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La modernité

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  • La modernité

    On la croise à chaque détour, on l'entend sur toutes les chaînes de TV satellitaires et certains politiques algériens osent, c'est le mot, l'aborder comme référence dans leurs discours, à contre courant des trois partis qui se trouvent au gouvernement. Le balisage au centimètre près du système politique local, de ses acteurs les plus apparents, donc les plus visibles, a éconduit la dame à la marge. Elle serait, selon les uns «occidentale», ce qualificatif absurde que l'on colle même aux variétés à la TV; elle est supposée contraire à nos valeurs (lesquelles?) et à notre spécificité (qui est pourtant métissée, altérée, multiple et bien entendu ancienne). Dans tous les cas, l'intruse est suspecte pour de nombreux décideurs, et ceux parmi eux qui pensent le contraire font profil bas pour ne pas détonner au sein de la meute courtisane.

    La modernité, c'est d'elle qu'il s'agit n'est pas plus exclusivement occidentale que les alcools forts si répandus aux alentours des lieux saints, dont la consommation est répartie sur tous les continents, sur les concentrations de croyants des trois religions révélées, etc.

    Si la modernité n'était définie que par la maîtrise de récentes technologies de communication, par le nombre de chaînes TV ou par l'ouverture faite aux touristes de différentes cultures, de nombreux pays arabes, asiatiques seraient à l'avant-garde. Les Emirats Arabes sont futuristes et s'inventent des stations de ski où se dérouleront dans très peu d'années des compétitions mondiales.

    La Tunisie et le Maroc ont des chaînes de TV et reçoivent chaque année des millions de touristes de diverses nationalités et religions. L'Inde, la Chine, le Brésil, la Corée (pas celle du parti unique) maîtrisent pour les uns le nucléaire, la science et pour l'ensemble une forte croissance, la démocratisation voulue ou subie de l'internet. L'Inde produit près de 800 films par an. Plus de deux films par jour de long métrage! Ici, la modernité n'est ni un objet de débats animés par la classe politique ni un sujet pour un module à l'université. Elle est reléguée à un ailleurs indéfini, presque considérée comme une séquelle du colonialisme. Et d'ailleurs combien de députés, de sénateurs, de walis ou de ministres peuvent en parler avec pertinence? La mère Sonatrach comble le vide, verse les salaires et entretient toutes les illusions par des technologies venues d'ailleurs pourtant.

    Hong-Kong, loin d'être «occidentale» est cependant un espace exemplaire de modernité, voué à la verticalité pour une meilleure occupation du terrain. Là où les citoyens pratiquent des rituels ancestraux, des rites religieux dans une tolérance partagée. Et là, comme à Sidney, Paris, Amsterdam, Moscou ou New Delhi, une interview de Zawahiri ou du Tony Blair est répercutée en temps réel comme à Alger ou Tokyo. La différence est qu'il y a des pays acteurs-producteurs et d'autres spectateurs-consommateurs.

    La modernité acceptée, revendiquée ou présumée nocive est de différentes façons, par des chemins surprenants, sur des supports divers et complémentaires, cependant d'une ubiquité incroyable. Les réseaux de communication de plus en plus miniaturisés, polyvalents et performants, la connexion des ordinateurs d'un continent à l'autre (sous contrôle américain) le partage des mêmes films, chanteurs et des confrontations politiques sont constitutifs d'une modernité «technique» et «mondialisée». Mais celle-ci agit directement sur l'environnement spatial qui se transforme, même dans les pays à désert. De fait, les concepts de frontières, de nationalisme, de nation subissent des mutations que refusent d'admettre les régimes archaïques, réactionnaires, articulés sur les seuls composants religieux, linguistique ou de couleur.

    L'extra-territorialité est une catégorie déterminante de la modernité. Un chirurgien peut se trouver à Los-Angeles et opérer, sans quitter les USA, un patient hospitalisé à Dakar. Cette extra-territorialité relativise l'importance exagérément valorisée, pour des raisons purement politiques, des spécificités sociale, historique, culturelle ou de légitimité inopérante. Les échanges financiers , un vote et un courrier électronique modifient la relation intérieure entre gouvernants et gouvernés et à l'externe entre des individus, des pays ou des continents par l'abolition des distances qui ne sont plus régulées que par les décalages horaires et la nécessité du sommeil. La modernité du monde, des relations inter-personnelles bouleversent les paysages urbains, les mentalités et les tabous les plus farouches. Un intégriste enragé utilisera un appareil, un médicament, un moyen de transport ou de communication inventés par son «pire ennemi» un juif sioniste, pour les besoins de sa cause. Et en rendant visible et opératoire une modernité qui l'aide dans ce qu'il estime être son combat.

    Le monde va de plus en plus vers une modernité que ne limite, pour le moment, que l'utilisation frauduleuse de la religion dans les pays musulmans, à travers la querelle sanglante entre protestants et catholiques par exemple en Irlande, entre les orthodoxes et les laïques en Israël, entre les évangélistes et la moyenne des gens aux USA, etc. La modernité fédère de plus en plus de pays et de peuples conscients de l'interdépendance dans l'économie, mais aussi des catastrophes écologiques et de normes sociales réductrices au détriment de valeurs humanistes et pacificistes.

    Née en Occident et désormais ancrée un peu partout, la modernité-monde selon Jean Chesnaux, fonctionne sur plusieurs registres avec des mécanismes uniformateurs propres à une idéologie qui aspire à être universelle, malgré des résistances organisées, spontanées ou manipulées.

    Et comme toutes les idéologies qui s'orientent vers l'hégémonie, la modernité globalisante génère bien évidemment des réponses mondiales et d'autres nationales sinon locales, non pas pour la remise à flot de méthodes et de pratiques obsolètes, mais pour plus de démocratie et de citoyenneté. Pour intégrer, dans l'indépendance le monde.

    Refuser le monde sous prétexte de spécificité ou de transition revient à reproduire un statu-quo, des féodalités économiques, politiques, tribales ou régionales. Se mettre, vraiment à l'abri de spécificités hybrides et généralement illisibles pour la jeunesse pour endiguer une modernité, qui peut être certes menaçante, c'est faire la politique de l'autruche qui expose plus qu'elle ne dissimule. C'est dans le débat permanent, transparent et démocratique que des parades efficaces seront trouvées et que ce qui doit être acquis, «nationalisé» le sera par consensus à travers un front intérieur.

    Par Le Quotidien d'Oran
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