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A Marrakech, Cocotte, menacée de famine, ne conduira plus les calèches de touristes

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  • A Marrakech, Cocotte, menacée de famine, ne conduira plus les calèches de touristes

    Quelque 200 millions de chevaux, ânes, chameaux ou éléphants assurent la subsistance de plus d’un demi-milliard d’êtres humains. Ceux qui travaillaient pour le tourisme sont aussi les victimes collatérales du Covid-19.

    Abdenabi Nouidi a vendu son cheval préféré. Avec les 150 dollars, il pourra continuer à nourrir le reste de son équipage et tenter de balader en calèche les rares touristes qui s’aventurent à Marrakech. Dans la Mecque du tourisme, aujourd’hui désertée, la famine menace, désormais, les chevaux de calèche et autres animaux.

    La Société pour la protection des animaux à l’étranger, Spana, vient d’alerter, soulignant que des centaines de chevaux et d’ânes de trait marocains souffrent durement de l’effondrement de l’industrie touristique. Ils font partie des quelque 200 millions de chevaux, d’ânes, de chameaux et d’éléphants dans le monde qui assurent divers moyens de subsistance à plus d’un demi-milliard de personnes.

    Recrudescence des cas

    Le royaume d’Afrique du Nord a, en effet, fermé ses portes aux étrangers après la confirmation du premier cas de coronavirus le 2 mars. Et face à la recrudescence des cas, il n’a pas desserré l’étau mais a récemment interdit les voyages intérieurs dans huit villes, dont Marrakech. En plus, il vient de prolonger d’un mois l’état d’urgence (jusqu’au 10 septembre) et d’interdire à Fès et Rabat les rassemblements.

    Des milliers de personnes dépendent du travail des chevaux de trait pour leur subsistance. A Marrakech, un seul attelage fait vivre quatre à cinq familles, dont les propriétaires, les chauffeurs et les garçons d’écurie, a déclaré le cocher Abdeljalil Belghaoute. Il a parlé depuis sa calèche, attendant en file près de la célèbre place Jemaa El-Fna, espérant que quelqu’un voudrait bien faire appel à ses services.

    « Si vous avez un magasin, vous pouvez le fermer. Si vous vendez des marchandises, vous les stockez. Mais imaginez avoir… des chevaux qui ont besoin de manger, de boire et de recevoir des soins médicaux », rappelle Abdeljalil Nouidi, désolé de la tournure que prennent les événements.

    Depuis deux décennies, les quatre frères Nouidi emmènent les touristes en excursion en calèche. Aujourd’hui, ils ont les poches vides et des bouches à nourrir, tant à la maison que dans le complexe délabré à l’extérieur de Marrakech où les chauffeurs brossent leurs chevaux. Les frères ont déjà été contraints de vendre sept de leurs animaux en juillet. Et là, il a fallu sacrifier Cocotte, la favorite d’Abdenabi Nouidi. Au grand dam de son propriétaire. « Ce n’est pas quelque chose que je peux facilement me pardonner », confie-t-il, se souvenant d’une promesse qu’il avait faite à Cocotte il y a quinze ans. Celle de la garder pour toujours.

    Les frères Nouidi soupçonnent que leurs chevaux, visiblement nerveux, savent qu’un changement radical est en train de s’opérer dans leur vie. Sans travail en calèche, la routine de ces animaux a été perturbée, leur nourriture se fait rare et leurs compagnons partent pour de bon…

    Dans un premier temps, la Spana a bien aidé les propriétaires de calèches à fournir les soins de base à leurs chevaux lorsque la pandémie Covid-19 a atteint le Maroc. Elle a fourni trois mois de nourriture à près de 600 chevaux de la ville et de la ville voisine d’Aït Ourir pendant la fermeture du pays. « Il est rapidement devenu clair pour nous, lorsque le confinement a été imposé, que de nombreux animaux de Marrakech auraient besoin de notre aide ou seraient confrontés à une issue désastreuse », a déclaré le vétérinaire en chef du centre Spana de Marrakech, Hassan Lamrini.

    Tourisme national entravé

    Situé dans un quartier ouvrier, ce centre est un haut lieu pour les milliers d’animaux qui travaillent dans la ville. Depuis 1988, une équipe de vétérinaires et de techniciens s’y occupe gratuitement des ânes, mules et chevaux. Selon M. Lamrini, le lieu traite un nombre croissant de cas de coliques, une douleur abdominale qui provoque des complications dans le système digestif, souvent dues à la malnutrition. Une pathologie qui peut être mortelle. « Il n’y a pas grand-chose dans le monde qui compte plus pour moi que de m’occuper de ces animaux. Ils sont toute ma vie », confie Boujamaa Ninich, qui officie depuis cinquante ans pour Spana. Un passionné qui ne compte pas ses heures et passe même là des semaines entières. Vingt-quatre heures sur 24 dans le centre pour s’assurer que les animaux sont bien soignés la nuit. « Ces bêtes donnent tellement à leur propriétaire et nous leur rendons si peu », déplore-t-il…

    Le gouvernement marocain a lancé au début de l’année une campagne de médias sociaux pour encourager les citoyens à explorer leur pays, mais le nombre de cas de Covid-19 a conduit à l’interdiction de voyager dans huit des principales villes touristiques du pays. Un total de 30 000 cas de contamination, dont 450 décès, a été officiellement détecté pour 35 millions d’habitants. « Plus longtemps cela durera, plus les chevaux et les familles auront du mal à survivre. Nous sommes vraiment effrayés par la gravité de la situation », observe M. Belghaoute pessimiste au cœur d’un Marrakech presque à l’arrêt.

    Le Monde
    Si vous ne trouvez pas une prière qui vous convienne, inventez-la.” Saint Augustin
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