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MALI: Manifestations, 11 morts et plus de cent blessés

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  • MALI: Manifestations, 11 morts et plus de cent blessés

    Il a des gestes maladroits d’enfant agitant son soda pour en vider les dernières gouttes. Agenouillé dans la poussière, l’adolescent remplit la bouteille d’essence et de sable. Sous le regard de grands frères attentifs, il prépare un cocktail Molotov. Un peu plus loin, un camarade compose le même mélange dans un bocal de mayonnaise. Autour de lui, des adultes en qamis arrachent des pavés à la pioche, scient des branches d’arbre, dégondent des panneaux de circulation qu’ils amassent en barricades.

    Il est 18 heures dans le quartier de Badalabougou à Bamako ce samedi 11 juillet. Des volutes de fumée noire masquent le soleil couchant. Les remparts de bric et de broc qui ont été dressés par les manifestants doivent protéger la mosquée de l’imam Mahmoud Dicko, principal chef de file du mouvement politico-religieux qui conteste, depuis le 5 juin, le pouvoir du président, Ibrahim Boubacar Keïta, dit « IBK ». Les rumeurs d’un assaut de la police pour arrêter le prédicateur dans sa résidence ont mis ses disciples en ébullition. L’ambiance est insurrectionnelle. Les journalistes sont violemment repoussés, accusés d’être des espions.

    Une heure auparavant, des coups de feu ont retenti dans cet arrondissement central et résidentiel de la capitale malienne. Quatre manifestants qui jetaient des pierres sur la maison de Manassa Danioko, la présidente de la Cour constitutionnelle, ont été tués par les balles de la police. Deux étaient mineurs. Une vidéo montre un jeune homme au sol, le visage ensanglanté. Un manifestant tente de lui refermer les yeux mais doit détaler face à la charge des forces de sécurité.

    La colère déborde

    Durant ce week-end marqué par un durcissement de la confrontation entre le gouvernement et l’opposition, onze manifestants sont morts, et 124 blessés. Dimanche, les Nations unies, l’Union africaine et l’Union européenne, dans un communiqué commun, ont condamné « l’usage de la force létale dans le cadre du maintien de l’ordre ». Une mission de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao) est attendue pour servir d’intermédiaire dans les négociations, afin de dégager une issue à cette crise qui pourrait passer par des législatives partielles dans les circonscriptions contestées.

    En attendant, la colère déborde. Aux violences du Nord, où les djihadistes, chaque mois, ôtent la vie à des dizaines de civils et de soldats maliens, à celles du centre, où la raréfaction des ressources alimente des conflits intercommunautaires, s’est ajoutée l’exaspération face à une corruption persistante et à l’inertie d’une économie freinée par l’état d’urgence sanitaire lié au Covid-19.

    Finalement, ce sont les élections d’avril qui ont fait exploser la poudrière. La Cour constitutionnelle est soupçonnée d’avoir favorisé le parti présidentiel, le Rassemblement pour le Mali (RPM), en lui accordant plus de sièges de députés que ce que laissaient présager les premiers résultats, notamment dans la capitale. La colère s’est muée en manifestation de masse, agrégeant les frustrations. Depuis, une improbable coalition s’est constituée, le M5-RFP (Rassemblement des forces patriotiques) mêlant anciens ministres, militants anticorruption et sympathisants de l’imam rigoriste Mahmoud Dicko.

    Chauffée par les discours d’Issa Kaou Djim, bras droit politique de l’imam Dicko, une foule s’est massée devant l’Assemblée nationale. Le bâtiment est caillassé. Les protestataires incendient des pneus et des planches. L’Office de radio et télévision du Mali est pris pour cible, accusé d’être la voix d’un Etat oppresseur. Sur les ponts, des gamins montent des barrages. L’opportunisme du moment conduit certains à réclamer quelques dizaines de milliers de francs CFA (dizaines d’euros) comme « droit de passage ».
    Ce jour-là, la police, débordée, mal équipée en matériel antiémeute, fait usage de munitions létales. Trois jeunes sont tués, entraînant une radicalisation du mouvement qu’amplifie encore l’arrestation de quatre leaders politiques : Issa Kaou Djim et Clément Dembélé sont interpellés vendredi, les anciens ministres Choguel Kokala Maïga et Mountaga Tall le lendemain, au siège du M5. Les locaux sont saccagés, les téléphones des militants saisis.
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    Le Monde
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