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Le charme oublié de l’Algérie française

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  • Le charme oublié de l’Algérie française

    Francis Dupuis-Déri Montréal, le 19 juin 2020

    Le chroniqueur Christian Rioux exigeait encore (« Les dieux ont soif », 19 juin 2020) que les antiracistes reconnaissent les bienfaits des « grands hommes » du passé, alors que lui-même ne reconnaît jamais aucun bienfait de l’antiracisme, qu’il confond toujours avec une nouvelle forme de censure, d’inquisition, de totalitarisme. Il rappelait aussi que le républicain Jules Ferry avait ouvert « des écoles partout en Algérie ». Au Canada, on devrait pourtant se méfier des bienfaiteurs qui insistent pour éduquer les « sauvages ». Mohamed Saïl, un anarchiste kabyle né en Algérie avec le XXe siècle, écrivait à ce sujet dans La Voix libertaire (21 septembre 1929) : « Le gouvernement français a anéanti toutes les écoles indigènes du pays, les remplaçant par des écoles françaises en nombre ridiculement insuffisant […] de nombreux villages, comptant des milliers et des milliers d’individus, sont entièrement privés d’enseignement. La généralité des femmes vivent dans l’ignorance absolue. Le résultat de cette politique ignoble est, dans les masses algériennes, une ignorance de bêtes de somme, ignorance voulue et entretenue par l’administration française. Civilisation n’est-ce pas ! » Sans oublier les massacres et la destruction de villages entiers. Puisque Christian Rioux aime comparer les progressistes au totalitarisme, il appréciera cette évocation du fascisme, encore de Mohamed Saïl (Terre libre, décembre 1935) : « Les lois sociales n’existent pas pour l’indigène [en Algérie] ; le droit syndical et la liberté de penser lui sont refusés rigoureusement. Il n’est pas citoyen : […] le suffrage universel n’existe pas pour lui ; mais […] le service militaire est obligatoire. Le
    régime d’exception et les lois scélérates qui le soutiennent font de l’Algérie une terre où l’auto
    rité pèse plus lourdement que dans les pays à régime dictatorial, comme l’Italie ou l’Allema-
    gne. » Une dictature évidemment bien plus douce, agréable et généreuse que celle des horribles antiracistes, à en croire l’œuvre du chroniqueur.

    Réponse du chroniqueur

    Que le colonialiste Jules Ferry, père de l’école gratuite, obligatoire et laïque, puisse être une personnalité complexe, cela, M. Dupuis-Déri ne parvient pas à l’imaginer. Si le militant anarchiste avait eu l’honnêteté de citer ma phrase au complet, on comprendrait que ce n’est pas moi, mais « l’historienne Mona Ozouf [qui] nous apprend qu’il créa des écoles partout en Algérie malgré l’opposition irréductible des colons ». Ferry ira même jusqu’à traiter la France colonisatrice de « marâtre ». Un qualificatif que n’aurait pas récusé Mohamed Saïl, dont les descriptions poignantes s’appliquent toujours, un siècle plus tard, à l’Algérie d’aujourd’hui.

    Christian Rioux

    LE DEVOIR
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