Guerre des mémoires. Le hirak était une période
de communion nationale : des moments de
l’histoire nationale étaient célébrés dans la
joie. Le Congrès du 20 Août était une de ces dates
commémorées dans les marches du mouvement
populaire : des effigies de Abane Ramdane, Larbi
Ben M’hidi, Zighoud Youcef, entre autres, étaient
bien visibles dans l’espace urbain.
«Les jeunes du hirak s’étaient appropriés leur
histoire, la Révolution et ses symboles. Ils ont
surtout renouvelé le message d’Ifri, dans son esprit
rassembleur de tous les Algériens dans leur diversité
sur les traces de Abane. Le hirak unitaire et pacifique
a réitéré surtout un des principes clés du Congrès
de la Soummam : la primauté du civil sur le
militaire et l’édification de l’Etat démocratique,
social et civil», estime Saïd Salhi, vice-président de
la Laddh, et une des figures du mouvement populaire.
Cependant, ce tableau n’est pas qu’idyllique. Ces
moments de joie collectifs étaient parfois marqués
par l’apparition d’un discours clivant. Des marcheurs
portaient des slogans hostiles au congrès. Des
badissistes-novembristes, tels qu’ils se qualifiaient,
défendaient la «prééminence» de la Déclaration
du 1er Novembre et ses rédacteurs. Sur les plateaux
de télévision, mais surtout les réseaux sociaux, les
détracteurs du Congrès accusaient ses organisateurs,
particulièrement Abane Ramdane. «Il y a des parties
qui veulent provoquer une guerre des mémoires
entre les Algériens. Le danger, c’est que ces batailles
peuvent provoquer une guerre civile», enrage Rabah
Lounici, chercheur en histoire. Les attaques contre
le congressiste ne datent pas des mois du hirak.
Au lendemain de cet événement historique, Ben
Bella, membre de la délégation extérieure, adressa
un courrier au CCE où il s’opposait aux résolutions
du Congrès. Plusieurs années après, Ben Bella
reformulera les mêmes reproches, sur la chaîne Al
Jazeera, provoquant un tollé. Il se trouve que des
chercheurs en histoire reprennent le même discours
et considèrent que le Congrès «est un coup d’Etat»
qui visait «à éloigner les Algériens de leur religion»,
comme formulé dans la Déclaration du 1er Novembre.
«Aucun académicien sérieux ne peut nier l’apport du
Congrès à la Révolution. Malheureusement certains
rejouent les conflits apparus après ce Congrès. Pour
des raisons de pouvoir, le duo Mehsas-Ben Bella
n’avait pas accepté les résolutions d’un congrès
et l’émergence de nouveaux dirigeants. Nous ne
devons pas oublier que certains étaient actionnés
par l’Egypte, qui a refusé la formule qui dit que la
Révolution ‘‘n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres,
ni à Moscou, ni à Washington.’’ L’Egypte a cherché
à avoir des pantins dans la région. En réalité
c’est un combat entre les défenseurs d’une Algérie
indépendante et forte et ceux qui veulent soumettre
le pays à d’autres puissances», signale Lounici. Pour
le chercheur, les détracteurs du Congrès s’appuient
surtout sur des textes tels que les mémoires du
responsable des moukhabarat égyptien, Fathi Dib
(Abdel Nasser et la Révolution algérienne), qui
«considère que Nasser a donné son feu vert pour le
déclenchement de la guerre». «Il est tout de même
étonnant que des chercheurs donnent du crédit à
des textes de Dib, qui explique que Nasser lui a
demandé d’empêcher que des Kabyles occupent les
premiers postes à l’indépendance. D’où les attaques
qu’il leur a réservés dans son livre. Ce dernier, paru
au Caire en 1984, était dans toutes les librairies
du pays, alors que des écrits de Harbi et de Ferhat
Abbès étaient absents. Nous souffrons à ce jour de
l’histoire ‘‘idéologisée’’ enseignée dans les écoles,
d’où l’impossibilité épistémologique pour certains
chercheurs de se détacher de cette vision biaisée de
l’histoire du pays», poursuit le chercheur.
Pour Saïd Salhi, ceux qui veulent opposer le Congrès
de la Soummam au 1er Novembre sont de «mauvaise
foi» : «C’est le Congrès qui a acté l’intégration des
forces du Mouvement national qui ont ‘‘raté’’ le 1er
Novembre. C’est le Congrès qui a donné corps au
projet national et mis les bases de l’Etat national.
Pour ma part, j’assume pleinement et la Déclaration
du 1er Novembre et la Plateforme du Congrès de la
Soummam, qui est présidé pour rappel par le grand
Ben M’hidi, rédacteur en chef de l’appel du 1er
Novembre 1954. Gloire à nos martyrs.»
Nadir Iddir
de communion nationale : des moments de
l’histoire nationale étaient célébrés dans la
joie. Le Congrès du 20 Août était une de ces dates
commémorées dans les marches du mouvement
populaire : des effigies de Abane Ramdane, Larbi
Ben M’hidi, Zighoud Youcef, entre autres, étaient
bien visibles dans l’espace urbain.
«Les jeunes du hirak s’étaient appropriés leur
histoire, la Révolution et ses symboles. Ils ont
surtout renouvelé le message d’Ifri, dans son esprit
rassembleur de tous les Algériens dans leur diversité
sur les traces de Abane. Le hirak unitaire et pacifique
a réitéré surtout un des principes clés du Congrès
de la Soummam : la primauté du civil sur le
militaire et l’édification de l’Etat démocratique,
social et civil», estime Saïd Salhi, vice-président de
la Laddh, et une des figures du mouvement populaire.
Cependant, ce tableau n’est pas qu’idyllique. Ces
moments de joie collectifs étaient parfois marqués
par l’apparition d’un discours clivant. Des marcheurs
portaient des slogans hostiles au congrès. Des
badissistes-novembristes, tels qu’ils se qualifiaient,
défendaient la «prééminence» de la Déclaration
du 1er Novembre et ses rédacteurs. Sur les plateaux
de télévision, mais surtout les réseaux sociaux, les
détracteurs du Congrès accusaient ses organisateurs,
particulièrement Abane Ramdane. «Il y a des parties
qui veulent provoquer une guerre des mémoires
entre les Algériens. Le danger, c’est que ces batailles
peuvent provoquer une guerre civile», enrage Rabah
Lounici, chercheur en histoire. Les attaques contre
le congressiste ne datent pas des mois du hirak.
Au lendemain de cet événement historique, Ben
Bella, membre de la délégation extérieure, adressa
un courrier au CCE où il s’opposait aux résolutions
du Congrès. Plusieurs années après, Ben Bella
reformulera les mêmes reproches, sur la chaîne Al
Jazeera, provoquant un tollé. Il se trouve que des
chercheurs en histoire reprennent le même discours
et considèrent que le Congrès «est un coup d’Etat»
qui visait «à éloigner les Algériens de leur religion»,
comme formulé dans la Déclaration du 1er Novembre.
«Aucun académicien sérieux ne peut nier l’apport du
Congrès à la Révolution. Malheureusement certains
rejouent les conflits apparus après ce Congrès. Pour
des raisons de pouvoir, le duo Mehsas-Ben Bella
n’avait pas accepté les résolutions d’un congrès
et l’émergence de nouveaux dirigeants. Nous ne
devons pas oublier que certains étaient actionnés
par l’Egypte, qui a refusé la formule qui dit que la
Révolution ‘‘n’est inféodée ni au Caire, ni à Londres,
ni à Moscou, ni à Washington.’’ L’Egypte a cherché
à avoir des pantins dans la région. En réalité
c’est un combat entre les défenseurs d’une Algérie
indépendante et forte et ceux qui veulent soumettre
le pays à d’autres puissances», signale Lounici. Pour
le chercheur, les détracteurs du Congrès s’appuient
surtout sur des textes tels que les mémoires du
responsable des moukhabarat égyptien, Fathi Dib
(Abdel Nasser et la Révolution algérienne), qui
«considère que Nasser a donné son feu vert pour le
déclenchement de la guerre». «Il est tout de même
étonnant que des chercheurs donnent du crédit à
des textes de Dib, qui explique que Nasser lui a
demandé d’empêcher que des Kabyles occupent les
premiers postes à l’indépendance. D’où les attaques
qu’il leur a réservés dans son livre. Ce dernier, paru
au Caire en 1984, était dans toutes les librairies
du pays, alors que des écrits de Harbi et de Ferhat
Abbès étaient absents. Nous souffrons à ce jour de
l’histoire ‘‘idéologisée’’ enseignée dans les écoles,
d’où l’impossibilité épistémologique pour certains
chercheurs de se détacher de cette vision biaisée de
l’histoire du pays», poursuit le chercheur.
Pour Saïd Salhi, ceux qui veulent opposer le Congrès
de la Soummam au 1er Novembre sont de «mauvaise
foi» : «C’est le Congrès qui a acté l’intégration des
forces du Mouvement national qui ont ‘‘raté’’ le 1er
Novembre. C’est le Congrès qui a donné corps au
projet national et mis les bases de l’Etat national.
Pour ma part, j’assume pleinement et la Déclaration
du 1er Novembre et la Plateforme du Congrès de la
Soummam, qui est présidé pour rappel par le grand
Ben M’hidi, rédacteur en chef de l’appel du 1er
Novembre 1954. Gloire à nos martyrs.»
Nadir Iddir