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Big Brother chez Wal-Mart

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  • Big Brother chez Wal-Mart

    L’affaire remonte au printemps 2006. A cette époque, Wal-Mart, le géant américain de la distribution, est inquiet. La direction a appris que des manifestants comptaient faire du chahut devant les actionnaires lors de son assemblée générale. Elle veut savoir à quoi s’attendre et à qui elle a affaire. Comme dans une série télévisée, un employé à cheveux longs (un look censé le faire passer inaperçu) est envoyé, micro caché sur le torse, pour espionner une réunion d’activistes, à Fayetteville, dans l’Arkansas, tandis qu’une équipe cachée dans une fourgonnette banalisée réceptionne les conversations.

    L’affaire, révélée par le Wall Street Journal, est très embarrassante. Car ce n’est pas la première fois que le numéro un mondial de la distribution est la cible de critiques concernant ses méthodes de surveillance. A l’égard des 1,8 million d’employés, mais aussi de ses détracteurs, parfois même de ses actionnaires.

    En cause, cette équipe de 400 personnes, dont beaucoup d’ex du FBI et de la CIA, qui jouent, entre autres, les gendarmes et enquêtent sur tout manquement à la discipline de fer des employés maison. Le groupe de Bentonville (Arkansas) n’est pas une exception. De plus en plus d’entreprises surveillent leurs employés pour éviter les fraudes ou la vente de secrets à la concurrence. Mais, chez Wal-Mart, la chasse à la brebis galeuse se pratique avec un zèle exemplaire.

    Jugez plutôt.

    En avril 2002, par exemple, le groupe dépêche un de ses enquêteurs au Guatemala pour suivre secrètement James Lynn, un cadre de Wal-Mart. Sa mission ? Déterminer si Lynn a une liaison avec une collègue. Un interdit absolu dans la maison. Le détective s’installe dans le même hôtel et passe quatre jours à les espionner. Selon le compte rendu judiciaire, en collant son oreille à la porte de la chambre de l’employée, il entend des « gémissements et des soupirs ». Pas besoin de preuves supplémentaires. Lynn est viré.

    La police de Wal-Mart ne fait pas de quartier.

    Ces dernières années, elle a viré un vice-président, Tom Coughlin, qui avait puisé dans la caisse pour se faire faire des bottes en crocodile, deux responsables marketing qui avaient accepté invitations et cadeaux d’une agence de pub... Et, le mois dernier, un technicien informatique et son supérieur. Leur faute ? Ils enregistraient les conversations téléphoniques d’un journaliste du New York Times avec le service de presse de Wal-Mart... Problème pour Wal-Mart, après son licenciement, son ex-« espion » s’est mis à table : Bruce Gabbard, l’informaticien qui écoutait les conversations des journalistes avec les porte-parole du groupe, a contre-attaqué en racontant qu’il appartenait à une cellule secrète de Wal-Mart baptisée Groupe de recherche et d’analyse de la menace. Une équipe d’une vingtaine d’individus qui contrôlait, grâce à des logiciels sophistiqués, l’activité Internet, y compris les e-mails privés de quiconque était connecté au réseau informatique de Wal-Mart.

    La plupart des techniques de surveillance de Wal-Mart semblent pourtant légales. Les employés sont informés que tous leurs e-mails et coups de téléphone peuvent être contrôlés. Leurs supérieurs reçoivent une liste des numéros et des e-mails avec lesquels ils ont correspondu. Justification : « C’est notre responsabilité d’entreprise d’avoir des systèmes, y compris des programmes informatiques, pour contrôler les menaces faites à notre réseau, notre propriété intellectuelle et nos employés », précise la porte-parole de Wal-Mart.

    Mais les systèmes wal-martiens dépassent souvent les bornes. Selon Bruce Gabbard, aujourd’hui licencié, le distributeur a fait espionner une équipe de consultants de McKinsey soupçonnés d’avoir ébruité un projet interne. Wal-Mart aurait fait établir une fiche sur des actionnaires jugés un peu trop critiques, pour estimer la « menace potentielle » qu’ils pouvaient faire peser lors de la réunion annuelle. Parmi eux, une association religieuse et un professeur à la retraite octogénaire. Sans parler de la surveillance des groupes d’opposants. « Nous faisons des critiques légitimes sur leur politique et ils nous répondent par des écoutes téléphoniques , remarque Nu Wexler, le porte-parole de Wal-Mart Watch, l’une des cibles. C’est un comportement paranoïaque, infantile et désespéré. »

    « Ce n’est pas inhabituel aux Etats-Unis de recruter des experts du renseignement pour surveiller les employés. Mais surveiller aussi les vendeurs et les consultants, c’est digne d’Orwell », estime Larry Ponemon, fondateur de l’institut du même nom, spécialisé dans la protection des données privées.

    Un énorme procès.

    Si la grande surface se prend pour une annexe de Quantico (siège du FBI), c’est qu’elle fait l’objet d’attaques à répétition. Depuis 2005, plusieurs groupes anti-Wal-Mart, certains financés par des syndicats, tirent à boulets rouges sur la chaîne d’hypermarchés, à qui ils reprochent le traitement des employés, les salaires de misère, la trop faible assurance santé, l’interdiction farouche de tout syndicat... Wal-Mart a donc recruté une société de relations publiques et créé une cellule de crise composée d’ex-conseillers politiques, notamment démocrates, qui tente de présenter le groupe comme un employeur modèle.

    Une tâche de Sisyphe.


    Car il ne se passe pas un mois sans que Wal-Mart s’empêtre dans un nouveau scandale. En 2005, une note interne de la directrice des ressources humaines publiée dans la presse suggère de n’engager que des gens en bonne santé, histoire de faire des économies, et propose que chaque poste de travail comporte « une part d’activité physique ». En clair, les caissières pourraient, par exemple, ranger les chariots. Autre scandale : Wal-Mart a dû payer l’an passé une amende de 11 millions de dollars pour avoir embauché des individus en situation irrégulière. Et ce n’est pas tout : plusieurs employés poursuivent le groupe pour non-paiement des heures supplémentaires. Et un énorme procès en class-action pour discrimination sexuelle vient de commencer, un groupe de femmes accusant Wal-Mart d’avoir favorisé leurs collègues mâles en termes de rémunérations et de promotions. Même Ron Galloway, le metteur en scène d’un documentaire pro-Wal-Mart, a retourné sa veste. Il accuse maintenant l’entreprise d’être « sans coeur », depuis qu’elle a décrété le gel des salaires des employés de longue date.

    Toute cette publicité négative ne fait pas de bien à l’enseigne, dont les ventes ralentissent et dont le cours en Bourse stagne. Rien de dramatique. L’an dernier, Wal-Mart a réalisé 345 milliards de dollars de chiffre d’affaires. Mais il doit batailler pour maintenir ses 300 ouvertures annuelles de magasins, surtout dans les grandes villes. A New York, notamment, les anti-Wal-Mart ont réussi à empêcher toute implantation.

    Quant à la famille Walton, elle n’améliore pas l’image du groupe. A la tête d’un magot de 78 milliards de dollars, elle devrait empocher cette année, rien qu’en dividendes, 1,5 milliard de dollars. Soit, pour chacun des cinq Walton, l’équivalent d’un salaire horaire de 101 000 dollars, à raison de huit heures de travail par jour, sept jours sur sept. Ce qui fait beaucoup, à côté des 7 à 9 dollars l’heure de l’employé lambda. Et commence à agacer, même dans un pays où l’on célèbre la réussite économique

    Wal-Mart

    Créé en 1962 par Sam Walton, le numéro un mondial de la grande distribution emploie 1,8 million de personnes dans ses 5 000 supermarchés installés un peu partout dans le monde... jusqu'en Chine, où il compte 30 000 salariés. C'est son slogan « Everyday low price » (« des prix bas tous les jours ») qui a fait son succès. Malgré sa réussite, l'image de Wal-Mart n'est plus au beau fixe. Si pendant quarante ans, et jusqu'en 2006, le groupe a évité l'implantation de syndicats dans ses hyper et supermarchés, il est aujourd'hui l'objet d'innombrables attaques et plaintes de salariés. Wal-Mart a aussi connu quelques déboires. L'an passé, le géant américain a ainsi cédé ses 85 hypermarchés allemands (11 000 salariés et 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires) au leader national Metro, car il ne parvenait pas à se faire une place sur ce marché très concurrentiel

    Par Le Point
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