Il est difficile d’ignorer la polémique qui s’est engagée depuis la fin du mois de mai à propos des manipulations étrangères du hirak algérien, alimentée essentiellement par la thèse qu’expose Ahmed Bensaâda dans le livre qui incrimine certaines figures, individuelles ou associatives mises en lumière par le mouvement de protestation enclenché le 22 février 2019[1].
Je n’ai pas lu cet ouvrage, qui ne m’est actuellement pas accessible, mais on me pardonnera de me livrer à tout le moins à une critique externe de ses énoncés à partir des extraits qui en ont été divulgués sur Internet et des interventions publiques auxquelles a donné lieu sa parution, notamment celles de l’auteur lui-même.
A titre préliminaire, je voudrais dire que l’auteur ne donne pas, dans sa démarche générale, les meilleures garanties de crédibilité éthique et intellectuelle.
UNE CHOSE ET SON CONTRAIRE
- D’abord, le fait qu’il ait confié à Richard Labévière le soin de rédiger la postface de son ouvrage desservirait plutôt son entreprise. Cet homme, j’en ai personnellement fait l’expérience, est prêt à tout pour diffuser son interprétation du monde, y compris à se rendre complice des plus grossières falsifications[2]. Si c’est une caution morale que A. Bensaâda espérait trouver en lui, il a fait le mauvais choix.
- Ensuite, l’auteur s’est cru bien inspiré, en réponse à une critique qui lui avait été adressée, de commettre le 6 juin dernier un article qu’il a signé du nom de son frère assassiné il y a 25 ans. Intitulé « Hocine Bensaâda répond à Mourad Dhina[3] », cet article loue l’intégrité et les mérites de son véritable auteur et accuse la personne qu’il interpelle d’être le commanditaire de l’assassinat du malheureux prête-nom que rien ne rattache plus pourtant aux affaires de ce monde : « Je suis mort, M. Dhina, conclut-il, mais mon âme vous hantera jusqu’à la fin des temps ». Ce procédé macabre est choquant car il mêle un mort aux vilenies ordinaires que s’échangent les vivants. Il s’apparente à de la sorcellerie, à cette magie noire dont on dit qu’elle utilise les morts comme ingrédients de ses maléfices.
- Enfin, A. Bensaada est passé maître dans le double langage, dans une forme de duplicité qui sème la confusion sur l’opinion qu’il délivre. Il répète à l’envi qu’il n’a jamais nié l’authenticité du hirak dont il ne manque pas une occasion de saluer les vertus et la pertinence. A l’en croire, il s’efforce seulement de mettre en garde contre ceux qui voudraient le récupérer pour le mettre au service d’agendas étrangers hostiles à l’Algérie. Cette mise au point est largement relayée par ses laudateurs qui lui taillent désormais un costume de « lanceur d’alerte ».
Mais cette autojustification est irrecevable car il s’est laissé aller à des jugements péremptoires qui interdisent définitivement d’y voir autre chose qu’une manoeuvre. Dès le 4 avril 2019, dans le premier article qu’il avait consacré au hirak, il avait en effet conclu dans les termes catégoriques suivants :
« Le modus operandi de ces manifestations conforme aux principes fondamentaux de la lutte non-violente de CANVAS montre que 19 ans après la Serbie et 8 ans après le début du « printemps » arabe, l’Algérie connaît à son tour une révolution colorée[4] » (Souligné par moi) ».
Depuis lors, il a asséné avec constance ce diagnostic, déclarant dans une interview publiée par le journal L’expression du 2 janvier 2020 :
« Le mouvement de protestation qui touche actuellement l’Algérie n’est pas différent de ceux qu’ont connus certains pays arabes en 2010-2011. Il s’agit d’un prolongement du mal nommé « printemps » arabe qui a causé le chaos dans nombre de pays arabes » (Souligné par moi) ».
Il n’y a dans ce verdict ni « si », ni « mais » ni « peut-être », le mode est indicatif et la forme affirmative : le hirak est une révolution colorée, prolongeant le printemps arabe.
S’il se mêle désormais à ses propos des hommages rendus au hirak, dans l’oubli simulé de son diagnostic, notamment quand il se félicite dans l’article que j’ai cité que la jeunesse ait « pu faire dégager un pouvoir moribond » (entendez celui de Bouteflika), c’est parce qu’il a rejoint un courant qui se renforce rétrospectivement, et qui considère, dans le respect scrupuleux de la doxa officielle, que le seul vrai hirak est celui qui, enclenché en février, aurait pris fin en avril (ou en mai selon les versions) avec la destitution de l’ancien président de la République. Dans les déclarations qu’il fait depuis la parution de son livre et dans celles d’autres personnes dont il est proche et qu’il semble avoir désignées pour s’exprimer en son nom (notamment au sein de sa maison d’édition), le soutien qui est apporté à la « solution constitutionnelle » mise en œuvre par Gaïd Salah le 12 décembre 2019 (l’élection du président Tebboune) va de pair avec la conviction que, à partir d’avril 2019, c’est un faux hirak aventuriste qui s’est perpétué. Cette vision des choses est arbitraire et injuste car elle discrédite sans raison valable une partie importante de ceux qui ont manifesté. Il n’est pas contestable que le hirak était composite, charriant des populations demandeuses de réformes plus ou moins radicales et qu’une partie d’entre elles s’est retirée des manifestations. Qu’elle l’ait fait parce qu’elle adhérait à la solution préconisée par l’armée au printemps dernier n’est pas à écarter. Mais, pour rendre compte de ce phénomène, est-il besoin de jeter l’opprobre sur ceux qui ont persévéré dans la mobilisation ? Au risque de sous-entendre que leur présence au départ de l’action pervertissait le mouvement à son origine et qu’il n’y a en conséquence jamais existé de hirak « vertueux » ? Ce qui est, nonobstant la duplicité de son analyse, la pensée profonde de A. Bensaâda.
J’en viens maintenant à la thèse centrale de l’auteur que j’aborderai en élargissant la perspective aux quelques thèmes suivants :
UNE GRILLE DES SYMPTÔMES RÉDUCTRICE
1° La méthode qu’il utilise dans son ouvrage et dans l’ensemble de ses écrits est contestable en ceci qu'elle réduit l’approche faite des « révolutions colorées » à des cases qu’il coche sur une grille des symptômes très réductrice qu’il a lui-même confectionnée. Avec pour résultat que, chez Bensaâda, l’identification d’une révolution colorée découle quasi exclusivement d’observations relevant de la sémiotique la plus simplificatrice. Il suffirait à l’en croire qu’un mouvement de protestation recoure aux moyens de la lutte pacifique pour que la paternité doive en être attribuée à la constellation des ONG et autres groupuscules agissant pour le compte de la subversion américaine. Une telle approche n’est pas recevable car elle interdit tout dépassement des apparences qu’elle dispense de soumettre à l’épreuve fatidique de l’approfondissement.
Je voudrais rappeler à ce sujet que j’avais moi-même, dès le début du hirak[5], relevé que les manifestations, du fait de l’anonymat de leurs promoteurs, de leurs modalités de recours à l’action pacifique, par l’iconographie très caractéristique qui leur avait servi d’ « ornementation », notamment les scènes de fraternisation avec les forces de l’ordre, et dans l’accompagnement qui en était assuré à travers les réseaux sociaux, ressemblaient à s’y méprendre à celles qui avaient inauguré les « révolutions colorées » et plus près de nous dans le temps et dans l’espace le si mal nommé « printemps arabe » qui a mis sur le carreau au moins deux États de la région (la Libye et la Syrie), en favorisant leur dépeçage par un nombre considérable d’armées étrangères agissant directement ou par l’entremise de mercenaires armés.
Mais, précisément, le jugement que j’avais porté sur ces précédents, notamment arabes, ne s’était pas fondé sur le seul examen « sémiotique » de leurs prémices pacifiques. Je m’étais forgé une conviction en constatant la tournure qu’avaient prise les manifestations qui s’étaient très vite accompagnées et nourries d’actions de guerre conjuguées menées par des armées régulières et des milices vouées à semer le désordre, actions violentes qui, dans le cas très spécifique de la Libye, avaient été menées d’entrée de jeu, sans que l’on soit réellement sûr que des manifestations populaires dignes de ce nom leur aient servi d’amorce. Il faut ajouter que l’ingérence dans les affaires des États subissant ce type d’attaque est codifiée et fait appel à un arsenal standardisé de mesures dont le caractère intrusif s’accentue dans une gradation qui va des mesures structurelles prises en amont (soutien aux institutions de la « démocratie » et à l’opposition, réformes économiques dictées comme conditionnalité à l’aide internationale, etc.) jusqu’aux mesures directes qui leur succèdent en aval (agitation entretenue dans un but insurrectionnel, missions d’information, médiations, menaces de sanctions économiques, menaces d’intervention militaire, etc.).
Dans la version qui fut la sienne en 2011 dans les pays arabes, la « révolution colorée » se reconnaissait à la simultanéité progressive des manifestations civiles et de l’ingérence d’abord diplomatique, puis très vite militaire, directe ou indirecte, qui précipitait les pays et les États dans le chaos. Autrement dit, elle se reconnaissait certes à ses préambules, fortement marqués par le recours aux techniques de l’insurrection pacifique, codifiées notamment par Gene Sharp, mais aussi par les signes évidents qui sont aussitôt apparus d’une déstabilisation orchestrée de l’étranger. Au terme de ce processus, l’arbre devant être jugé à ses fruits, les « révolutions » de ce type, qu’elles réussissent ou qu’elles échouent, ne manquent jamais à tout le moins d’ébranler l’édifice institutionnel de l’Etat ciblé et de provoquer des déchirures profondes dans son tissu social.
Pour toutes ces raisons, le jugement porté sur la nature du hirak ne pouvait s’arrêter à un constat superficiel. Celui-ci devait et doit encore être pondéré par la prise en compte de la situation sur laquelle la contestation a débouché, en prenant en compte les données fournies par les luttes politiques internes qui agitent le champ du pouvoir algérien et les capacités d’interférence dont disposent certaines forces occultes qui se nichent traditionnellement au sein des appareils sécuritaires de l’État. Et il n’est guère besoin d’acérer le regard pour se rendre à une évidence toute simple : rien n’indique, un an et demi après le déclenchement du hirak, que l’Algérie ait été prise pour cible par une révolution colorée.
Je n’ai pas lu cet ouvrage, qui ne m’est actuellement pas accessible, mais on me pardonnera de me livrer à tout le moins à une critique externe de ses énoncés à partir des extraits qui en ont été divulgués sur Internet et des interventions publiques auxquelles a donné lieu sa parution, notamment celles de l’auteur lui-même.
A titre préliminaire, je voudrais dire que l’auteur ne donne pas, dans sa démarche générale, les meilleures garanties de crédibilité éthique et intellectuelle.
UNE CHOSE ET SON CONTRAIRE
- D’abord, le fait qu’il ait confié à Richard Labévière le soin de rédiger la postface de son ouvrage desservirait plutôt son entreprise. Cet homme, j’en ai personnellement fait l’expérience, est prêt à tout pour diffuser son interprétation du monde, y compris à se rendre complice des plus grossières falsifications[2]. Si c’est une caution morale que A. Bensaâda espérait trouver en lui, il a fait le mauvais choix.
- Ensuite, l’auteur s’est cru bien inspiré, en réponse à une critique qui lui avait été adressée, de commettre le 6 juin dernier un article qu’il a signé du nom de son frère assassiné il y a 25 ans. Intitulé « Hocine Bensaâda répond à Mourad Dhina[3] », cet article loue l’intégrité et les mérites de son véritable auteur et accuse la personne qu’il interpelle d’être le commanditaire de l’assassinat du malheureux prête-nom que rien ne rattache plus pourtant aux affaires de ce monde : « Je suis mort, M. Dhina, conclut-il, mais mon âme vous hantera jusqu’à la fin des temps ». Ce procédé macabre est choquant car il mêle un mort aux vilenies ordinaires que s’échangent les vivants. Il s’apparente à de la sorcellerie, à cette magie noire dont on dit qu’elle utilise les morts comme ingrédients de ses maléfices.
- Enfin, A. Bensaada est passé maître dans le double langage, dans une forme de duplicité qui sème la confusion sur l’opinion qu’il délivre. Il répète à l’envi qu’il n’a jamais nié l’authenticité du hirak dont il ne manque pas une occasion de saluer les vertus et la pertinence. A l’en croire, il s’efforce seulement de mettre en garde contre ceux qui voudraient le récupérer pour le mettre au service d’agendas étrangers hostiles à l’Algérie. Cette mise au point est largement relayée par ses laudateurs qui lui taillent désormais un costume de « lanceur d’alerte ».
Mais cette autojustification est irrecevable car il s’est laissé aller à des jugements péremptoires qui interdisent définitivement d’y voir autre chose qu’une manoeuvre. Dès le 4 avril 2019, dans le premier article qu’il avait consacré au hirak, il avait en effet conclu dans les termes catégoriques suivants :
« Le modus operandi de ces manifestations conforme aux principes fondamentaux de la lutte non-violente de CANVAS montre que 19 ans après la Serbie et 8 ans après le début du « printemps » arabe, l’Algérie connaît à son tour une révolution colorée[4] » (Souligné par moi) ».
Depuis lors, il a asséné avec constance ce diagnostic, déclarant dans une interview publiée par le journal L’expression du 2 janvier 2020 :
« Le mouvement de protestation qui touche actuellement l’Algérie n’est pas différent de ceux qu’ont connus certains pays arabes en 2010-2011. Il s’agit d’un prolongement du mal nommé « printemps » arabe qui a causé le chaos dans nombre de pays arabes » (Souligné par moi) ».
Il n’y a dans ce verdict ni « si », ni « mais » ni « peut-être », le mode est indicatif et la forme affirmative : le hirak est une révolution colorée, prolongeant le printemps arabe.
S’il se mêle désormais à ses propos des hommages rendus au hirak, dans l’oubli simulé de son diagnostic, notamment quand il se félicite dans l’article que j’ai cité que la jeunesse ait « pu faire dégager un pouvoir moribond » (entendez celui de Bouteflika), c’est parce qu’il a rejoint un courant qui se renforce rétrospectivement, et qui considère, dans le respect scrupuleux de la doxa officielle, que le seul vrai hirak est celui qui, enclenché en février, aurait pris fin en avril (ou en mai selon les versions) avec la destitution de l’ancien président de la République. Dans les déclarations qu’il fait depuis la parution de son livre et dans celles d’autres personnes dont il est proche et qu’il semble avoir désignées pour s’exprimer en son nom (notamment au sein de sa maison d’édition), le soutien qui est apporté à la « solution constitutionnelle » mise en œuvre par Gaïd Salah le 12 décembre 2019 (l’élection du président Tebboune) va de pair avec la conviction que, à partir d’avril 2019, c’est un faux hirak aventuriste qui s’est perpétué. Cette vision des choses est arbitraire et injuste car elle discrédite sans raison valable une partie importante de ceux qui ont manifesté. Il n’est pas contestable que le hirak était composite, charriant des populations demandeuses de réformes plus ou moins radicales et qu’une partie d’entre elles s’est retirée des manifestations. Qu’elle l’ait fait parce qu’elle adhérait à la solution préconisée par l’armée au printemps dernier n’est pas à écarter. Mais, pour rendre compte de ce phénomène, est-il besoin de jeter l’opprobre sur ceux qui ont persévéré dans la mobilisation ? Au risque de sous-entendre que leur présence au départ de l’action pervertissait le mouvement à son origine et qu’il n’y a en conséquence jamais existé de hirak « vertueux » ? Ce qui est, nonobstant la duplicité de son analyse, la pensée profonde de A. Bensaâda.
J’en viens maintenant à la thèse centrale de l’auteur que j’aborderai en élargissant la perspective aux quelques thèmes suivants :
UNE GRILLE DES SYMPTÔMES RÉDUCTRICE
1° La méthode qu’il utilise dans son ouvrage et dans l’ensemble de ses écrits est contestable en ceci qu'elle réduit l’approche faite des « révolutions colorées » à des cases qu’il coche sur une grille des symptômes très réductrice qu’il a lui-même confectionnée. Avec pour résultat que, chez Bensaâda, l’identification d’une révolution colorée découle quasi exclusivement d’observations relevant de la sémiotique la plus simplificatrice. Il suffirait à l’en croire qu’un mouvement de protestation recoure aux moyens de la lutte pacifique pour que la paternité doive en être attribuée à la constellation des ONG et autres groupuscules agissant pour le compte de la subversion américaine. Une telle approche n’est pas recevable car elle interdit tout dépassement des apparences qu’elle dispense de soumettre à l’épreuve fatidique de l’approfondissement.
Je voudrais rappeler à ce sujet que j’avais moi-même, dès le début du hirak[5], relevé que les manifestations, du fait de l’anonymat de leurs promoteurs, de leurs modalités de recours à l’action pacifique, par l’iconographie très caractéristique qui leur avait servi d’ « ornementation », notamment les scènes de fraternisation avec les forces de l’ordre, et dans l’accompagnement qui en était assuré à travers les réseaux sociaux, ressemblaient à s’y méprendre à celles qui avaient inauguré les « révolutions colorées » et plus près de nous dans le temps et dans l’espace le si mal nommé « printemps arabe » qui a mis sur le carreau au moins deux États de la région (la Libye et la Syrie), en favorisant leur dépeçage par un nombre considérable d’armées étrangères agissant directement ou par l’entremise de mercenaires armés.
Mais, précisément, le jugement que j’avais porté sur ces précédents, notamment arabes, ne s’était pas fondé sur le seul examen « sémiotique » de leurs prémices pacifiques. Je m’étais forgé une conviction en constatant la tournure qu’avaient prise les manifestations qui s’étaient très vite accompagnées et nourries d’actions de guerre conjuguées menées par des armées régulières et des milices vouées à semer le désordre, actions violentes qui, dans le cas très spécifique de la Libye, avaient été menées d’entrée de jeu, sans que l’on soit réellement sûr que des manifestations populaires dignes de ce nom leur aient servi d’amorce. Il faut ajouter que l’ingérence dans les affaires des États subissant ce type d’attaque est codifiée et fait appel à un arsenal standardisé de mesures dont le caractère intrusif s’accentue dans une gradation qui va des mesures structurelles prises en amont (soutien aux institutions de la « démocratie » et à l’opposition, réformes économiques dictées comme conditionnalité à l’aide internationale, etc.) jusqu’aux mesures directes qui leur succèdent en aval (agitation entretenue dans un but insurrectionnel, missions d’information, médiations, menaces de sanctions économiques, menaces d’intervention militaire, etc.).
Dans la version qui fut la sienne en 2011 dans les pays arabes, la « révolution colorée » se reconnaissait à la simultanéité progressive des manifestations civiles et de l’ingérence d’abord diplomatique, puis très vite militaire, directe ou indirecte, qui précipitait les pays et les États dans le chaos. Autrement dit, elle se reconnaissait certes à ses préambules, fortement marqués par le recours aux techniques de l’insurrection pacifique, codifiées notamment par Gene Sharp, mais aussi par les signes évidents qui sont aussitôt apparus d’une déstabilisation orchestrée de l’étranger. Au terme de ce processus, l’arbre devant être jugé à ses fruits, les « révolutions » de ce type, qu’elles réussissent ou qu’elles échouent, ne manquent jamais à tout le moins d’ébranler l’édifice institutionnel de l’Etat ciblé et de provoquer des déchirures profondes dans son tissu social.
Pour toutes ces raisons, le jugement porté sur la nature du hirak ne pouvait s’arrêter à un constat superficiel. Celui-ci devait et doit encore être pondéré par la prise en compte de la situation sur laquelle la contestation a débouché, en prenant en compte les données fournies par les luttes politiques internes qui agitent le champ du pouvoir algérien et les capacités d’interférence dont disposent certaines forces occultes qui se nichent traditionnellement au sein des appareils sécuritaires de l’État. Et il n’est guère besoin d’acérer le regard pour se rendre à une évidence toute simple : rien n’indique, un an et demi après le déclenchement du hirak, que l’Algérie ait été prise pour cible par une révolution colorée.
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