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Risque accru de pandémies lié au changement climatique?

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  • Risque accru de pandémies lié au changement climatique?

    Le réchauffement climatique va-t-il, entre autres conséquences, modifier la répartition géographique des insectes servant de vecteurs à des maladies infectieuses ? Le paludisme pourrait-il réapparaître en Europe occidentale, d'où il a disparu au XXe siècle ? Dans les pays en développement, des régions jusque-là indemnes seront-elles touchées par ces maladies ?

    Selon le récent rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC), "les projections des changements climatiques affecteront probablement l'état de santé de millions de personnes, particulièrement celles à faible capacité d'adaptation". Parmi les mécanismes en cause, les experts pointent "la modification de la répartition spatiale de certains vecteurs de maladies infectieuses".

    Jusqu'à l'épidémie de chikungunya qui a frappé en 2006 l'océan Indien, et notamment l'île de La Réunion, la renommée du moustique Aedes albopictus ne dépassait pas le cercle des entomologistes. Ceux-ci considéraient d'ailleurs qu'il n'était pas le meilleur vecteur des arbovirus - ensemble de virus transmis par des moustiques ou des tiques, comme le chikungunya. Avant 1980, A. albopictus était présent en Asie du Sud et du Sud-Est, au Japon et dans l'océan Indien. Depuis 1980, il s'est étendu à la Chine, à l'Océanie, au bassin méditerranéen - sud de la France compris -, en Afrique (Nigeria et Cameroun) et à une partie du continent américain, dont les Etats-Unis.

    L'équipe de Didier Raoult (CHU La Timone, Marseille) indiquait, dans le New England Journal of Medicine du 22 février, qu'à l'image de l'émergence en 1999 du virus West Nile aux Etats-Unis, "le virus chikungunya pourrait s'établir dans n'importe laquelle des zones tropicales ou tempérées où A. albopictus est présent aujourd'hui, ou dans celle où il migre".

    Simon Hales et ses collègues de la faculté de médecine de Wellington (Nouvelle-Zélande) ont réalisé une modélisation de la dengue, maladie virale transmise par un vecteur la plus répandue au monde, pour laquelle il n'existe ni traitement efficace, ni vaccin. En 1990, près de 30 % de la population mondiale vivaient dans une région où le risque de transmission de la dengue était de 50 %. En 2085, avec les modifications prévisibles touchant les populations et le climat, plus de la moitié des habitants de la planète, soit 5 à 6 milliards d'individus, seraient exposés au risque de dengue, contre 35 % si le climat ne se modifiait pas.

    Depuis les années 1970, le paludisme s'est largement développé dans une grande ville comme Nairobi (Kenya), pourtant située à plus de 1 600 m d'altitude. A quoi faut-il attribuer cette extension vers des zones habituellement exemptes et dont les habitants ne sont que faiblement immunisés contre elle ? Est-elle imputable au réchauffement climatique ou à d'autres facteurs - insuffisance des campagnes de démoustication, apparition de moustiques résistant aux insecticides ou mouvements de population ? Toute la difficulté réside dans l'incapacité à différencier ces différents paramètres qui, de plus, ne s'excluent pas.

    Jean-Pierre Besancenot, du Centre de recherches de climatologie à l'université de Bourgogne, écrivait en 2000 : "Si en 1990, 45 % de l'humanité vivaient dans des régions où sévit le paludisme, le taux pourrait atteindre 60 % dans un demi-siècle, du double fait de l'élargissement de la zone impaludée et de sa forte croissance démographique." En 2001, dans le Bulletin de l'Organisation mondiale de la santé (OMS), quatre experts passaient en revue l'impact du changement climatique sur les maladies à transmission vectorielle. Soulignant la différence entre les variations du climat au fil des saisons et l'évolution des tendances de fond, ils se gardaient de conclure hâtivement : "Alors que l'impact de la variabilité climatique sur les maladies à transmission vectorielle est relativement facile à déceler, il n'en est pas de même des modifications à long terme du climat, beaucoup plus lentes. Il est possible que les populations humaines s'adaptent à ces modifications pour en réduire l'impact. Par exemple, sur les hauts plateaux africains, le paludisme pourrait progressivement se stabiliser, ce qui conduirait à une diminution des épidémies."

    Entomologiste médical et spécialiste de la dengue, Paul Reiter (Institut Pasteur, Paris) est plus sceptique que d'autres experts sur l'impact du changement climatique. Il ne le conteste pas, mais il regrette des "positions militantes". Il met en avant le fait que le virus ou le parasite, le vecteur et l'homme, sans oublier un éventuel réservoir animal, forment un système complexe où les interactions sont nombreuses et les équilibres instables. L'augmentation de la température peut avoir localement des effets paradoxaux : augmenter le taux de transmission de l'agent infectieux par son vecteur ou diminuer le taux de survie de ce vecteur.

    Les divergences des experts n'empêchent pas qu'ils s'accordent sur le fait que l'ensemble des activités humaines a des répercussions sur les maladies infectieuses transmises par des vecteurs. Certaines par le biais du climat, ce dernier n'étant pas l'unique paramètre.

    Par Le Monde
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