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On sait désormais pourquoi le coronavirus fait parfois perdre l’odorat

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  • On sait désormais pourquoi le coronavirus fait parfois perdre l’odorat

    Par Simon GANE, consultant en rhinologie et chirurgien ORL, Université de Londres, et Jane PARKER, professeur associée, chimie des arômes, Université de Reading
    De nombreux patients touchés par le Covid-19 ont décrit avoir subi une perte soudaine d’odorat. La bonne nouvelle, c’est qu’il revient, plus ou moins vite, une fois l’infection terminée. La science peut désormais expliquer ce phénomène.
    Dès les premiers rapports en provenance de Wuhan, d’Iran et plus tard d’Italie, nous savions que la perte de l’odorat (anosmie) était un symptôme significatif de l’infection par le coronavirus Sars-CoV-2 responsable de l’épidémie de Covid-19. Aujourd’hui, après des mois de résultats cliniques rigoureux ou parfois plus anecdotiques, une explication sur les raisons pour lesquelles ce virus provoque parfois une perte de l’odorat chez les personnes qu’il infecte.

    Le plus souvent, la perte d’odorat résulte d’une infection par un virus, qui s’attaque aux voies respiratoires supérieures ou aux sinus, comme les virus à l’origine de rhumes. Certains d’entre eux peuvent appartenir à la famille des coronavirus qui ne sont pas mortels.

    S’ils sont connus pour entraîner des pertes d’odorats, ces virus ne sont pas mortels, contrairement aux virus du Sars, du Mers ou du Covid-19. Dans la plupart de ces cas, l’odorat revient lorsque les symptômes disparaissent. En effet, sa perte est simplement le résultat du nez bouché : les molécules d’arôme ne peuvent alors plus atteindre les récepteurs olfactifs, et les odeurs ne sont donc plus perçues. Il arrive cependant parfois que cette perte d’odorat persiste pendant des mois, voire des années.

    Une situation différente du simple « nez bouché »

    Dans le cas du nouveau coronavirus Sars-CoV-2, toutefois, le schéma de la perte d’odorat diffère sensiblement. De nombreux patients touchés par le Covid-19 ont décrit avoir subi une perte soudaine d’odorat, suivi une semaine ou deux plus tard par un retour tout aussi soudain de ce sens.

    Il est intéressant de souligner que plusieurs de ces personnes ont indiqué que leur nez n’était pas bouché lorsqu’elles ont perdu l’odorat. Chez certaines, cette perte s’est prolongée au-delà de leur rétablissement, et plusieurs semaines après elles n’avaient toujours pas retrouvé leur odorat.

    Toute théorie ambitionnant d’expliquer les raisons de cette anosmie doit donc prendre en compte ces deux situations.

    Le soudain retour de l’odorat décrit par les patients indique que l’incapacité à percevoir les odeurs pourrait avoir été d’origine obstructive : après l’infection, les molécules aromatiques n’auraient plus été capables d’atteindre les récepteurs olfactifs. Il s’agit du même type de perte d’odorat que celle que l’on subit lorsqu’on utilise un pince-nez.

    Des scanners du nez et des sinus effectués sur des patients Covid-19 atteints de perte d’odorat ont révélé que la partie de leur nez responsable de la perception des odeurs, la fente olfactive, se retrouve bloquée par un gonflement des tissus mous ainsi que par du mucus. Cette situation est connue sous le nom de « syndrome de la fente olfactive ». Le reste de l’organe ainsi que leurs sinus ont une apparence normale, et les personnes concernées n’ont aucun problème pour respirer par le nez.

    Représentation du bulbe olfactif et des nerfs olfactifs humains (en jaune). (Illustration : Patrick J. Lynch / Wikimédia / CC BY 2.5)
    On sait aujourd’hui que le Sars-CoV-2 infecte notre corps en se liant au récepteur ACE2 qui se trouve à la surface des cellules de nos voies aériennes supérieures. Une protéine appelée TMPRSS2 aide ensuite le virus à envahir lesdites cellules. Une fois à l’intérieur, il se réplique, déclenchant en retour une réaction inflammatoire du système immunitaire. C’est à ce moment que débutent les ravages qui vont dévaster l’organisme de certains patients.

    On pensait initialement que le virus était capable d’infecter et de détruire également les neurones olfactifs, les cellules qui transmettent les signaux générés par la fixation des molécules aromatiques sur les récepteurs situés dans le nez et la région du cerveau où lesdits signaux sont interprétés comme des « odeurs ».

    Cependant, des travaux menés par une équipe internationale ont récemment démontré que les récepteurs ACE2 nécessaires au virus pour entrer dans les cellules n’étaient pas présents à la surface des neurones olfactifs.

    Ils ont en revanche été détectés à la surface des cellules « sustentaculaires », qui assurent un support structurel à ces neurones.

    Ces cellules support sont vraisemblablement celles qui sont endommagées par le virus durant l’infection. La réponse immunitaire provoquerait alors un œdème de cette zone, tout en laissant intacts les neurones impliqués dans l’olfaction. Une fois le virus éliminé, le gonflement régresserait. Les molécules aromatiques pourraient alors à nouveau atteindre leurs récepteurs, et l’odorat se trouverait donc ainsi rétabli.

    Mais alors, comment expliquer que dans certains cas, le sens de l’odorat ne revienne pas ? L’explication demeure pour l’instant théorique, mais découle de ce que nous savons de l’inflammation dans d’autres systèmes. L’inflammation constitue la réponse de l’organisme aux dommages, et résulte dans la production et la diffusion de substances chimiques qui détruisent les tissus concernés par ces dommages.

    Lorsque l’inflammation est sévère, les cellules à proximité sont elles aussi endommagées, voire détruites, victimes de dommages collatéraux. Nous pensons que c’est la raison pour laquelle certaines personnes ne retrouvent pas le sens de l’odorat avant longtemps : leurs neurones olfactifs auraient été victimes de ce type de dommages.

    Le retour de l’odorat est alors bien plus lent, car il faut alors que les neurones olfactifs se régénèrent à partir du stock de cellules souches présentes dans le nez. La récupération initiale est souvent associée à une distorsion de la perception des odeurs appelée « parosmie » : les personnes qui en sont atteintes ont l’impression que les choses ne sentent pas comme elles sentaient avant l’infection. L’arôme du café peut par exemple évoquer le brûlé, ou une odeur chimique, voire une odeur de saleté ou d’eaux usées.

    Physiothérapie nasale

    L’olfaction est parfois qualifiée de « Cendrillon des cinq sens », car elle est bien souvent négligée par les travaux scientifiques. Elle s’est cependant retrouvée sur le devant de la scène au cours de la pandémie de Covid-19. Le point positif est que cela va nous permettre d’en apprendre beaucoup sur la manière dont les virus sont impliqués dans la perte d’odorat. Mais que peuvent espérer de ces connaissances les personnes qui ont actuellement perdu l’odorat ?

    La bonne nouvelle est bien entendu que les neurones olfactifs peuvent se régénérer. Ils repoussent chez quasiment tout le monde, tout le temps. Cette régénération peut être exploitée à notre profit, et guidée en mettant en place une « physiothérapie nasale » : il s’agit de s’entraîner à percevoir les odeurs.

    Il a été prouvé que le fait de s’exposer quotidiennement, de façon répétée et consciemment a un certain nombre de substances odorantes est en effet bénéfique dans de nombreuses situations de perte d’odorat. Il n’y a aucune raison de penser qu’il n’en sera pas de même lorsque la perte de perception des odeurs est due au Covid-19.

    La version originale de cet article a été publiée dans The Conversation.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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