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L’avocate Gisèle Halimi, défenseuse passionnée de la cause des femmes, est morte

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  • L’avocate Gisèle Halimi, défenseuse passionnée de la cause des femmes, est morte

    La célèbre avocate, qui a défendu des militants FLN pendant la guerre d’Algérie, s’est battue pour le droit à l’avortement et la criminalisation du viol, est morte le 28 juillet, à Paris, à l’âge de 93 ans.

    Par Josyane Savigneau
    Gisèle Halimi, chez elle, en 2011. RICHARD DUMAS POUR « LE MONDE »
    Pour parler de Gisèle Halimi, qui est morte le 28 juillet, au lendemain de son anniversaire, deux mots s’imposent d’emblée : battante, insoumise. Le 27 juillet 1927, dans le quartier de la Goulette, à Tunis, lorsque naît Zeiza Gisèle Elise Taïeb, personne ne fait la fête. Comme elle le raconte dans La Cause des femmes (Grasset, 1974), son père, Edouard, est si désolé d’avoir une fille qu’il met plusieurs semaines à avouer sa naissance à ses amis. Ce père qui n’aime pas les filles aimera pourtant passionnément « sa » fille. Tandis qu’entre Gisèle et sa mère les relations ont toujours été difficiles, comme on peut le lire tant dans Le Lait de l’oranger (Gallimard, 1988), émouvant récit autobiographique, que dans Fritna (Plon, 2000).

    Mme Taïeb aurait sans doute voulu une fille plus docile. La jeune Gisèle résiste à tout, allant jusqu’à faire, à 10 ans, une grève de la faim pour appuyer son droit à la lecture. Elle défie les sentiments religieux de sa famille juive en refusant d’embrasser la mézouza avant d’aller en classe.

    A 16 ans, elle refuse un mariage arrangé, obtient de faire ses études de droit en France, revient à Tunis et s’inscrit au barreau en 1949. La rebelle qu’elle a toujours été devient militante. D’abord pour l’indépendance de son pays dont, tout en étant française, elle n’a jamais abandonné la nationalité. Elle a toujours aimé la Tunisie, y est régulièrement retournée et, à Paris, elle aimait cuisiner, pour ses amis, des plats tunisiens.

    En s’installant en France en 1956 et en épousant Paul Halimi, un administrateur civil, elle change de nom et donne naissance à deux fils. Elle divorce, tout en gardant ce nom par lequel elle s’est fait connaître, et épouse Claude Faux, qui fut le secrétaire de Jean-Paul Sartre. Elle a avec lui un troisième fils. Jamais de fille. C’est peut-être pour cela qu’elle aura, avec sa petite-fille, la relation passionnelle qu’elle analyse dans Histoire d’une passion (Plon, 2011), son dernier livre publié.

    Lire aussi Gisèle Halimi : "On jouit d'une sorte d'irresponsabilité"
    Longue bataille contre la torture

    Quand commence la guerre d’Algérie, c’est une évidence pour Gisèle Halimi de militer aux côtés de Sartre et de ceux qui signeront, en septembre 1960, le Manifeste des 121. En 1960, apprenant qu’une Algérienne de 22 ans, Djamila Boupacha, accusée d’avoir posé une bombe a été arrêtée, torturée et violée par des soldats français, elle décide de la défendre.

    Commence alors une longue bataille, dans laquelle Gisèle Halimi entraîne Simone de Beauvoir. Celle-ci écrit une tribune dans Le Monde et crée un comité, avec, notamment, Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion. Djamila est finalement jugée en France, à Caen, en 1961. En dépit de la brillante plaidoirie de Gisèle Halimi, elle est condamnée à mort, mais sera amnistiée et libérée en 1962 après les accords d’Evian qui mettent fin à la guerre d’Algérie.


    La même année, chez Gallimard, Simone de Beauvoir et Gisèle Halimi publient, avec d’autres, Djamila Boupacha (Gallimard), un livre de témoignages sur toute cette affaire. Sur la couverture, le portrait de Djamila est réalisé par Pablo Picasso. L’histoire de Djamila Boupacha et de Gisèle Halimi est devenue un téléfilm, réalisé par Caroline Huppert. Pour Djamila a été diffusé pour la première fois le 20 mars 2012 sur France 3. Le rôle de Djamila Boupacha est tenu par Hafsia Herzi et celui de Gisèle Halimi par Marina Hands.

    Dès lors, Gisèle Halimi est considérée comme l’avocate des causes difficiles. Qui l’a entendue plaider, même dans des affaires plus mineures, connaît le charme de sa parole. Et son aplomb. Un jour, opposée à un Robert Badinter plutôt condescendant, elle a commencé sa plaidoirie par un retentissant : « Je ne me laisserai pas renvoyer à mes fourneaux par le professeur Badinter. »

    Sans être la porte-drapeau d’un parti, Gisèle Halimi est, depuis toujours, engagée en politique. C’est pourquoi, en 1965, avec Evelyne Sullerot, Colette Audry et quelques autres, elle fonde le Mouvement démocratique féminin pour soutenir la candidature de François Mitterrand à la présidence de la République.

    Féministe, sans que le mot ait encore un sens pour elle, elle l’a été depuis son enfance à la Goulette. Aussi, logiquement, on la retrouve en 1971 parmi les signataires du Manifeste des 343, publié par Le Nouvel Observateur. Toutes ces femmes déclarent avoir avorté, donc avoir violé la loi, et plaident pour que les femmes n’aient plus à mettre leur vie en danger en avortant clandestinement. La même année, Gisèle Halimi fonde avec Simone de Beauvoir le mouvement Choisir la cause des femmes, qui prendra part à toutes les luttes féministes et organisera la défense de nombreuses femmes maltraitées.

    Le procès de Bobigny

    En 1972, une jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, et sa mère qui l’a aidée à avorter, sont poursuivies en justice. Elles demandent à Gisèle Halimi de les défendre. Bien décidée à plaider, non seulement pour ces deux femmes, mais pour la libéralisation de l’avortement, Gisèle Halimi fait venir au procès à Bobigny de prestigieux témoins, dont le professeur de médecine Paul Milliez, fervent catholique, père de six enfants. Marie-Claire est relaxée, sa mère condamnée mais dispensée de peine. C’est une grande avancée vers la loi sur l’interruption volontaire de grossesse, qui, portée par Simone Veil après l’élection de Valéry Giscard d'Estaing, sera promulguée en janvier 1975. Cette affaire est, elle aussi, devenue un téléfilm, Le Procès de Bobigny, réalisé par François Luciani. Il a été diffusé en mars et en avril 2006 sur plusieurs chaînes, dont France 2. Anouk Grinberg interprète Gisèle Halimi, et Sandrine Bonnaire, la mère de Marie-Claire.

    Pour les féministes, une nouvelle lutte commence alors, demandant que le viol soit reconnu comme un crime. Une fois de plus, Gisèle Halimi est là. En mai 1978, à Aix-en-Provence, devant les assises des Bouches-du-Rhône, elle représente deux jeunes femmes belges qui ont porté plainte contre trois hommes. Dans la nuit du 21 au 22 août 1974, elles ont été violées alors qu’elles campaient dans une calanque. Les trois hommes plaident non coupables. Hors du prétoire, Gisèle Halimi est bousculée, injuriée, menacée. Les hommes sont condamnés. Et de nouveau ce procès ouvre le chemin vers la loi de 1980, qui reconnaît le viol comme un crime. L’affaire a fait l’objet d’un documentaire en 2014 réalisé par Cédric Condon (Le Procès du viol) et d’un téléfilm, Le Viol, d’Alain Tasma, diffusé en 2017.


    L’écriture, son autre passion
    En 1981, le candidat que Gisèle Halimi avait soutenu dès 1965, François Mitterrand, devient président de la République. Elle a alors envie de participer à l’aventure et devient députée apparentée socialiste de la IVe circonscription de l’Isère, avant d’être ambassadrice de France à l’Unesco, de 1985 à 1986. Au terme de tout cela, elle retourne avec plaisir à son métier d’avocate, et décide de consacrer plus de temps à son autre passion : écrire.


    Elle publiera une quinzaine de livres entre 1988 et 2011, dont le dernier, Histoire d’une passion, à l’âge de 84 ans. Une occasion de dire, dans un entretien au Monde, son sentiment sur la vieillesse : « La seule crainte, si l’on est en bonne santé, est celle de la faiblesse intellectuelle. Or je me sens en pleine capacité. Plus riche même, de l’expérience. Bien sûr, il y a certaines limites. Autrefois, pour un procès d’assises, comme celui de Bobigny, je pouvais travailler une nuit entière sur un dossier, me doucher, prendre un café et aller plaider. Aujourd’hui, je ne pourrais pas aller au-delà d’une heure du matin. Mais c’est assez minime. Ce n’est pas si désagréable de vieillir si l’on ne coupe pas la vie en étapes, si on ne se dit pas : “Maintenant c’est fini, je suis entrée dans la vieillesse”. » Citant Marguerite Yourcenar, qu’elle admirait, elle voulait mourir comme elle avait vécu : « Les yeux ouverts. »

    Josyane Savigneau

    https://twitter.com/i/status/1288064865379155968
    Dernière modification par nacer-eddine06, 28 juillet 2020, 13h02.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Paix a son âme.

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    • #3
      paix à son âme .
      rebbi yerhamha .
      ارحم من في الارض يرحمك من في السماء
      On se fatigue de voir la bêtise triompher sans combat.(Albert Camus)

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      • #4
        Allah yar7amha..
        Elle a fait beaucoup pour l'indépendance du pays.

        Commentaire


        • #5
          Une grande dame, un exemple pour beaucoup d'algérienne qui ont toujours trouvé auprès d'elle une oreille attentive pour déjouer des pièges. Elle va vraiment nous manquer.

          Qu'elle repose en paix auprès de ceux et celles qui n'ont jamais oublié qu'elle fut une combattante de la justice et du droit ...
          Dernière modification par zwina, 28 juillet 2020, 15h22.
          Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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          • #6
            maintenant qu'elle est décédée, elle doit sans doute méditer comment des luttes sincère d'une vie, et la sienne était des plus admirables et pas seulement pour l'indépendance de l'Algérie, mais aussi et ensuite pour le combat de la dignité des Femmes en général

            comment une lutte initiale est déviée par les anaqueurs, les escocs, les capitalistes qui ne voient que le pognon et combien, il en tirerait d'une telle lutte, d'une telle invention, d'un telle plante medicinale, etc etc

            concrétement, le combat de cette femme était admirable, mais ce qu'a fait l'oligarchie après ( elle ne pouvait de toute façon rien dire, comme Einstein ne pouvait que se mordre les doitgs quand il a vu Nagazaki et Hiroshima )

            avec les gpa, pma, la location des ventres des femmes pauvres pour donner le bébé sorti de leur votre à des ultra riches y compris homosexuels pour on ne sait quel usage, ou carrément à des asséxués, puisque de plus en plus, le sexe ne sera non seulement plus necessaire pour enfanter, mais carrément inefficace vu le sperme de plus en plus corrompu par les produits chimiques, bref, j'entre dans les détails qu'il ne faut pas loooool

            paix à son âme 3alla kouli hal.

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            • #7
              Une grande dame, juste et sincère, Lah yerhamha

              Pour Gisèle Halimi, l'antisémitisme c'est la faute d'Israël et des Juifs et Marwan Barghouti est un humaniste.

              Le traité de Fès, nommé traité conclu entre la France et le Maroc le 30 mars 1912, pour l'organisation du protectorat français dans l'Empire chérifien,

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              • #8
                Une femme admirable
                Elle a défendu Djamila Boupacha
                Allah yarhamha
                « Même si vous mettiez le soleil dans ma main droite et la lune dans ma main gauche je n'abandonnerais jamais ma mission". Prophète Mohammed (sws). Algérie unie et indivisible.

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                • #9
                  Allah yarhamha.
                  J'aime surfer sur la vague du chaos.

                  Commentaire


                  • #10
                    En effet ,défenseuse passionnée de la cause des femmes, Merci Madame

                    Paix à son âme

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                    • #11
                      Paix à son âme,

                      Elle a toujours défendu les causes justes ,notamment l'indépendance de l'Algérie et la cause palestinienne et aussi la cause des femmes .
                      L’ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit.”Aristote

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                      • #12
                        Qu'elle repose en paix
                        tchek tchek tchek

                        Commentaire


                        • #13
                          Youssef Zerarka : Ce que m'avait dit l'"avocate irrespectueuse", la courageuse robe noire en guerre d'Algérie

                          Décédée ce mardi à l'âge de 93 ans, l'avocate Gisèle Halimi restera à jamais comme l'un des noms marquants de la guerre d'indépendance algérienne et un jalon parlant de l'histoire de la justice et de la défense des libertés. Au miroir de ma carrière de journaliste, elle apparaît comme une des mes meilleures rencontres. Une des personnalités que j'ai interviewées. J'ai rencontré Me Gisèle Halimi en octobre 2004 à son cabinet à Paris. C'était pour les besoins d'un numéro spécial du Quotidien d'Oran à l'occasion du 50e anniversaire du 1er novembre 1954. Je partage, ici, la teneur du moment "Question-réponse" que j'ai passé avec elle. Un moment et une interview parmi les plus succulents et les plus inoubliables de ma carrière. Verbatim :

                          Giselle Halimi, avocate de Djamila Boupacha

                          Une robe noire en guerre d’Algérie

                          Anticolonialiste de conviction, Me Gisèle Halimi a marqué de son empreinte l’histoire de la guerre d’Algérie. Membre du collectif d’avocats du FLN, elle avait défendu, des années durant, les militants algériens contre la machine dévastatrice de la justice coloniale. Toujours en première ligne sur le front des combats contre l’injustice, l’arbitraire et la cause des femmes, cette «avocate irrespectueuse» (*) revient sur son face-à-face avec la «drôle de justice». Témoignage poignant. Interview réalisée par Youssef ZERARKA

                          Le Quotidien d’Oran : Au barreau depuis 1948, vous avez plaidé dans de nombreux contextes. Comment situez-vous la page «algérienne» de votre carrière ? C’est quoi être avocat en guerre d’Algérie ?

                          Gisèle Halimi : Mon action pendant cette période résume toutes les causes au service desquelles je me suis engagée. Plaider en Algérie pour les militants algériens, c’était pour moi un triple engagement. Un engagement politique en faveur de l’indépendance de l’Algérie. Un engagement humaniste, puisqu’il s’agissait d’une bataille contre la torture et pour les droits de l’homme. Un engagement pour l’égalité enfin à travers la défense de Djamila Boupacha, une femme courage. Une sorte de symbole du travail qui est le mien depuis un demi-siècle.

                          QO : D’entrée, Me Halimi et le collectif d’avocats du FLN sont confrontés à la période des «grandes affaires» : des condamnations à mort à répétition et un grand nombre d’exécutions. Quel était votre sentiment au moment des faits ?

                          GH : Un sentiment de révolte. L’exécution d’hommes et de femmes dont la vie avait pris le tour de l’engagement politique me paraissait intolérable. Ils n’avaient rien de «malfaiteurs» ou de «hors-la-loi». Leur seul crime : avoir épousé dans la pratique un idéal qui devrait être celui de tous les hommes et de toutes les femmes libres. Les exécutions étaient le summum de la répression politique, l’injustice érigée en système.

                          QO : Dans vos stratégies de défense, vous n’épargniez pas vos critiques à l’encontre des modalités de l’instruction et de l’enquête…

                          GH : Le pire dans l’instruction et l’enquête, c’était l’usage systématique des tortures. Il n’y avait pas véritablement d’enquête ni d’instruction. Il y avait une fabrication de procès verbaux à partir d’aveux extorqués sous la douleur. Dire que mes clients en avaient souffert, la question ne se pose même pas. Bien sûr que j’avais vu des traces de torture sur celles et ceux que je défendais. Plus que dans leur chair, ils en avaient souffert dans leur dignité de femmes et d’hommes. L’usage de torture aux fins d’obtention d’aveux était un processus de déshumanisation, un processus qui portait atteinte à leur dignité. Pour rétablir cette dignité, il nous fallait, à l’audience, recommencer totalement l’enquête, protester contre les procédés, expliquer que l’aveu était, dans ces conditions, dénué de tout effet déterminant. Cela n’avait pas empêché, bien sûr, les condamnations de pleuvoir.

                          QO : Le 12 février 1960 achevait de «muscler» une législation déjà fort contraignante. L’instruction était supprimée, la justice civile définitivement écartée au profit des procureurs militaires. C’était le temps de la justice d’exception.

                          GH : Ça avait commencé bien avant ce décret. D’une justice digne de ce nom – une justice rendue par les tribunaux civiles, les cours d’assises --, on était parti sur autre chose. On avait glissé vers les tribunaux et la législation d’exception. Des juridictions au sein desquelles les militaires étaient à la fois juges et parties. C’est eux que l’on combattait à juste titre – pour l’indépendance -- et c’est eux qui, les opérations militaires terminées, siégeait dans les tribunaux.

                          QO : Une situation que l’historienne Sylvie Thénault résume sous l’expression «drôle de justice»…

                          GH : Un exemple pour mieux illustrer cette situation : un jour, j’avais plaidé dans un procès au maquis. C’était le temps de la justice itinérante. Pas plus tard que la veille, les juges-officiers chargés de dire le droit étaient en opération quelque part. Ils se vantaient, en arrivant au tribunal, d’avoir tué vingt fellaghas. Ils avaient eu juste le temps de prêter serment de juge et d’ôter leur uniforme de baroudeur avant de se mettre à juger. C’était impensable. Alors que je déposais les conclusions aux fins d’annulation des procédures –c’était de bonne guerre-, ils étaient venus me dire'à l’extérieur : «vous vous rendez compte du temps que vous nous faites perdre. Dans la nuit, on en a tué une quarantaine et là pour un homme – un chef de maquis -- vous nous faites passer autant de temps» ! Nous étions au deuxième jour du procès.

                          QO : Ce n’était pas facile…

                          GH : Comme beaucoup de mes confrères, il m’arrivait de ressentir mon inutilité devant cette machine dévastatrice contre les droits humains. Il m’arrivait parfois aussi de penser qu’on légalisait une dérive. Une dérive grave qui était véritablement l’apanage des dictatures. Des moments, on hésitait à plaider. Mais il fallait être là quelle qu’était la législation. Il fallait être là ne serait-ce que pour être les témoins des horreurs que l’on commettait au nom du peuple français.

                          QO : Les autorités civiles et militaires, les milieux proches de l’Algérie française vous accusaient de faire un travail militant, de développer des discours politiques lors des plaidoiries.

                          GH : Si ce n’était que des accusations. Nous étions exposés aux menaces. Personnellement, j’avais été condamnée à mort à trois reprises par l’OAS. Nos adversaires ne nous pardonnaient pas le succès de la mise en scène de nos procès. Nous transformions ces procès expiation en procès explication.

                          QO : C’est-à-dire ?

                          GH : Nous étions dans un contexte tel que la seule manière de plaider consistait à diriger à partir de ce qu’on nous donnait -- les «aveux», les dossiers -- un véritable procès politique.

                          QO : C’était quoi un procès politique dans le contexte de la guerre d’Algérie ?

                          GH : Il obéissait à des règles qui sont toujours les mêmes. La première, c’est de ne pas s’adresser à ces juges mais de parler par dessus leur tête à l’opinion publique toute entière, non seulement algérienne, non seulement française mais à l’opinion internationale. Faire en sorte que l’ONU même -- qui débattait de la question algérienne -- ait des éléments à partir de nos procès. Il ne faut oublier les résonances de la guerre d’Algérie à l’époque sur la scène internationale. La deuxième règle, c’est de ne jamais demander pardon et de ne pas plaider les circonstances atténuantes. La troisième règle, c’est de remonter le parcours, d’expliquer comment un homme, une femme prend, tout d’un coup dans sa vie, un fusil ou un explosif. Quel est son parcours ? Pourquoi ? Quel est son engagement ? Il était important d’agir de la sorte. Nous faisions valoir la dignité et l’aspiration à cet idéal révolutionnaire – l’indépendance de l’Algérie – qui animait tous ceux pour lesquels nous plaidions. Enfin, il s’agissait de mettre en cause, de charger. On commençait même par là. On mettait en accusation la loi qui nous accusait. Nous dénoncions les lois et les tribunaux d’exception en arguant qu’ils étaient contraires à ce qu’est la République française, à toutes les démocraties, aux droits minimum des femmes et des hommes sous toutes les latitudes. Ainsi, on mettait en scène un procès qui était – je l’avoue – un
                          morceau d’intervention politique. Pendant la guerre d’Algérie, certains procès étaient des morceaux d’anthologie de la défense politique.

                          QO : Celui de Djamila Boupacha en était un. Avec Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre entre autres, vous en aviez fait une affaire très médiatique.

                          GH : Au début, beaucoup – y compris le FLN -- m’en avaient un peu voulu. On nous reprochait de mettre sous les feux de la rampe le seul cas de Boupacha. C’est vrai qu’il y avait des milliers de Djamila, des algériens confrontés à une situation identique sinon plus grave. Pour autant, notre mobilisation dépassait le cas Djamila. Aux yeux d’un peuple, d’une opinion publique, il était important de faire incarner une cause par un visage. En l’occurrence, il s’agissait d’une femme de 21 ans, musulmane croyante, une vierge violée par les parachutistes avec des bouteilles de bière. Détenue au secret pendant cinq semaines, elle en avait abominablement souffert. Sa présence et le récit de ses tortures avaient frappé d’horreur l’opinion publique. Premier effet, sa médiatisation avait conféré une force tout à fait singulière à ce qu’on dénonçait sur un plan plus large que l’indépendance algérienne : la systématisation de la torture en Algérie.

                          QO : Chose rare dans le cycle de mobilisations contre la guerre d’Algérie, le Comité de soutien à Djamila Boupacha était composé de figures issues de différents horizons politiques…

                          GH : La droite – dont des pans s’opposait encore à l’indépendance de l’Algérie -- était là, représentée par le philosophe Gabriel Marcel. A l’opposé, il y avait Luis Aragon, Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Germaine Tillon, Geneviève De Gaulle, nièce du Général. Au travers du cas de Djamila Boupacha, ce large panel avait apporté à la mobilisation contre la torture plus que toutes nos plaintes pour les autres malheureux. Des malheureux aussi torturés qu’elle, faut-il le rappeler.

                          QO : Le gain politique a dépassé vos espérances.

                          GH : La mobilisation avait rendu très populaire la cause algérienne. Elle l’avait fait sortir de l’ésotérisme politique. Le cas Boupacha était devenu une affaire très médiatique avec un livre traduit dans une trentaine de langues (1). Son écho était tel que Picasso – que je ne connaissais pas et qui ne connaissait pas Djamila– m’avait demandé la photo de la militante. Il en avait peint le portrait (2). C’est vous dire la portée prise par la cause. La médiatisation l’avait fait sortir du cercle, forcément restreint, des gens engagés. Elle était devenue une cause mondiale. On le doit à l’extraordinaire courage de Djamila. Et au courage de sa mère âgée, aujourd’hui, de 101 ans. Femme analphabète, femme du peuple, elle était venue à Paris pour défendre sa fille, répondre aux questions des journalistes. Une phrase revenait dans sa bouche comme un leit motiv : «'il faut sauver ma fille parce qu’il faut sauver l’Algérie'». L’affaire Djamila avait contribué à donne une grande résonance à la cause de l’indépendance algérienneet, au delà, à la cause de l’indépendance des pays colonisés.

                          YZ

                          * C’est le titre qu’elle s’est donnée dans une autobiographie parue en 2002 chez Plon, Paris.
                          The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

                          Commentaire


                          • #14
                            c était une belle personne elle a fait beaucoup pour l Algérie notamment pour la décolonisation paix à son âme

                            Commentaire

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