Dans une tribune publiée le 9 juillet dernier, Rachad Antonius affirme que les accords d’Oslo furent une ruse visant à déposséder subtilement les Palestiniens. Il en veut pour preuve l’accroissement démographique dans les colonies juives depuis 1993. La colère (justifiée) de Rachad Antonius envers le plan d’annexion de la vallée du Jourdain de Nétanyahou et Trump semble toutefois le mener à formuler des accusations péremptoires et inexactes. En réalité, la croissance fulgurante du nombre de colons juifs en Cisjordanie est attribuable à une série de facteurs qui méritent d’être énumérés — et non à un complot.
Le système électoral israélien.
Le mode de scrutin proportionnel qui prévaut en Israël (que plusieurs encensent injustement) donne un pouvoir démesuré aux petits partis religieux qui menacent de faire tomber tout gouvernement qui freinerait la croissance des colonies juives. C’est largement la raison pour laquelle, lorsqu’elle fut au pouvoir, la gauche israélienne n’a pu y mettre fin.
L’effondrement de la gauche israélienne.
Les attentats des groupes extrémistes palestiniens (financés secrètement par Arafat pendant la seconde intifada) ont provoqué la chute de tous les gouvernements de gauche ou du centre qui ont dirigé Israël depuis le milieu des années 1990 (celui de Peres en 1996, celui de Barak en 2001 et celui d’Olmert-Livni en 2009). Or, c’est la droite israélienne qui appuie la colonisation en Cisjordanie
La natalité.
Depuis le début des années 2000, la croissance démographique dans les colonies juives est essentiellement le fruit de la natalité, et non le résultat d’une migration d’Israéliens vers la Cisjordanie. Au contraire, le nombre d’Israéliens s’installant en Cisjordanie ne cesse de baisser. Cependant, comme les milieux juifs religieux connaissent un taux de fécondité important, le nombre de colons augmente à vue d’œil.
Néanmoins, tout n’est pas perdu. Environ 80 % des colons juifs vivent dans les principaux « blocs » de colonies représentant à peine 4 % de la Cisjordanie. Les différents plans de paix envisagés (y compris celui de la Ligue arabe) prévoient tous des échanges mutuels de territoires permettant à Israël d’annexer ces colonies sans pénaliser les Palestiniens.
De plus, malgré la colonisation, deux gouvernements israéliens ont proposé de rendre la quasi-totalité des territoires occupés aux Palestiniens (Éhoud Barak en janvier 2001 ainsi qu’Éhoud Olmert en septembre 2008). Or, l’Autorité palestinienne a rejeté ces offres. Elle a également rejeté le plan de paix de Kerry-Obama (en mars 2014), qui prévoyait lui aussi un retrait israélien de la quasi-totalité de la Cisjordanie.
Enfin, Rachad Antonius continue d’assimiler l’existence d’Israël à une injustice coloniale. Il y a certes des similitudes entre Israël et les colonies européennes de peuplement — comme le Québec. Mais réduire le sionisme à un phénomène colonial est incroyablement simpliste. Cela revient à assimiler Jean Valjean à Al Capone !
Il est vrai que les Juifs israéliens se sont installés sur une terre habitée par un autre. Or, ils ne se sont pas installés en Palestine pour s’enrichir ou accroître leur puissance, ce qui est normalement le but du colonialisme.
Il y a deux raisons objectives qui justifient le retour des Juifs sur une partie (seulement) de la Palestine : ils étaient un peuple sans patrie, ce qui les privait du droit universel à l’autodétermination ; ils étaient persécutés. Le sionisme était donc une nécessité pour les Juifs en détresse.
Quant aux antisionistes d’extrême gauche (comme Shlomo Sand) qui affirment que l’État d’Israël aurait dû être créé en Allemagne (en raison de la Shoah), ils oublient que près de 500 000 Juifs s’étaient déjà réfugiés en Palestine avant le génocide.
Évidemment, l’opposition des Palestiniens à la création d’Israël était tout à fait compréhensible. Ils considèrent comme injuste le fait d’être privés d’une partie de leur territoire. Mais laisser les Juifs sans patrie et sans défense constitue également une injustice. Le partage du territoire demeure la plus équitable des solutions.
Quant à l’exode des Palestiniens entre 1947 et 1949, les nouveaux historiens israéliens, qui ont déboulonné les mythes fondateurs du pays, ont démontré que la réalité est plus complexe que ce qu’affirme la propagande israélienne (les réfugiés sont tous partis à l’appel des armées arabes) ou palestinienne (ils furent tous chassés). Dans environ 20 % des localités arabes, la population fut réellement expulsée. Ailleurs, ils ont fui les combats sans être autorisés à rentrer chez eux après la guerre.
Bref, pour paraphraser le regretté Amos Oz, figure emblématique du camp de la paix israélien, le conflit qui oppose les deux peuples n’est pas une lutte entre le bien et le mal, mais un affrontement entre deux légitimités, à l’image d’une tragédie grecque. La vision manichéenne de Rachad Antonius ne permet pas de saisir une telle nuance.
Le Devoir
Le système électoral israélien.
Le mode de scrutin proportionnel qui prévaut en Israël (que plusieurs encensent injustement) donne un pouvoir démesuré aux petits partis religieux qui menacent de faire tomber tout gouvernement qui freinerait la croissance des colonies juives. C’est largement la raison pour laquelle, lorsqu’elle fut au pouvoir, la gauche israélienne n’a pu y mettre fin.
L’effondrement de la gauche israélienne.
Les attentats des groupes extrémistes palestiniens (financés secrètement par Arafat pendant la seconde intifada) ont provoqué la chute de tous les gouvernements de gauche ou du centre qui ont dirigé Israël depuis le milieu des années 1990 (celui de Peres en 1996, celui de Barak en 2001 et celui d’Olmert-Livni en 2009). Or, c’est la droite israélienne qui appuie la colonisation en Cisjordanie
La natalité.
Depuis le début des années 2000, la croissance démographique dans les colonies juives est essentiellement le fruit de la natalité, et non le résultat d’une migration d’Israéliens vers la Cisjordanie. Au contraire, le nombre d’Israéliens s’installant en Cisjordanie ne cesse de baisser. Cependant, comme les milieux juifs religieux connaissent un taux de fécondité important, le nombre de colons augmente à vue d’œil.
Néanmoins, tout n’est pas perdu. Environ 80 % des colons juifs vivent dans les principaux « blocs » de colonies représentant à peine 4 % de la Cisjordanie. Les différents plans de paix envisagés (y compris celui de la Ligue arabe) prévoient tous des échanges mutuels de territoires permettant à Israël d’annexer ces colonies sans pénaliser les Palestiniens.
De plus, malgré la colonisation, deux gouvernements israéliens ont proposé de rendre la quasi-totalité des territoires occupés aux Palestiniens (Éhoud Barak en janvier 2001 ainsi qu’Éhoud Olmert en septembre 2008). Or, l’Autorité palestinienne a rejeté ces offres. Elle a également rejeté le plan de paix de Kerry-Obama (en mars 2014), qui prévoyait lui aussi un retrait israélien de la quasi-totalité de la Cisjordanie.
Enfin, Rachad Antonius continue d’assimiler l’existence d’Israël à une injustice coloniale. Il y a certes des similitudes entre Israël et les colonies européennes de peuplement — comme le Québec. Mais réduire le sionisme à un phénomène colonial est incroyablement simpliste. Cela revient à assimiler Jean Valjean à Al Capone !
Il est vrai que les Juifs israéliens se sont installés sur une terre habitée par un autre. Or, ils ne se sont pas installés en Palestine pour s’enrichir ou accroître leur puissance, ce qui est normalement le but du colonialisme.
Il y a deux raisons objectives qui justifient le retour des Juifs sur une partie (seulement) de la Palestine : ils étaient un peuple sans patrie, ce qui les privait du droit universel à l’autodétermination ; ils étaient persécutés. Le sionisme était donc une nécessité pour les Juifs en détresse.
Quant aux antisionistes d’extrême gauche (comme Shlomo Sand) qui affirment que l’État d’Israël aurait dû être créé en Allemagne (en raison de la Shoah), ils oublient que près de 500 000 Juifs s’étaient déjà réfugiés en Palestine avant le génocide.
Évidemment, l’opposition des Palestiniens à la création d’Israël était tout à fait compréhensible. Ils considèrent comme injuste le fait d’être privés d’une partie de leur territoire. Mais laisser les Juifs sans patrie et sans défense constitue également une injustice. Le partage du territoire demeure la plus équitable des solutions.
Quant à l’exode des Palestiniens entre 1947 et 1949, les nouveaux historiens israéliens, qui ont déboulonné les mythes fondateurs du pays, ont démontré que la réalité est plus complexe que ce qu’affirme la propagande israélienne (les réfugiés sont tous partis à l’appel des armées arabes) ou palestinienne (ils furent tous chassés). Dans environ 20 % des localités arabes, la population fut réellement expulsée. Ailleurs, ils ont fui les combats sans être autorisés à rentrer chez eux après la guerre.
Bref, pour paraphraser le regretté Amos Oz, figure emblématique du camp de la paix israélien, le conflit qui oppose les deux peuples n’est pas une lutte entre le bien et le mal, mais un affrontement entre deux légitimités, à l’image d’une tragédie grecque. La vision manichéenne de Rachad Antonius ne permet pas de saisir une telle nuance.
Le Devoir
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