POURQUOI « CES GENS » NE RESPECTENT PAS LES MESURES SANITAIRES DE PROTECTION CONTRE LE COVID-19 ?
Quelques pistes d'une réflexion à approfondir...
En visite de travail et d’inspection dans la wilaya de Sidi Bel Abbes le 13 juillet 2020, le premier ministre Abdelaziz Djerad a pointé du doigt encore une fois les citoyens qui ne respectent pas les mesures sanitaires de protection contre le Covid-19 en déclarant : « Je ne sais pas s’il s’agit d’une inconscience ou bien d’un manque de responsabilité ou autre chose, mais une étude psychologique et sociologique profonde s’impose pour comprendre le comportement de ces gens qui bafouent les mesures sanitaires », tout en les menaçant de sévir durement et notamment de prison.
Il n’y a aucun doute que beaucoup de « ces gens » font montre d’une grande inconscience et d’un manque de responsabilité flagrant, mais se suffire de faire le constat ne peut changer ces comportements suicidaires et dangereux pour eux- mêmes et pour les autres si on ne réfléchit pas aux causes profondes et pour certaines qui sont le fruit pourri d’une politique éducative qui a banni depuis longtemps la savoir et la science au profit de l’irrationalité et du charlatanisme assumés par une école charlatanisée qui va à vau-l’eau et des médias colonisés par des marchands d’amulettes et des « rakis » criminels. Tout comme la gestion « sécuritaire » ne peut à elle seule arriver à bout de ce phénomène sociétal.
Il y a plusieurs raisons qui pourraient expliquer cette « indiscipline » de nombreux citoyens et qui devraient amener les autorités à réfléchir aux causes qui sont multiples et les traiter en profondeur au lieu de s’arrêter aux effets dévastateurs.
Une éducation axée sur le fatalisme
La première des causes est à rechercher dans l’enseignement et l’éducation d’une école où la religiosité a remplacé depuis fort longtemps la spiritualité et la fatalité la rationalité. A travers ses programmes inadaptés à notre temps et à notre monde moderne et ses enseignants sous influence de l’idéologie obscurantiste opposée à la rationalité et à tout esprit critique, cette école a joué un rôle néfaste dans la « lobotomisation » de plusieurs générations d’Algériens depuis la mise en application de l’école fondamentale et son « pavlovisme » dénoncé en son temps par Malika Greffou.
Ce sont ces générations d’hommes et de femmes déformées, incultes et inéduquées scientifiquement qui croient dur comme fer que tout est entre les mains de Dieu et que ce qui est écrit dans les « Tablettes du Ciel » et doit arriver est écrit et arrivera inexorablement. Elle est composée essentiellement de frères musulmans, de salafistes de différentes tendances et de centaines de milliers de personnes sous leur influence directe ou indirecte.
Ce choix de l’explication religieuse en place et lieu de l’explication scientifique a été et est encore en vogue dans les prêches des imams dans les mosquées et les cours d’éducation religieuse dans les écoles. L’appel du Conseil des imams à la réouverture des mosquées et leur opposition à l’annulation du rituel du sacrifice de l’Aïd El Adha en pleine explosion des cas de contaminations en est la parfaite et triste illustration.
Une sous estimation insensée
La deuxième cause est la sous-estimation – consciente ou inconsciente - de la pandémie puisque dès son apparition, on n’a cessé de marteler que les rares cas qui étaient apparus au tout début étaient des cas importés et ne touchant que quelques familles comme si les Algériens « spécifiques » étaient immunisés contre cette maladie et qu’ensuite on a répété comme une litanie que la situation était sous contrôle.
Un triomphalisme déplacé
La troisième cause réside dans l’attitude d’autosatisfaction et de triomphalisme à grands renforts d’images d’une télévision qui ne cessait de répéter que tout allait bien, que nos lits d’hôpitaux n’étaient pas saturés, que nous avions le meilleur système de santé d’Afrique et les moyens nécessaires pour lutter contre la pandémie et qu’on allait la vaincre avec l’aide Dieu et des… Chinois.
Une communication déficiente
La quatrième cause est à chercher dans la communication de type « brejnevienne » quand nos communicants par le biais du porte-parole du Comité de suivi de l’évolution de la pandémie du coronavirus, Djamel Fourar, entouré de membres de ce Comité et ensuite apparaissant seul tenait tous les jours exactement le même discours où seuls les chiffres variaient, comme s’il donnait la météo du jour alors que les Algériens, branchés sur les télévisions étrangères, voyaient des ministres de la Santé, des Premiers ministres et périodiquement des Présidents aller au charbon, s’adressant à leur concitoyens en des termes simples et vrais, leur disant toute la vérité et que des débats faisaient rage sur les plateaux de ces télés très suivies, en contradiction avec les discours lénifiants de nos « spécialistes » es-communication à sens unique.
Une confiance absente
La quatrième cause est due au fait que beaucoup d’Algériens pour ne pas dire le plus grand nombre d’Algériens n’écoutent plus le pouvoir, échaudés qu’ils sont depuis très longtemps par les promesses non tenues et les « mensonge » d’hommes du pouvoir, tous régimes confondus, depuis l’indépendance à ce jour. Je prendrai un seul exemple : celui des commissions d’enquêtes et je mets au défi n’importe quel responsable de me citer un seul exemple d’enquête, d’accident d’avion ou de morts de détenus en prison en passant par les cas de corruption et de détournement, dont les résultats on été rendu publics. Y compris les toutes dernières concernant les scandales de certains hôpitaux mal gérés. C’est dans cette confiance depuis longtemps rompue entre le pouvoir et les citoyens que réside le déni de nombre d’entre eux.
Une gestion hasardeuse
La cinquième cause est certainement liée à la gestion hasardeuse de la pandémie et à la valse hésitation concernant le confinement-déconfinement, le port du masque dans les voitures obligatoire et ensuite non obligatoire, la fermeture et la réouverture des commerces, etc.
Pour regagner cette confiance perdue et amener « ces gens » à adhérer et à coopérer activement, il faut s’adresser à eux comme à des citoyens respectés et respectables et non comme à des mineurs, leur tenir le langage de la vérité et de la raison, leur montrer qu’on tient ses promesses quand on en fait,, les consulter et les associer à la prise de décision et non pas leur imposer sans explications convaincantes.
La très grande majorité des Algériennes et des Algériens ont montré durant une année de Hirak un sens du civisme admirable et ont été jusqu’à décider, en hommes et femmes conscients et responsables, de suspendre leurs marches hebdomadaires pour préserver leur santé et celle des autres.
Lazhari Labter
14 juillet 2020
Quelques pistes d'une réflexion à approfondir...
En visite de travail et d’inspection dans la wilaya de Sidi Bel Abbes le 13 juillet 2020, le premier ministre Abdelaziz Djerad a pointé du doigt encore une fois les citoyens qui ne respectent pas les mesures sanitaires de protection contre le Covid-19 en déclarant : « Je ne sais pas s’il s’agit d’une inconscience ou bien d’un manque de responsabilité ou autre chose, mais une étude psychologique et sociologique profonde s’impose pour comprendre le comportement de ces gens qui bafouent les mesures sanitaires », tout en les menaçant de sévir durement et notamment de prison.
Il n’y a aucun doute que beaucoup de « ces gens » font montre d’une grande inconscience et d’un manque de responsabilité flagrant, mais se suffire de faire le constat ne peut changer ces comportements suicidaires et dangereux pour eux- mêmes et pour les autres si on ne réfléchit pas aux causes profondes et pour certaines qui sont le fruit pourri d’une politique éducative qui a banni depuis longtemps la savoir et la science au profit de l’irrationalité et du charlatanisme assumés par une école charlatanisée qui va à vau-l’eau et des médias colonisés par des marchands d’amulettes et des « rakis » criminels. Tout comme la gestion « sécuritaire » ne peut à elle seule arriver à bout de ce phénomène sociétal.
Il y a plusieurs raisons qui pourraient expliquer cette « indiscipline » de nombreux citoyens et qui devraient amener les autorités à réfléchir aux causes qui sont multiples et les traiter en profondeur au lieu de s’arrêter aux effets dévastateurs.
Une éducation axée sur le fatalisme
La première des causes est à rechercher dans l’enseignement et l’éducation d’une école où la religiosité a remplacé depuis fort longtemps la spiritualité et la fatalité la rationalité. A travers ses programmes inadaptés à notre temps et à notre monde moderne et ses enseignants sous influence de l’idéologie obscurantiste opposée à la rationalité et à tout esprit critique, cette école a joué un rôle néfaste dans la « lobotomisation » de plusieurs générations d’Algériens depuis la mise en application de l’école fondamentale et son « pavlovisme » dénoncé en son temps par Malika Greffou.
Ce sont ces générations d’hommes et de femmes déformées, incultes et inéduquées scientifiquement qui croient dur comme fer que tout est entre les mains de Dieu et que ce qui est écrit dans les « Tablettes du Ciel » et doit arriver est écrit et arrivera inexorablement. Elle est composée essentiellement de frères musulmans, de salafistes de différentes tendances et de centaines de milliers de personnes sous leur influence directe ou indirecte.
Ce choix de l’explication religieuse en place et lieu de l’explication scientifique a été et est encore en vogue dans les prêches des imams dans les mosquées et les cours d’éducation religieuse dans les écoles. L’appel du Conseil des imams à la réouverture des mosquées et leur opposition à l’annulation du rituel du sacrifice de l’Aïd El Adha en pleine explosion des cas de contaminations en est la parfaite et triste illustration.
Une sous estimation insensée
La deuxième cause est la sous-estimation – consciente ou inconsciente - de la pandémie puisque dès son apparition, on n’a cessé de marteler que les rares cas qui étaient apparus au tout début étaient des cas importés et ne touchant que quelques familles comme si les Algériens « spécifiques » étaient immunisés contre cette maladie et qu’ensuite on a répété comme une litanie que la situation était sous contrôle.
Un triomphalisme déplacé
La troisième cause réside dans l’attitude d’autosatisfaction et de triomphalisme à grands renforts d’images d’une télévision qui ne cessait de répéter que tout allait bien, que nos lits d’hôpitaux n’étaient pas saturés, que nous avions le meilleur système de santé d’Afrique et les moyens nécessaires pour lutter contre la pandémie et qu’on allait la vaincre avec l’aide Dieu et des… Chinois.
Une communication déficiente
La quatrième cause est à chercher dans la communication de type « brejnevienne » quand nos communicants par le biais du porte-parole du Comité de suivi de l’évolution de la pandémie du coronavirus, Djamel Fourar, entouré de membres de ce Comité et ensuite apparaissant seul tenait tous les jours exactement le même discours où seuls les chiffres variaient, comme s’il donnait la météo du jour alors que les Algériens, branchés sur les télévisions étrangères, voyaient des ministres de la Santé, des Premiers ministres et périodiquement des Présidents aller au charbon, s’adressant à leur concitoyens en des termes simples et vrais, leur disant toute la vérité et que des débats faisaient rage sur les plateaux de ces télés très suivies, en contradiction avec les discours lénifiants de nos « spécialistes » es-communication à sens unique.
Une confiance absente
La quatrième cause est due au fait que beaucoup d’Algériens pour ne pas dire le plus grand nombre d’Algériens n’écoutent plus le pouvoir, échaudés qu’ils sont depuis très longtemps par les promesses non tenues et les « mensonge » d’hommes du pouvoir, tous régimes confondus, depuis l’indépendance à ce jour. Je prendrai un seul exemple : celui des commissions d’enquêtes et je mets au défi n’importe quel responsable de me citer un seul exemple d’enquête, d’accident d’avion ou de morts de détenus en prison en passant par les cas de corruption et de détournement, dont les résultats on été rendu publics. Y compris les toutes dernières concernant les scandales de certains hôpitaux mal gérés. C’est dans cette confiance depuis longtemps rompue entre le pouvoir et les citoyens que réside le déni de nombre d’entre eux.
Une gestion hasardeuse
La cinquième cause est certainement liée à la gestion hasardeuse de la pandémie et à la valse hésitation concernant le confinement-déconfinement, le port du masque dans les voitures obligatoire et ensuite non obligatoire, la fermeture et la réouverture des commerces, etc.
Pour regagner cette confiance perdue et amener « ces gens » à adhérer et à coopérer activement, il faut s’adresser à eux comme à des citoyens respectés et respectables et non comme à des mineurs, leur tenir le langage de la vérité et de la raison, leur montrer qu’on tient ses promesses quand on en fait,, les consulter et les associer à la prise de décision et non pas leur imposer sans explications convaincantes.
La très grande majorité des Algériennes et des Algériens ont montré durant une année de Hirak un sens du civisme admirable et ont été jusqu’à décider, en hommes et femmes conscients et responsables, de suspendre leurs marches hebdomadaires pour préserver leur santé et celle des autres.
Lazhari Labter
14 juillet 2020
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