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Quand la France dresse « le catalogue des turpitudes de la Turquie »

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  • Quand la France dresse « le catalogue des turpitudes de la Turquie »

    Jean-Dominique Merchet 21 juin 2020

    La tension entre les deux pays, déjà élevée depuis des mois, est montée d’un cran au large de la Libye. Les sujets de querelles sont nombreux et profondément enracinés en France.

    L’Otan va ouvrir une enquête sur les accusations de la France relatives à un incident présumé impliquant la marine turque en mer Méditerranée, a annoncé jeudi 18 juin le secrétaire général de l’Alliance, Jens Stoltenberg, à l’issue d’une réunion des ministres alliés de la Défense. Florence Parly a affirmé que la marine turque avait eu, le 10 juin, des comportements « hostiles et inacceptables visant à entraver les efforts de mise en oeuvre de l’embargo sur les armes des Nations unies ».

    Haro sur la Turquie ! Depuis plusieurs mois, la diplomatie française est particulièrement remontée contre la Turquie et l’incident naval du 10 juin entre les deux marines au large de la Libye a brutalement fait monter la tension. Le contentieux entre Paris et Ankara se nourrit de nombreux dossiers d’actualité, mais il s’inscrit dans un contexte géopolitique et historique plus profond. La tension a atteint un tel niveau qu’il faut espérer que le président Macron prendra l’initiative d’une désescalade, comme il a su le faire l’été dernier avec la Russie de Vladimir Poutine - et malgré de nombreuses critiques de l’«Etat profond ».

    La Libye est actuellement le sujet le plus sensible. La France y soutient le maréchal Haftar, qui tentait de conquérir par les armes la capitale Tripoli, où siège le gouvernement (GNA) reconnu par les Nations Unies. L’intervention militaire turque a changé la donne, un peu comme celle de la Russie volant au secours du pouvoir syrien. Haftar est aujourd’hui en déroute et la France très mauvaise perdante. D’où la colère de Paris où l’on dénonce « la politique clairement agressive d’Erdogan ». S’il est évident que la Turquie ne respecte pas l’embargo sur les armes et pratique « l’ingérence » en Libye, avec l’accord du gouvernement légal, tout aussi évident est l’assourdissant silence de la diplomatie française sur le rôle comparable des Emirats arabes unis (EAU), principaux soutiens du camp Haftar. Comme le dit le chercheur Jalel Harchaoui, « la France est alignée sur les EAU ». Même silence sur la découverte de charniers à Tarhuna (sud-est de Tripoli), des crimes de guerre attribués aux forces d’Haftar.

    Le raidissement antiturc de la France ne fait pas l’unanimité chez ses alliés, quoiqu’en disent publiquement les diplomates. Ni les Etats-Unis, ni l’Otan, ni le Royaume-Uni ou l’Allemagne ne veulent rompre avec la Turquie, membre de l’Alliance atlantique, pour sauver un soldat Haftar démonétisé. Ils s’inquiètent bien plus de l’installation des Russes en Libye et voient dans la Turquie un contrepoids. « Arguments de complaisance ! » réagit-on à Paris où l’on pointe plutôt « la pression sécuritaire, politique et stratégique que la Turquie fait peser sur l’Europe ».

    Au-delà de la Libye, « le catalogue des turpitudes de la Turquie » que dressent les diplomates français - l’expression est de l’un d’entre eux - comporte de nombreux sujets : la Syrie, la pression migratoire, l’Otan ou le partage des eaux en Méditerranée.

    Chantage. En octobre dernier, l’offensive turque contre les Kurdes du PYD dans le nord de la Syrie avait déjà vivement mécontenté la France. Pour combattre Daech, Paris s’est en effet appuyé sur les milices kurdes, le « Front démocrate syrien » (FDS), que la Turquie considère comme une menace pour sa sécurité nationale. Contraints de s’aligner sur les Etats-Unis, les Français n’ont pu que ronger leur frein et constater que le dossier syrien leur échappait au profit des Russes et des Turcs. Comme en Libye.

    La question migratoire est un autre sujet de querelles. En 2016, la Turquie avait accepté de garder chez elle plusieurs millions de réfugiés, en échange d’une aide humanitaire de l’UE - dont la moitié à ce jour a été délivrée. Comme on l’a vu cet hiver, Erdogan n’hésite pas à utiliser les migrants pour se livrer à un chantage sur l’Europe. Celui-ci s’exerce sur les frontières maritimes (Lesbos) et terrestre avec la Grèce, mais la France redoute que l’ouverture d’un autre front migratoire, avec la présence turque en Libye.

    Sur l’Otan, deux pierres d’achoppement : les missiles russes S-400 et les GRP (Graduated Response Plans). La décision de la Turquie d’acheter à Moscou un système de défense aérienne très performant a provoqué beaucoup d’émoi dans l’Otan et à Washington. Sur ce dossier, la France n’est pas en première ligne, même si elle avait, un temps, tenté de vendre à la Turquie son propre système sol-air SAMP-T. Les « Gratuated Response Plans » sont des planifications militaires alliées pour venir à l’aide des pays voisins de la Russie. Au sein de l’Otan, la Turquie bloque l’adoption des GRP, en demandant que l’Alliance reconnaisse le PYD kurde de Syrie comme une organisation terroriste, à l’instar du PKK.

    Enjeu gazier. En Méditerranée, la France, comme l’UE, a rejeté l’accord de novembre 2019 entre la Turquie et la Libye sur le partage des eaux. La position turque est juridiquement contestable, estime la plupart des experts en droit maritime. L’enjeu est principalement gazier, avec l’exploitation des ressources sous-marines. Pauvre en énergie, la Turquie veut s’assurer de pouvoir profiter de la manne, autour de Chypre notamment. Ce que lui contestent les autres Etats riverains (Grèce, Chypre, Israël, Egypte). Plutôt que de tenter de trouver un accord négocié, la France soutient les positions très dures de la Grèce, comme on l’a encore vu avec la visite à Paris le 15 juin du ministre grec des affaires étrangères.

    Toutes ces querelles récentes se nourrissent d’un contentieux plus ancien. La Turquie a mauvaise presse en France. Dès le XIXe siècle, le soutien des Romantiques à la cause grecque s’est dressé contre les Turcs. Puis l’importance de la communauté arménienne - toujours choquée par la non-reconnaissance du génocide par Ankara - s’y est est ajoutée, avant que les militants pro-Kurdes ne prennent le relais.

    La dérive autoritaire du président Erdogan n’a pas amélioré les choses, avec de sérieux problèmes pour les journalistes turcs. La Turquie peut-elle être mise dans le même sac des « démocratures » que la Russie ou à la Chine? Ce n’est pas sérieux. Les deux plus grandes villes du pays, Istanbul et Ankara, sont dirigées par des maires (élus) de l’opposition. Ce n’est pas le cas à Moscou ou à Saint-Pétersbourg, sans parler de Pékin ou Shanghai...

    Le président Erdogan a très mal vécu la faiblesse des réactions occidentales - dont celle de la France - après la tentative de coup d’Etat militaire contre lui, le 15 juillet 2016. La Turquie a été ensuite accusée de laisser prospérer le terrorisme islamique, malgré les accords (protocole Cazeneuve) passés avec la France.

    La Turquie est suspectée de favoriser l’islamisme, et notamment le mouvement des Frères musulmans - dont le parti d’Erdogan est proche. C’est sans doute le point de crispation le plus fondamental pour la France. En partie pour des raisons de politique intérieure, Paris s’est en effet aligné sur les « éradicateurs » comme les Emirats arabes unis ou l’Egypte, qui considèrent les « Frères » comme l’ennemi principal, plus encore que les salafistes.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Le chameau français qui se rit de la bosse du dromadaire turc.
    ثروة الشعب في سكانه ’المحبين للعمل’المتقنين له و المبدعين فيه. ابن خلدون

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    • #3
      A votre avis dans une éventuelle guerre qui aura le dessus, la France ou la Turkie
      Un combat entre les anciens colonisateurs de l'Algérie, ils s'auto détruiront mutuellement

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