LA GRIPPE ESPAGNOLE
Alors que la Première Guerre mondiale touche à sa fin, une pandémie mortelle, la grippe espagnole, provoque une hécatombe sur tous les continents. Elle fera plus de morts que la mitraille et les obus.
Plus terrible que les grosses Bertha et le gaz moutarde ? Plus terrifiant encore que l’artillerie lourde et les grenades à fragmentation ? A l’automne 1918, alors que le monde s’apprête enfin à tourner la page de la Première Guerre mondiale, un mal étrange touche toutes les catégories de la population. Riches et pauvres, hommes et femmes, enfants et vieillards, tombent comme des mouches, frappés par cette fièvre pernicieuse. Pas de répit après quatre ans d’horreur : en l’espace d’un an, la pandémie va faucher jusqu’à 100 millions d’êtres humains à travers le monde, selon les estimations les plus hautes, contre 19 millions pour les victimes directes du conflit.
L'épidémie aurait débuté dans le Kansas aux Etats-Unis.
Les scientifiques sont aujourd’hui formels : tout aurait commencé aux Etats-Unis dans une base de l’AEF (American Expeditionary Force), dont les unités allaient être déployées pour soutenir les alliés français et anglais. On recense les premiers cas de fièvre intense dans ce centre militaire situé au Kansas en mars 1918. Très vite, le virus se propage dans tout le Midwest, puis vers les villes bordant l’Atlantique où les troupes prennent les bateaux pour l’Europe. Les ports et les capitales du Vieux Continent ne tardent pas à subir les premiers effets de la maladie. Pas de quoi inquiéter toutefois les autorités sanitaires… «Comme la grippe saisonnière, [cette première vague] a causé des perturbations mais pas de panique majeure», détaille la journaliste scientifique Laura Spinney dans son ouvrage Pale Rider - The Spanish Flu of 1918 and How it Changed the World(Penguin Editions, sortie française prévue prochainement). Ce ne sera pas le cas de la deuxième vague qui débute en août dans trois ports – Boston aux Etats-Unis, Brest en France et Freetown au Sierra Leone. Celle-ci s’avère beaucoup plus contagieuse et surtout plus meurtrière.
Mais là encore, les gouvernements des pays touchés ne semblent pas céder à la panique. Au mois de septembre, on parle encore peu de l’infection aux Etats-Unis : les officiels sont sceptiques et ne croient pas à une épidémie. Le 18 septembre, le bureau de la Santé publie timidement un avertissement destiné aux personnes qui toussent ou éternuent. On ne se méfie guère et on maintient les parades festives, comme celle du «Liberty loan» à Philadelphie. Organisée le 28 septembre pour encourager les Américains à financer l’effort de guerre, elle réunit plus de 200 000 participants. On s’embrasse, on se serre les mains… Les jours suivants, les cas de grippe explosent et la dure réalité, celle d’une épidémie rapide et foudroyante, va vite s’imposer. Début octobre, de funestes encarts publicitaires font toutefois leur apparition dans le New York Times – «Pouvez-vous vous permettre une mort subite ? Protégez votre famille et votre entreprise avec une assurance-vie». Difficile d’occulter dorénavant ce mal qui ronge les Etats-Unis. Les autorités réagissent enfin. A Philadelphie, la ville la plus touchée du pays, on ferme les écoles, les églises, les théâtres et tous les lieux publics. Un numéro d’urgence, «Filbert 100», est créé pour donner les premières informations et éviter la saturation des hôpitaux. La municipalité est vite démunie : les structures pour faire face à un tel fléau n’existent pas ou viennent tout juste d’être créées. Les infirmières sont en majorité parties sur le front en Europe, tandis que les médecins sont souvent incapables de contrer le virus. On appelle des volontaires à prêter main-forte aux professionnels, mais les malades sont de plus en plus nombreux…
La troisième semaine d’octobre, au plus fort de la contagion, on recense déjà 4 500 morts à Philadelphie. Les services funéraires peinent à répondre à la demande : on manque de cercueils. Les cadavres s’entassent, restent dans les maisons, parfois plusieurs jours. A la morgue comme au cimetière, certains en profitent pour augmenter les prix. Pour résoudre cette crise sanitaire, la mairie de Philadelphie lance un appel aux volontaires pour creuser les tombes et se charge de commander des cercueils en fixant un tarif de vente. Elle s’engage aussi à payer les pompes funèbres avec des fonds publics si nécessaire. Il faudra attendre cependant la fin octobre pour voir enfin diminuer le nombre de cas mortels. Alors que l’épidémie semble en perte de vitesse, le docteur C.Y. White annonce qu’il a mis au point un «vaccin». «Faute d’être efficace, le placebo permet de calmer et de rassurer la population», explique Alfred W. Crosby, historien américain dans son ouvrage America’s Forgotten Pandemic : The Influenza of 1918 (éd. Cambridge, 2003). Le 27 octobre, on finit par rouvrir les lieux publics. Il est l’heure de compter les morts : en l’espace d’un peu plus d’un mois, Philadelphie aura perdu plus de 12 000 de ses habitants.
Epidémie et guerre, un cocktail explosif contre les alliés
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Europe affronte la pandémie. Le conflit bat alors son plein et la grippe se répand avec les mouvements des troupes alliées. Ensemble, l’épidémie et la guerre forment un cocktail explosif. Les espaces confinés des bateaux qui traversent l’océan forment le terrain idéal pour la propagation. Alfred Crosby estime que 40 % du corps des Marines est touché en 1918, et que, durant les deux derniers mois de guerre (octobre et novembre), environ 4 000 soldats décèdent pendant la traversée vers l’Europe. Le 17 octobre, un navire en provenance des Etats-Unis débarque au Havre avec à son bord 78 passagers, dont 74 atteints de fièvre.
Quant aux tranchées, elles favorisent aussi la maladie. Même si, en cette fin 1918, les conditions de vie s’y sont relativement améliorées, l’eau souillée, la saleté, les parasites, les cadavres, offrent un terrain favorable à la prolifération du virus. Du côté français comme du côté allemand, les soldats sont faibles et mal nourris. La grippe fait des ravages dans leurs rangs… Etats-Unis, Europe et bientôt Afrique et Asie : la maladie étend peu à peu sa toile sur le globe. D’autant que les échanges se multiplient entre les continents : des tirailleurs sénégalais ou algériens prêtent main-forte dans les tranchées, des ouvriers indochinois font tourner les usines d’armement en France, des soldats indiens sont mobilisés par les Britanniques… Des navires partent continuellement d’Europe vers l’Afrique, l’Amérique du Sud, les Indes, la Chine, ainsi que l’Océanie, avec à leur bord des marins grippés. Résultat : durant l’hiver, on compte 500 millions de malades dans le monde. L’Inde, le pays le plus touché, perd 18,5 millions de personnes. Seule l’Australie applique une quarantaine rigoureuse, quand certains hameaux du Grand Nord sont rayés de la carte et que, dans le Pacifique, les Samoa occidentales perdent un cinquième de leur population.
De cette hécatombe, on ne sait alors presque rien. En France, où la Première Guerre mondiale vit ses derniers mois décisifs, ce n’est pas le moment de démoraliser les troupes, même si, dès le 4 octobre, le sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Albert Fabre, envoie des instructions aux préfets : désinfection et fermeture éventuelle des lieux publics, limitation des activités et des déplacements. Ainsi, le 10 octobre, Caen ferme toutes ses salles de spectacle et interdit les réunions. Le 25, c’est au tour des lycées parisiens de rester portes closes. Il devient alors impossible de taire les dégâts causés par la grippe. Mi-octobre déjà, le ton est devenu plus alarmiste dans les journaux. Le Matin écrit : «Une seule personne malade est capable, en parlant et en toussant, d’en contaminer des dizaines.» Pourtant, dans un pays en guerre, les transports fonctionnent toujours, même si des trains spéciaux sont aménagés pour séparer militaires et civils, et que les wagons sont désinfectés.
Rien n’y fait : les cas de grippe se multiplient. La maladie dégénère souvent en pneumonie, en pleurésie, en congestion pulmonaire. Les rapports des médecins décrivent des malades prostrés, frappés de sidération, le visage cyanosé et le regard angoissé. Face à cela, les antibiotiques ou les vaccins efficaces n’existent pas encore. On utilise de la quinine et de l’huile de ricin, rapidement en rupture de stock. Dans la capitale française, 500 hectolitres de rhum – délivré sur ordonnance car on lui attribue des propriétés médicinales – sont débloqués par le ministère du Ravitaillement. Dans les journaux, on conseille de se laver les mains, de porter un masque ou des tampons de gaze imprégnés de désinfectant, de se rincer la bouche, de se nettoyer les dents, de faire des gargarismes, des aspirations nasales d’eau chaude additionnée d’eau de Javel !
En ces temps incertains, les remèdes miracles fourmillent. Le 26 octobre, le journal Le Petit Parisien publie la recette d’un traitement hasardeux : aspirine, citrate de caféine, benzoate de soude, tisanes d’orge, de chiendent, de queues de cerise, teinture de cannelle, de quinquina… Et des files d’attente de désespérés se créent devant les boutiques. On s’arrache «pilules miracles» (Dupuis, Fluatine, Rhéastar) et autres remèdes censés aussi bien enrayer la grippe que les problèmes respiratoires, le choléra, la typhoïde ou la variole.
Dans tout le pays, où l’on va presque atteindre les 410 000 décès en juin 1919, les services funéraires sont débordés. «Lyon, qui manque de corbillards et de cercueils, est obligé de transporter les cadavres dans des linceuls improvisés, à même les charrettes, et de les enterrer la nuit. Des scènes identiques se déroulent à Paris où, dans la dernière semaine d’octobre, meurent 300 personnes par jour», peut-on lire dans Vie et mort des Français, 1914-1918 (ouvrage collectif, éd. Hachette, 1962).
Alors que la Première Guerre mondiale touche à sa fin, une pandémie mortelle, la grippe espagnole, provoque une hécatombe sur tous les continents. Elle fera plus de morts que la mitraille et les obus.
Plus terrible que les grosses Bertha et le gaz moutarde ? Plus terrifiant encore que l’artillerie lourde et les grenades à fragmentation ? A l’automne 1918, alors que le monde s’apprête enfin à tourner la page de la Première Guerre mondiale, un mal étrange touche toutes les catégories de la population. Riches et pauvres, hommes et femmes, enfants et vieillards, tombent comme des mouches, frappés par cette fièvre pernicieuse. Pas de répit après quatre ans d’horreur : en l’espace d’un an, la pandémie va faucher jusqu’à 100 millions d’êtres humains à travers le monde, selon les estimations les plus hautes, contre 19 millions pour les victimes directes du conflit.
L'épidémie aurait débuté dans le Kansas aux Etats-Unis.
Les scientifiques sont aujourd’hui formels : tout aurait commencé aux Etats-Unis dans une base de l’AEF (American Expeditionary Force), dont les unités allaient être déployées pour soutenir les alliés français et anglais. On recense les premiers cas de fièvre intense dans ce centre militaire situé au Kansas en mars 1918. Très vite, le virus se propage dans tout le Midwest, puis vers les villes bordant l’Atlantique où les troupes prennent les bateaux pour l’Europe. Les ports et les capitales du Vieux Continent ne tardent pas à subir les premiers effets de la maladie. Pas de quoi inquiéter toutefois les autorités sanitaires… «Comme la grippe saisonnière, [cette première vague] a causé des perturbations mais pas de panique majeure», détaille la journaliste scientifique Laura Spinney dans son ouvrage Pale Rider - The Spanish Flu of 1918 and How it Changed the World(Penguin Editions, sortie française prévue prochainement). Ce ne sera pas le cas de la deuxième vague qui débute en août dans trois ports – Boston aux Etats-Unis, Brest en France et Freetown au Sierra Leone. Celle-ci s’avère beaucoup plus contagieuse et surtout plus meurtrière.
Mais là encore, les gouvernements des pays touchés ne semblent pas céder à la panique. Au mois de septembre, on parle encore peu de l’infection aux Etats-Unis : les officiels sont sceptiques et ne croient pas à une épidémie. Le 18 septembre, le bureau de la Santé publie timidement un avertissement destiné aux personnes qui toussent ou éternuent. On ne se méfie guère et on maintient les parades festives, comme celle du «Liberty loan» à Philadelphie. Organisée le 28 septembre pour encourager les Américains à financer l’effort de guerre, elle réunit plus de 200 000 participants. On s’embrasse, on se serre les mains… Les jours suivants, les cas de grippe explosent et la dure réalité, celle d’une épidémie rapide et foudroyante, va vite s’imposer. Début octobre, de funestes encarts publicitaires font toutefois leur apparition dans le New York Times – «Pouvez-vous vous permettre une mort subite ? Protégez votre famille et votre entreprise avec une assurance-vie». Difficile d’occulter dorénavant ce mal qui ronge les Etats-Unis. Les autorités réagissent enfin. A Philadelphie, la ville la plus touchée du pays, on ferme les écoles, les églises, les théâtres et tous les lieux publics. Un numéro d’urgence, «Filbert 100», est créé pour donner les premières informations et éviter la saturation des hôpitaux. La municipalité est vite démunie : les structures pour faire face à un tel fléau n’existent pas ou viennent tout juste d’être créées. Les infirmières sont en majorité parties sur le front en Europe, tandis que les médecins sont souvent incapables de contrer le virus. On appelle des volontaires à prêter main-forte aux professionnels, mais les malades sont de plus en plus nombreux…
La troisième semaine d’octobre, au plus fort de la contagion, on recense déjà 4 500 morts à Philadelphie. Les services funéraires peinent à répondre à la demande : on manque de cercueils. Les cadavres s’entassent, restent dans les maisons, parfois plusieurs jours. A la morgue comme au cimetière, certains en profitent pour augmenter les prix. Pour résoudre cette crise sanitaire, la mairie de Philadelphie lance un appel aux volontaires pour creuser les tombes et se charge de commander des cercueils en fixant un tarif de vente. Elle s’engage aussi à payer les pompes funèbres avec des fonds publics si nécessaire. Il faudra attendre cependant la fin octobre pour voir enfin diminuer le nombre de cas mortels. Alors que l’épidémie semble en perte de vitesse, le docteur C.Y. White annonce qu’il a mis au point un «vaccin». «Faute d’être efficace, le placebo permet de calmer et de rassurer la population», explique Alfred W. Crosby, historien américain dans son ouvrage America’s Forgotten Pandemic : The Influenza of 1918 (éd. Cambridge, 2003). Le 27 octobre, on finit par rouvrir les lieux publics. Il est l’heure de compter les morts : en l’espace d’un peu plus d’un mois, Philadelphie aura perdu plus de 12 000 de ses habitants.
Epidémie et guerre, un cocktail explosif contre les alliés
De l’autre côté de l’Atlantique, l’Europe affronte la pandémie. Le conflit bat alors son plein et la grippe se répand avec les mouvements des troupes alliées. Ensemble, l’épidémie et la guerre forment un cocktail explosif. Les espaces confinés des bateaux qui traversent l’océan forment le terrain idéal pour la propagation. Alfred Crosby estime que 40 % du corps des Marines est touché en 1918, et que, durant les deux derniers mois de guerre (octobre et novembre), environ 4 000 soldats décèdent pendant la traversée vers l’Europe. Le 17 octobre, un navire en provenance des Etats-Unis débarque au Havre avec à son bord 78 passagers, dont 74 atteints de fièvre.
Quant aux tranchées, elles favorisent aussi la maladie. Même si, en cette fin 1918, les conditions de vie s’y sont relativement améliorées, l’eau souillée, la saleté, les parasites, les cadavres, offrent un terrain favorable à la prolifération du virus. Du côté français comme du côté allemand, les soldats sont faibles et mal nourris. La grippe fait des ravages dans leurs rangs… Etats-Unis, Europe et bientôt Afrique et Asie : la maladie étend peu à peu sa toile sur le globe. D’autant que les échanges se multiplient entre les continents : des tirailleurs sénégalais ou algériens prêtent main-forte dans les tranchées, des ouvriers indochinois font tourner les usines d’armement en France, des soldats indiens sont mobilisés par les Britanniques… Des navires partent continuellement d’Europe vers l’Afrique, l’Amérique du Sud, les Indes, la Chine, ainsi que l’Océanie, avec à leur bord des marins grippés. Résultat : durant l’hiver, on compte 500 millions de malades dans le monde. L’Inde, le pays le plus touché, perd 18,5 millions de personnes. Seule l’Australie applique une quarantaine rigoureuse, quand certains hameaux du Grand Nord sont rayés de la carte et que, dans le Pacifique, les Samoa occidentales perdent un cinquième de leur population.
De cette hécatombe, on ne sait alors presque rien. En France, où la Première Guerre mondiale vit ses derniers mois décisifs, ce n’est pas le moment de démoraliser les troupes, même si, dès le 4 octobre, le sous-secrétaire d’Etat à l’Intérieur, Albert Fabre, envoie des instructions aux préfets : désinfection et fermeture éventuelle des lieux publics, limitation des activités et des déplacements. Ainsi, le 10 octobre, Caen ferme toutes ses salles de spectacle et interdit les réunions. Le 25, c’est au tour des lycées parisiens de rester portes closes. Il devient alors impossible de taire les dégâts causés par la grippe. Mi-octobre déjà, le ton est devenu plus alarmiste dans les journaux. Le Matin écrit : «Une seule personne malade est capable, en parlant et en toussant, d’en contaminer des dizaines.» Pourtant, dans un pays en guerre, les transports fonctionnent toujours, même si des trains spéciaux sont aménagés pour séparer militaires et civils, et que les wagons sont désinfectés.
Rien n’y fait : les cas de grippe se multiplient. La maladie dégénère souvent en pneumonie, en pleurésie, en congestion pulmonaire. Les rapports des médecins décrivent des malades prostrés, frappés de sidération, le visage cyanosé et le regard angoissé. Face à cela, les antibiotiques ou les vaccins efficaces n’existent pas encore. On utilise de la quinine et de l’huile de ricin, rapidement en rupture de stock. Dans la capitale française, 500 hectolitres de rhum – délivré sur ordonnance car on lui attribue des propriétés médicinales – sont débloqués par le ministère du Ravitaillement. Dans les journaux, on conseille de se laver les mains, de porter un masque ou des tampons de gaze imprégnés de désinfectant, de se rincer la bouche, de se nettoyer les dents, de faire des gargarismes, des aspirations nasales d’eau chaude additionnée d’eau de Javel !
En ces temps incertains, les remèdes miracles fourmillent. Le 26 octobre, le journal Le Petit Parisien publie la recette d’un traitement hasardeux : aspirine, citrate de caféine, benzoate de soude, tisanes d’orge, de chiendent, de queues de cerise, teinture de cannelle, de quinquina… Et des files d’attente de désespérés se créent devant les boutiques. On s’arrache «pilules miracles» (Dupuis, Fluatine, Rhéastar) et autres remèdes censés aussi bien enrayer la grippe que les problèmes respiratoires, le choléra, la typhoïde ou la variole.
Dans tout le pays, où l’on va presque atteindre les 410 000 décès en juin 1919, les services funéraires sont débordés. «Lyon, qui manque de corbillards et de cercueils, est obligé de transporter les cadavres dans des linceuls improvisés, à même les charrettes, et de les enterrer la nuit. Des scènes identiques se déroulent à Paris où, dans la dernière semaine d’octobre, meurent 300 personnes par jour», peut-on lire dans Vie et mort des Français, 1914-1918 (ouvrage collectif, éd. Hachette, 1962).
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