Annonce

Réduire
Aucune annonce.

Maroc: Le roi, les islamistes et le Sahara Occidental occupé

Réduire
X
 
  • Filtre
  • Heure
  • Afficher
Tout nettoyer
nouveaux messages

  • Maroc: Le roi, les islamistes et le Sahara Occidental occupé

    Sahara Occidental: le modèle catalan ou sud -soudanais?


    Après le dernier rapport, très favorable au Maroc, de Kofi Annan, le secrétaire général de l’ONU, l’adoption le 18 juin du nouveau statut d’autonomie élargie de la province espagnole de Catalogne a conforté les dirigeants marocains dans ce qui est désormais « leur » solution pour le Sahara occidental : l’autonomie, toute l’autonomie, rien que l’autonomie.

    Comme en Catalogne, l’ancienne colonie espagnole aura son statut, son Parlement, son gouvernement local, ses prérogatives judiciaires, administratives et fiscales, le tout coiffé par la couronne royale. Tel est le projet, répété à satiété, auquel adhèrent la quasi-totalité des Marocains et la plupart des partenaires majeurs de la région - Français, Américains, Espagnols - tant la perspective d’un nouvel État indépendant au Maghreb apparaît désormais chimérique.

    Reste que, pour l’instant, ce projet n’existe qu’au sommet. Créé il y a quelques mois, le Conseil royal consultatif pour les affaires sahariennes (Corcas) est certes un bel objet, plutôt représentatif des tribus locales et loin des simples courroies de transmission du Makhzen d’antan, mais il lui reste à faire ses preuves auprès des populations.

    Une fraction, minoritaire mais turbulente, des Sahraouis continue en effet de profiter du desserrement de l’étau policier et administratif pour afficher sa dissidence, voire son séparatisme. Via des ONG locales et en liaison plus ou moins directe avec le Polisario - que le projet d’autonomie et la création du Corcas n’arrangent évidemment pas -, ces activistes, une cinquantaine au total avec une réelle capacité de mobilisation, se recrutent paradoxalement au sein des tribus du nord du Sahara historiquement fidèles au trône.

    En l’occurrence, les Tekna et les Aït Youssa de Goulimine, Tan Tan, Assa et Zag, gros fournisseurs de soldats aux Forces armées royales. L’explication en est simple : l’ossature du Polisario étant constituée de Reguibat, le pouvoir central a longtemps privilégié cette tribu « rebelle » afin de la séduire, au détriment de celles qui lui étaient acquises, suscitant rancœurs et frustrations.

    Ainsi, Mohamed Moutawakil, le « Che Guevara » des irrédentistes, est un enseignant aït youssa natif d’Assa, dont le Polisario avait autrefois refusé l’inscription sur les listes référendaires sous prétexte qu’il était originaire du « Maroc incontesté ».

    Aujourd’hui, la propagande du Front en a fait un héros, tout comme elle s’efforce de récupérer et d’amplifier le moindre acte de dissidence, voire d’incivisme.

    Le dernier en date a eu lieu le 17 juin, non loin de Laayoune. Un véhicule avec cinq personnes à bord tente de forcer un barrage de gendarmerie. Parmi les interpellés, un homme exhibe sa carte du Polisario, sourire aux lèvres. Les gendarmes reconnaissent aussitôt Sid Ahmed Mahmoud Heddi, 30 ans, dit El Kainane (« L’homme qui mord »), l’un des principaux organisateurs de l’Intifada du quartier de Maatallah, à Laayoune, en mai 2005.

    Condamné à sept ans de prison, il a été libéré au mois d’avril après une grâce royale. Et a aussitôt récidivé en fondant une ONG ouvertement séparatiste. El Kainane est donc retourné en prison, ce qui n’est pas forcément pour lui déplaire et alimentera en pétitions les sites Internet du Polisario, avant que le Corcas ne réclame une nouvelle fois sa libération au roi - qui la lui accordera.

    Pour longtemps encore, les « provinces du sud » du Maroc vont devoir vivre avec ces irréductibles qui, à chaque arrestation, prennent un peu plus de galon et d’aura aux yeux d’une partie de la jeunesse sahraouie. Un petit jeu du chat et de la souris qui a le don d’agacer souverainement les Marocains venus du Nord, lesquels constituent désormais les deux tiers de la population de Laayoune.

    Il y a peu, il a fallu étouffer dans l’œuf les velléités de constitution de milices d’autodéfense et purger la police de quelques éléments particulièrement répressifs. « On marche sur des œufs », confie un responsable, qui espère que le processus de « sahraouisation » des forces de l’ordre permettra d’établir peu à peu un climat de confiance entre une administration plus proche de ses ouailles et des locaux encore traumatisés par les « années Driss Basri ».

    Huit cents policiers sahraouis ont ainsi été récemment recrutés, dont cinq cents immédiatement affectés dans le territoire. Un début. Quel rapport entre les irrédentistes de Maatallah et les militants de Justice et bienfaisance ?

    Aucun, d’autant que les islamistes, qu’ils soient salafistes fidèles du vieux cheikh ou cadres très convenables du PJD, n’ont jamais pu prendre racine au Sahara Occidental - question de mentalités.

    Aucun, si ce n’est un terreau commun : la revendication indépendantiste d’une fraction de la population sahraouie et l’aspiration au « grand soir » des disciples d’Abdessalam Yassine sont le fruit amer, mais inévitable, de l’ouverture démocratique du royaume voulue par Mohammed VI.

    Hier, le couvercle de la marmite était hermétiquement clos. Aujourd’hui, il est largement ouvert - ce qui, on en conviendra, est tout de même le meilleur moyen d’éviter l’explosion-.

    MAROC - 2 juillet 2006 - par FRANÇOIS SOUDAN, ENVOYÉ SPÉCIAL
Chargement...
X