui a réalisé en lui l'union avec son archétype, devient le miroir ou Dieu contemple Ses Noms et ses Qualités. El-Jilf écrit :

    Sache qu'à l'Homme universel appartiennent principale- ment les Noms de l'Essence et les Qualités divines, de même que le royaume (universel), qu'il détient en vertu de son essence... Il est donc à Dieu, ce qu'est le miroir à la personne qui s’y mire. Car Dieu s'imposa à lui-même de ne contem- pler Ses propres Noms et Qualités que dans l'Homme uni- versel. C'est là aussi le sens de la parole :
    Oui, nous avions proposé le dépôt de la foi aux cieux, à la terre et aux montagnes. Ceux-ci ont refusé de s’en charger,
    ils en ont été effrayés.
    Seul, l’homme s’en est chargé,
    mais il est injuste et ignorant#.
    8. Coran, XXXIII-12.

    Il fit tort à sa propre âme en l’abaissant d’un si haut rang ; et il est ignorant de sa propre capacité, puisqu'il est le lieu du pacte (ou garant) divin, et qu’il ne le sait pas...”
    Dans un autre passage, El-Jili décrit la création de l'univers à partir de l'idée des Idées (que l'on peut identifier du point de vue cosmique avec l'Homme universel) en ces termes symboliques.

    Avant la création, Dieu était en Lui-même, et toute exis- tence était absorbée en lui de sorte qu'il n’était aucunement manifesté. C'était l'état de & trésor caché », ou comme l'exprime le Prophète : « Cette brume obseure au-dessus de laquelle est le vide, et au-dessous de laquelle est le vide », car l'Idée des Idées est au-delà de toutes les relations. Dans une autre tradition elle est appelée : « La blanche chryso- lithe où Dieu était, avant qu’il ne créât les créatures ». Quand Dieu voulut donner au monde l'existence, il considéra L'Idée des Idées (ou la blanche chrysolithe) avec un regard de Perfection sous l’action de quoi elle fondit en eau ; car rien de ce qui existe, pas même l’'Idée des Idées, source de toute existence, ne peut supporter la manifestation parfaite de Dieu. Dieu la considéra alors avec un regard de Grandeur, et elle jaillit en vagues, comme une mer agitée par les vents, ses éléments s’éparpillèrent en couches d’écume, et de cette masse Dieu créa les sept terres avec leurs hôtes. Les éléments subtils de la mer s'élevèrent comme une vapeur, et Dieu en tira les sept cieux avec leurs anges. Puis de l'eau Dieu créa les mers qui entourent le monde. Telle fut l'origine de ce qui existe".
    La théorie de l'Homme universel est l'alpha et l’oméga de toutes les sciences ésotériques de l'univers, car l'Homme universel contient les archétypes de la création, terme de
    10. "Abd el-Kerim El-Ji

    la recherche du gnostique. Mais, l'Homme universel est aussi l'archétype du gnostique lui-même; pour autant que
    celui-ci progresse dans sa quête, il réalise un aspect de son être particulier. Alors sa connaissance et son être s’iden- tifient. Sa « sympathie » avec le cosmos augmente au fur et à mesure qu'il approche de sa réalité profonde. L’uni- vers même est en fait manifesté par Compassion divine, laquelle a instauré la « sympathie » entre toutes choses. La sympathie entre le gnostique et Dieu inclut toutes les autres sympathies cosmiques. C’est la même comparaison qui entraîne la manifestation de l'univers, et qui fait revenir le gnostique, et à travers lui toutes les autres créatures, vers leur source divine.
    Au 7e /13e siècle Nasafi écrivait :

    L'accomplissement du voyage n’est pas seulement l'af- faire de l'homme. Toutes les espèces qui vivent dans ce monde sont en route vers leur fin propre. Car le but de toute chose est la perfection, car la fin de toutes choses est l'espèce humaine, qui est la perfection du tout. Vers leur but elles progressent avec soumission et d’un mouvement naturel... ‘Mais elles peuvent être contraintes d'aller vers leur fin, avec la violence de la volonté contrariée. Toute chose de ce monde de l'existence est donc en voyage, et l’homme, lui aussi, est en voyage. Mais le but de l'homme est la maturité, et sa Jin est la liberté. La raison qui pousse tout ce monde à partir est l'amour. Mon ami, la semence des plantes et des animaux est gorgée d'amour, et chaque parcelle de ce monde de l'exis- tence est ivre de cet amour; car sans l'amour, la sphère resterait immobile, les plantes ne pousseraient pas, et les animaux ne naîtraient plus. Ils sont amoureux d'eux-mêmes, at s'efforcent de se voir tels qu'ils sont réellement; ils veulent dévoiler l'aimé aux yeux de l'ami.
    11. Nasafi : Tansil elarwdh (La R: Manheim et F. Meier, books, New-York, 1954.
    seente des esprits), traduction partielle par and Nature”, Papers from Eranos Year-

    Nous avons entrepris une brève présentation de la doctrine de l'unité de l'Etre et de l'Homme universel, dont la connaissance est indispensable à la compréhension de l'univers gnostique. Mais il faut se garder de confondre une formulation théorique avee la gnose elle-même, car les soufis ont toujours souligné que c’est l'âme plus que l'es- prit du postulant qui devait être transformée. Il doit rompre avec ce qu'il était, et devenir un être neuf. Livres et théories ne sauraient donc être qu'un appoint, rien de plus. Nasafi écrit de l’inadéquation des livres :

    … dans ce livre, je n'ai pas donné mon opinion, ni mon point de vue personnel. La raison en est qu'un seul homme ne connaît pas toute chose, qu'il ne convient pas qu'il dise tout ce qu'il sait, ni qu'il écrive tout ce qu'il dit. Îl se peut que parmi des centaines de milliers d'hommes, un seul sache; et que sur la centaine de milliers de choses qu'il sait, il n’en ait qu'une seule à dire, et que de la centaine de mil- liers de choses qu'il pourrait dire, une seulement puisse être écrite... Ainsi, depuis Mohammed, et même depuis Adam, chaque homme qui a eu connaissance de l'essence des choses, y est parvenu grâce à une association personnelle avec quel- qu'un qui savait.
    La Nature elle-même n’est qu’un secours sur la route du gnostique vers un objectif final. Nasafi dit encore :
    Chaque jour la destinée et le temps qui passe font défiler ce livre devant vous, sourate après sourate, versel après verset, lettre après lettre, et vous le lit. C'est ce que suggèrent les mots :
    Nous leur montrerons bientôt nos signes, dans l'univers et en eux-mêmes,
    12, Nasafi: Kachf el-hagé'ig (Le dévoilement des vérités) in «Spirit and Nature »: Se

    jusqu’à ce qu’ils voient clairement que ceci est la Véritét®.
    Mais à quoi cela peut-il servir, si vos yeux ne voient pas et si vos oreilles n'entendent pas? C'est-à-dire s'ils ne voient ni nentendent les choses comme elles sont vraiment?
    Voilà ceux qui sont semblables à des bestiaux, ou plus égarés encore. Voilà ceux qui sont insouciants.
    Mais si vous ne pouvez pas lire tout seul, il vous faut au moins écouter quelqu’un qui lise pour vous, et vous fier à ce qu'il dit. Mais même cela vous n’en voulez pas, car vous n'avez pas d'oreille pour l'écouter.
    I1 écoute la lecture des Versets de Dieu, puis il s’obstine dans son orgueil comme s’il ne les avait pas entendus...5
    Comme si ses oreilles étaient frappées de surdité. Annonce-lui la nouvelle d’un châtiment douloureux#5.

    Mais celui qui retrouve l'œil de l'œil, et l'oreille de l'oreille, qui transcende le monde des créatures pour atteindre au monde du commandement (spirituel), parvient en un ins- tant à la connaissance du Livre tout entier; cette connais- sance libère son cœur de ce livre, qu'il peut désormais laisser de côté. Il ressemble à quelqu'un qui ayant lu un livre sans répis, est arrivé à en connaître le contenu, il ferme alors le livre, et l'abandonne.
    13. Coran, XLII. 53. 14. Coran, VIT, 179. 15. Coran, XLV. 8,
    16. Coran, XXXI. 7.


    Le voyage spirituel en quête de la science ultime des choses, et de la connaissance certaine, suppose une véritable « phénoménologie ». C’est encore Nasafi qui écrit :
    L'esprit et le corps sont au début comme la erème dans le lait, et à la fin comme un cavalier et sa monture. D'abord ils sont l'un dans l'autre, puis ils sont passés du mélange à la coniguités.
    Lorsque le beurre et le lait sont séparés, c’est-à-dire quand le chaos de l’âme de l’homme ordinaire a cédé la place à l’ordre cosmique illuminé par l’Intellect, l’homme est devenu gnostique, il est maintenant le miroir du monde, pour être devenu lui-même, ce qu’il avait toujours été sans en avoir conscience. Écoutons encore Nasafi
    Chaque être individuel de ce monde de l'existence est comme une coupe; l'homme parvenu à la connaissance révèle l'ensemble du cosmos. Cet homme a réalisé l’ensemble des degrés de l'être, il est le « grand électuaire », la coupe où se reflète le monde...

    Pour la coupe de Djâm
    J'ai parcouru le monde
    Sans dételer un jour
    Sans dormir une nuit,
    Et quand du Maître j’entendis Ce qu'est la coupe de Djâm Qui révèle le monde,
    Je sus que c'était moi.


    17. Nasa : Kachf el-hagd'ig, op. cit.
    18. Nasafi : Tanzil el-aruâh, op. cit.
    19. La coupe du Roi Salomon, qui contient le monde entier.
    20. Nasafi + op. eit.
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