Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Guerre de Corée : les atrocités dont personne ne veut parler

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Guerre de Corée : les atrocités dont personne ne veut parler

    La raison pour laquelle la Corée du Nord se méfie autant des USA n’a rien de mystérieux. Un peu d’histoire à l’occasion du 70ème anniversaire du début de la Guerre de Corée (juin 1950 – juillet 1953)…

    Par Jim Bovard
    Paru sur The American Conservative sous le titre The Korean War Atrocities No One Wants to Talk About

    Pendant des décennies, ils ont couvert le massacre américain de civils à No Gun Ri et ailleurs. C’est pourquoi nous n’apprenons jamais nos leçons.

    Ce 25 juin était le 70e anniversaire du début de la guerre de Corée. Des centaines de milliers de soldats américains ont combattu dans cette guerre, et près de 37 000 militaires ont été tués. [1] Mais les médias ignorent peut-être la leçon la plus importante de la guerre : le gouvernement américain a des moyens presque illimités pour cacher ses propres crimes de guerre.

    Pendant la guerre de Corée, les Américains ont été inondés de déclarations officielles sur la façon dont l’armée américaine prenait toutes les mesures possibles pour protéger les civils innocents. Comme les maux du communisme étaient évidents à leurs yeux, peu de questions ont été posées sur la façon dont les États-Unis contrecarraient l’agression des Rouges. Lorsqu’une sous-commission du Sénat américain nommée en 1953 par le sénateur Joseph McCarthy a enquêté sur les atrocités de la guerre de Corée, la commission a explicitement déclaré que « les crimes de guerre étaient définis comme des actes commis par les nations ennemies ».

    En 1999, quarante-six ans après le cessez-le-feu en Corée, l’Associated Press a révélé un massacre de réfugiés coréens à No Gun Ri en 1950. Les troupes américaines avaient chassé des Coréens de leur village et les avaient forcés à s’installer sur un remblai de chemin de fer. A partir du 25 juillet 1950, ces réfugiés ont été mitraillés par des avions et des mitrailleuses américains pendant trois jours de rang. Des centaines de personnes, pour la plupart des femmes et des enfants, ont été tuées. L’histoire de l’AP de 1999 a été largement dénoncée par les politiciens américains et certains médias comme une calomnie contre les troupes américaines.

    Le Pentagone a promis une enquête exhaustive. En janvier 2001, le Pentagone a publié un rapport de 300 pages censé prouver que le massacre de No Gun Ri n’était qu’une « malheureuse tragédie » causée par des soldats à la gâchette facile effrayés par l’approche de réfugiés.

    Le président Bill Clinton a annoncé son « regret que des civils coréens aient perdu la vie à No Gun Ri ». Dans une interview de janvier 2001, on a demandé à Clinton pourquoi il avait utilisé « regret » au lieu d’ « excuse ». Il a déclaré : « Mon opinion est que les personnes qui ont examiné la question ne pouvaient pas conclure à un acte délibéré décidé à un niveau suffisamment élevé dans la hiérarchie militaire pour reconnaître que, en fait, le gouvernement avait participé à quelque chose de terrible ». Clinton a précisé qu’il n’y avait aucune preuve de « faute suffisamment élevée dans la chaîne de commandement de l’armée pour dire que, en fait, le gouvernement était responsable ».

    En 2005, Sahr Conway-Lanz, un doctorant de l’Université de Harvard, a découvert aux Archives nationales une lettre de l’ambassadeur américain en Corée, John Muccio, envoyée au secrétaire d’État adjoint Dean Rusk le jour du début du massacre de No Gun Ri. Muccio y résumait une nouvelle politique issue d’une réunion entre l’armée américaine et des responsables sud-coréens : « Si des réfugiés arrivent du nord des lignes américaines, ils recevront des tirs d’avertissement, et s’ils persistent à avancer, ils seront abattus. » La nouvelle politique avait été communiquée par radio aux unités de l’armée à travers la Corée, le matin du début du massacre de No Gun Ri. L’armée américaine craignait que des troupes nord-coréennes ne se cachent parmi les réfugiés. Le Pentagone a d’abord affirmé que ses enquêteurs n’avaient jamais vu la lettre de Muccio, mais elle se trouvait dans le dossier de recherche spécifique utilisé pour sa thèse.

    Le livre Collateral Damage de Conway-Lanz, publié en 2006, cite un rapport historique officiel de la marine américaine sur les six premiers mois de la guerre de Corée, selon lequel la politique de mitraillage de civils était « tout à fait défendable ». Un rapport de l’histoire officielle de l’armée de terre notait : « Finalement, il a été décidé de tirer sur tous ce qui bougeait la nuit. » Un rapport du porte-avions USS Valley Forge justifiait l’attaque de civils parce que l’Armée insistait sur le fait que « les groupes de plus de huit à dix personnes devaient être considérés comme des militaires, et devaient être attaqués ».

    En 2007, l’armée a récité son premier démenti : « Aucune politique visant à autoriser les soldats à tirer sur des réfugiés n’a jamais été promulguée aux soldats sur le terrain. » Mais l’Associated Press a exposé d’autres saletés provenant des archives américaines : Plus d’une douzaine de documents – dans lesquels des officiers américains de haut rang disent aux troupes que les réfugiés sont « des proies faciles », par exemple, et leur ordonnent de « tirer sur tous les réfugiés qui traversent la rivière » – ont été trouvés par l’AP dans les propres dossiers archivés par les enquêteurs après l’enquête de 2001. Aucun de ces documents n’a été divulgué dans le rapport public de 300 pages de l’armée ».

    Un ancien pilote de l’armée de l’air a déclaré aux enquêteurs que son avion et trois autres avaient mitraillé des réfugiés en même temps que le massacre de No Gun Ri ; le rapport officiel affirme que « tous les pilotes interrogés … ne savaient rien de ces ordres ». Des preuves d’autres massacres comme celui de No Gun Ri ont également fait surface. Le 1er septembre 1950, le destroyer USS DeHaven, sur l’insistance de l’armée, « a tiré sur un camp de réfugiés en bord de mer à Pohang, en Corée du Sud. Les survivants disent que 100 à 200 personnes ont été tuées ».

    Le massacre de civils est devenu une procédure de routine après l’intervention de l’armée chinoise dans la guerre de Corée à la fin de 1950. Le commandant américain Douglas MacArthur a parlé de transformer le territoire nord-coréen en « désert ». L’armée américaine a finalement « élargi sa définition d’une cible militaire à toute structure pouvant abriter des troupes ou des fournitures ennemies ». Dans une méthode de notation qui préfigurait le décompte des cadavres de la guerre du Vietnam, les communiqués de presse de l’armée de l’air vantaient les « mètres carrés » des « bâtiments tenus par l’ennemi » qu’elle avait rasés. Le général Curtis LeMay a résumé les réalisations : « Nous avons brûlé toutes les villes de Corée du Nord… et certaines de Corée du Sud aussi. » Un million de civils ont peut-être été tués pendant la guerre, et une Commission Vérité et Réconciliation du gouvernement sud-coréen a mis au jour de nombreuses atrocités qui n’avaient pas été signalées auparavant. [2]

    a stratégie du Pentagone sur les atrocités de la guerre de Corée a réussi parce qu’elle a laissé le soin de dire la vérité aux historiens, et non aux décideurs politiques. Les faits concernant le No Gun Ri ont finalement émergé après dix présidences ultérieures. Plus dommageable encore, les règles d’engagement pour le meurtre de civils coréens ont été couvertes jusqu’après quatre autres guerres américaines. Si la politique américaine de massacres de réfugiés coréens avait été exposée pendant cette guerre, elle aurait pu réduire le nombre d’assassinats similaires au Vietnam (dont beaucoup n’ont été révélés que des décennies après la guerre). [3]

    Pete McCloskey, ancien membre du Congrès et vétéran décoré de la guerre de Corée, a averti : « Le gouvernement mentira toujours sur les questions embarrassantes. » Les mêmes manigances reviennent dans les autres guerres américaines. Le secret et la tromperie entourant les interventions militaires américaines ont eu des conséquences catastrophiques au cours de ce siècle. L’administration Bush a exploité les attaques du 11 septembre pour justifier l’attaque de l’Irak en 2003, et ce n’est qu’en 2016 que le gouvernement américain a révélé des documents exposant le rôle du gouvernement saoudien dans le financement des pirates de l’air (15 des 19 étaient des citoyens saoudiens). Le Pentagone a couvert la grande majorité des assassinats américains de civils irakiens jusqu’à ce que Bradley Manning et Wikileaks les dévoilent en 2010. Il y a probablement de nombreuses preuves de duplicité et de massacres intentionnels de civils dans les dossiers du gouvernement américain sur son intervention systématiquement confuse et contradictoire en Syrie.

    Lorsque des politiciens ou des généraux semblent vouloir entraîner les États-Unis dans une autre guerre étrangère, rappelez-vous que la vérité est généralement la première victime des guerres. Le sang des victimes civiles des guerres américaines est la version politique de l’encre invisible. Mais les proches et les voisins de ces victimes pourraient vouloir se venger, même si les dissimulations trompent le peuple américain.

    Traduction et note d’introduction Entelekheia
    Photo : Des réfugiés coréens fuient vers le sud au milieu des années 1950 / Wikimedia Commons

    Notes de la traduction :

    [1] Ce texte a été écrit par un auteur américain pour un public américain. Aux USA, il est d’usage de rendre hommage aux troupes du pays tombées au front, y compris dans leurs nombreux cas de guerres d’agression injustifiables. On pourra noter, même si ce n’est en rien la faute de l’auteur, que ces hommages sont purement verbaux. Les vétérans de l’armée américaine, qui reviennent souvent malades du front (comme par exemple les vétérans d’Irak, à la suite de contacts prolongés avec l’uranium appauvri volontiers utilisé comme blindage par le complexe militaro-industriel), ou atteints de syndromes de stress post-traumatique parfois extrêmes (bombarder et massacrer des innocents, même sur ordre, se paie très cher et parfois à vie) sont notoirement laissés à l’abandon par leur gouvernement. Autrement dit, derrière les belles paroles, ces soldats sont en réalité de la chair à canon (voir second article en lien dans la note 3).
    [2] Selon d’autres estimations, 2,5 millions de civils ont été tués pendant la Guerre de Corée, soit à peu près 10% de la population.
    [3] Nous doutons fortement qu’une révélation des crimes de guerre perpétrés par les USA en Corée aurait changé quoi que que ce soit à leurs actes similaires au Vietnam et dans nombre d’autres zones de guerre ailleurs dans le monde. D’une part parce que leur gouvernement et/ ou commandants savaient et ont pourtant pris les mêmes décisions, et ensuite parce que c’était probablement devenu leur mode « normal » de fonctionnement depuis le bombardement américain du japon de 1945 : en effet, ce qui frappe à l’étude de la façon dont les USA mènent leurs sempiternelles guerres contre des pays trop faibles pour leur résister est la la récurrence systématique de ce genre d’actes. De sorte que la question qui se pose est, à quel point un pouvoir démesuré grise-t-il celui qui le détient jusqu’à le faire basculer dans un fonctionnement routinier de type sadique ? La question est plus importante qu’elle n’en a l’air, puisque ce même culte de la force brute et ce même sadisme imprègnent aujourd’hui tout l’appareil des relations internationales des USA, Maison-Blanche comprise.
    Voir l’article des plus édifiants Un holocauste oublié : la stratégie de bombardements des USA – les massacres de civils n’en sont qu’une extension et une conséquence.
Chargement...
X