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La pauvreté gagne du terrain au Maroc

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  • La pauvreté gagne du terrain au Maroc

    Depuis quelques années, le Maroc connaît des avancées démocratiques importantes. Amorcée à la fin du règne du roi précédent, Hassan II, cette transition a permis une libéralisation partielle de l’espace politique et le développement d’une société civile organisée et rebelle. Aujourd’hui, le roi Mohamed Vl semble vouloir accélérer le cours, alors que le problème de pauvreté croissante demeure entier.

    Selon une vaste enquête portant sur le développement au Maroc, le taux de pauvreté s’est sérieusement aggravé depuis 10 ans, malgré un léger refoulement en 2001. Plus de 5 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, parmi une population totale de plus de trente millions. Dans les campagnes, c’est une personne sur quatre qui est vulnérable.

    « Comment survivre avec un dollar par jour ? », se demande Touhami Abdelkhalek, l’un des rédacteurs du volumineux Rapport sur le développement humain au Maroc, paru en février 2006. « La question est sérieuse d’autant plus que les dépenses de l’État au niveau social ont connu de sérieuses baisses depuis l’imposition de programmes d’ajustement structurel tout au long des années 1980 et 1990. »

    C’est la solidarité des couches populaires, notamment en milieu rural, qui prend le relais. Depuis longtemps, en effet, le Maroc rural est quadrillé par un filet de sécurité communautaire dense, à travers des pratiques comme la jmaâ (entraide agricole), la twiza (corvée collective) ou l’agadir (grenier collectif). À cela sont venus s’ajouter des associations modernes qui cherchent les unes à combler les besoins fondamentaux, les autres à canaliser les revendications populaires.

    Une culture politique qui résiste au changement

    En dépit des avancées démocratiques, le système de pouvoir cache des réalités que les élites marocaines préfèrent ignorer. Les couches privilégiées, souvent connectées d’une façon ou d’une autre à la monarchie, continuent de dominer et de s’enrichir. Ainsi, le 10 % le plus riche de la population exerce près de 40 % des dépenses, contre 1,2 % pour les 10 % les plus pauvres. Au niveau local, ces cercles restreints profitent de l’exclusion, de l’analphabétisme, de la misère.

    Selon Nizar Baraka et Ahmed Benrida, deux chercheurs ayant aussi contribué au rapport, le développement du pays est pénalisé par la persistance d’une « culture résistante au changement, centralisatrice et peu encline à la confiance et la délégation ». Ils expliquent que les réformes administratives mises en place durant la dernière période ont tendance à répondre « d’avantage à une volonté d’encadrement politique qu’à un souci d’adaptation de la gestion publique ».

    Alertes

    Les indicateurs macro-économiques devraient cependant sonner l’alarme. Alors que le taux de croissance du PIB frisait les 5 % dans les années 1960, il est de moins de 1 % depuis 1992. Le Maroc paraît mal par rapport à des pays de la Méditerranée, par exemple l’Espagne, où le produit intérieur brut est trois fois supérieur (il était deux fois supérieur jusqu’en 1960). La forte progression du chômage est très inquiétante, même parmi les jeunes diplômés (30 % sont sans emploi), ce qui crée frustration et colère. Au train où les choses évoluent, estime Touhami Abdelkhalek, le chômage frappera un Marocain sur quatre en 2012.

    Résister et changer

    Réunis à Bouznika en janvier dernier, plusieurs centaines de militants et de militantes d’associations populaires se sont réunis pour préparer le Forum social maghrébin, prévu pour l’automne 2007. Ce secteur de la société bouge beaucoup et prend de l’expansion, tant dans le domaine social que par rapport à un espace politique qui semble encore figé. Les défis sont gigantesques, y compris du côté environnemental. Pays semi-aride, le Maroc s’en va vers une grave crise de l’eau. Déjà 30 % de la population rurale est en déficit d’eau potable, mais la situation pourrait s’aggraver. Selon les estimations d’Ali Agoumi et d’Abdelhafid Debbarh, le Maroc pourrait manquer d’eau d’ici 2025, notamment à cause du réchauffement de la planète. Le dilemme des décideurs politiques est grand, quand on considère que les revenus du pays dépendent en bonne partie d’une agro-industrie fortement consommatrice d’eau : 93 % de l’eau sert à l’agriculture irriguée.

    Chose certaine, les Marocains et les Marocaines sont déterminés, mais ils ne pourront pas faire seuls le travail.. L’Union européenne doit être plus généreuse, d’une part en augmentant les programmes d’aide au développement, d’autre part en régularisant les immigrés marocains, souvent jugés « illégaux », qui jouent par leurs transferts financiers un rôle déterminant dans la survie des populations, surtout en zone rurale. Pour le moment par contre, l’UE semble plutôt allée dans le sens de l’érection d’un nouveau mur de Berlin pour empêcher les « hordes » africaines et maghrébines de pénétrer dans l’espace européen.

    Pierre BEAUDET – 3 juillet 2006
    http://www.alternatives.ca/article2626.html
    Se tromper est humain, persister dans son erreur est diabolique. (Saint Augustin)
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