Partie 1
(voir suite partie 2)
Depuis quelques temps, le sort des Ouïghours, ethnie musulmane de la région chinoise de Xinjiang, est l’objet de nombreuses publications et préoccupe aussi bien les gouvernements occidentaux que les médias traditionnels. Trois millions d’Ouïghours (sur une population de 10 millions) seraient enfermés dans des camps de concentration. Sur les réseaux sociaux, des vidéos et images choquantes de tortures et violences contre des personnes présentées comme des Ouïghours tournent en boucle. Il y a pourtant de sérieuses questions à se poser, tant le vrai et le faux semblent s’entremêler. Tentative de décryptage.
Attention aux faux sur les réseaux sociaux
Si nous voulons voir clair, il faut démêler le vrai du faux sur les accusations concernant la répression contre les Ouïghours. Une première mise en garde : attention aux « fake news ». Au niveau international, différentes initiatives de journalisme d’investigation, qui combattent la désinformation, ont démontré ces fausses (« fake »)informations. C’est surtout sur les réseaux sociaux que beaucoup de fakes circulent. Mais parfois ces informations fausses sont reprises par des blogs, ou même par la presse « traditionnelle ».
Sur cettehttps://www.investigaction.net/wp-content/uploads/2020/08/IMAGE-1-Enfants-
gel%C3%A9s-pour-organes.png vidéo, 300 enfants auraient été retrouvés – congelés vivant – pour récolter leurs organes. Le site Snoops a pu retracer l’origine de la vidéo. Un enfant chinois s’est noyé. Vu les températures élevés dans la région à ce moment là, les parents ont conservé le corps dans un frigobox rempli de glace, en attendant que les autorités arrivent. Le tweet original, posté par un supporter d’Azerbaïdjan de Trump, n’a jamais été retiré, malgré le fait qu’il a été prouvé que l’info était fausse. Elle a été retwettée près de 8 000 fois et vue plus de 440 000 fois.
https://www.investigaction.net/wp-co...%C3%A9sien.jpg
Cette autre vidéo montre un policier ou un militaire frapper sans merci un homme. Elle a été présentée comme « le traitement inhumain des Ouïghours dans les camps de concentration ». Le site 20minutes.fr a pu démontrer qu’il s’agissait d’un policier indonésien frappant un gangster. Un faux grossier donc mais la vidéo continue de circuler.
Cette image de violences contre un Ouïghour présumé a été publiée sur Facebook sur la page Erdogan in Deutschland. Le site allemand Correctiv.org a pu retrouver l’origine indonésienne de ces images. Il n’y a là non plus aucun lien avec la Chine, ni les Ouïghours.
Cette image d’une femme torturée a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle sera reprise via la page Erdogan in Deutschland. En réalité, cette photo est une mise en scène réalisée lors d’une action par la secte du Falun Gong. Il a à nouveau été prouvé qu’il s’agissait d’un faux, mais les images continuent à circuler.
Une campagne organisée
De nombreuses fausses informations circulent sur Internet. Et celles-ci ne viennent pas de nulle part, mais de personnes dont l’intention d’influencer l’opinion publique est claire. Plusieurs éléments confirment que cette campagne sur les réseaux sociaux est très organisée, et reçoit beaucoup de moyens. Ainsi Facebook a dû supprimer des centaines de faux comptes d’un réseau lié à l’Epoch Times, le site de la secte Falun Gong, qui a dépensé 9,5 millions dollar dans de publications pro-Trump (et anti-Chinois).[1] Certains sites turcs ont été actifs dans le démontage des fakes, et ont dévoilé tout un réseau à l’origine d’une campagne sur les réseaux sociaux à partir de 2019[2]. Cette tentative d’influencer l’opinion publique via les réseaux sociaux a un enjeu : organiser une pression de l’opinion publique pour que plus de pays suivent la ligne des États-Unis envers la Chine sur la scène internationale.
Un débat international
Le débat n’est pas nouveau, et se mène déjà depuis quelque temps au niveau international. Depuis 2019, ce sont surtout les États-Unis qui veulent parler des Ouïghours dans les instances internationales. A leur initiative, une résolution a été déposée aux Nations Unies, soutenue par 22 pays (surtout des alliés de l’OTAN) réclamant la condamnation de la Chine, accusée de violer les droits humains de cette ethnie musulmane. La situation humanitaire dramatique au Yémen n’a malheureusement pas reçue la même attention des États-Unis.
La responsabilité de leur allié saoudien dans cette catastrophe n’y est pas étrangère.
Une autre alliance de 50 pays a refusé de soutenir l’appel des États-Unis à condamner la Chine, et a fait une contre-résolution soutenant la Chine. Dont 22 pays à majorité musulmane, comme la Palestine, l’Irak, l’Iran, l’Algérie, le Pakistan, le Yémen, et même le Turkménistan…[3]
Cela peut être interpellant à première vue. Comment se fait-il que parmi la vingtaine de pays qui veut une condamnation de la Chine sous prétexte de défendre une minorité musulmane chinoise, on ne retrouve aucun pays à majorité musulmane ? Et comment se fait-il qu’autant de pays à majorité musulmane ont signé la résolution de soutien à la Chine ? Comment se fait-il que les États-Unis et la Grande Bretagne qui ont mis le feu au Moyen Orient pendant la première et la deuxième guerre du Golfe (contre l’Irak), et contre l’Afghanistan, causant la mort de centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, deviennent des défenseurs des droits humains… en Chine ? Comment se fait-il que Trump, qui contribue à créer un climat islamophobe aux États-Unis, fermant les frontières aux musulmans, devienne tout d’un coup un grand défenseur des droits des musulmans ?
En Belgique aussi, cette question se pose. Une résolution visant à condamner la Chine pour des prélèvements d’organes a été soutenue au Sénat par quasiment tous les partis, y compris les partis de droite et d’extrême-droite (Vlaams Belang). Comment se fait-il que des partis qui en Belgique interdisent le port du foulard, par exemple, deviennent des défenseurs des musulmans en Chine ?
Comprendre les enjeux géostratégiques
Pour comprendre cette situation contradictoire et paradoxale, il faut revenir en arrière sur le contexte géo-stratégique. C’est dans l’Extrême Orient que l’avenir se décide. La moitié de la population mondiale y habite. C’est le plus grand marché mondial. Et depuis peu, la Chine est devenue un challenger du pouvoir hégémonique des États-Unis. Les contradictions entre les États-Unis et la Chine s’aiguisent de plus en plus. Il y a la guerre commerciale qui se mène à coup de tarifs et de taxes douanières. Il y a une guerre d’influence politique qui se mène dans les instances internationales (Organisation mondiale de la Santé, Organisation Mondiale du Commerce, Nations-Unies), avec des menaces américaines d’arrêter de financer ou de carrément se retirer de ces institutions. Il y a la lutte pour le contrôle des ressources de matières premières (pétrole, mais aussi de plus en plus des métaux rares, dont la Chine est un des producteurs les plus importants). Et le Xinjiang, la région des Ouïghours, est un vrai carrefour d’oléoducs amenant le pétrole du Moyen Orient, et des routes sortant les produits chinois vers le Moyen Orient, la Russie et l’Europe. Un endroit clé pour faire mal à la Chine au niveau économique et commercial. Et finalement, il y a une lutte d’influence géostratégique, avec l’encerclement de la Chine par des bases militaires. En 2018, les États-Unis ont officialisé cette tension et désigné la Chine comme étant un ennemi stratégique. Depuis, on peut reconnaître de plus en plus de méthodes utilisées durant la Guerre Froide, cette fois-ci utilisées contre la Chine.
Des pays qui ont tiré les leçons des expériences passées
Cette confrontation entre les États-Unis et la Chine peut expliquer pourquoi des pays et des organisations musulmanes n’ont pas voulu suivre les tentatives américaines pour isoler et condamner la Chine. Les pays du Moyen Orient comme l’Irak, l’Iran, la Palestine ou le Pakistan se souviennent encore trop bien des ingérences de l’Occident dans leur région. Et ils ont vécu des campagnes médiatiques pour criminaliser leurs pays (ou dirigeants). Ils savent que dans une guerre (chaude ou froide) qui se prépare, la première victime est la vérité. L’Iran a « l’honneur » d’avoir été le premier pays où, en 1953, le Premier ministre Mohammad Mossadegh a été destitué par un coup d’État organisé par la CIA, et accompagné d’une campagne médiatique mensongère. La première Guerre du Golfe contre l’Irak a été préparée par le mensonge des « bébé-couveuse »[4]. Une jeune infirmière koweïtienne avait témoigné devant le Congrès américain d’actes horribles de l’armée irakienne en Koweït. Ce témoignage a suscité une grande émotion et a été décisif pour créer un climat dans lequel le Congrès américain a voté l’invasion. Cela a aussi créé un climat dans lequel ceux qui osaient remettre en question la version « officielle » étaient accusés d’être « pro-Saddam », pro-dictature et anti-droits humains. Après coup, il s’est avéré que cette jeune fille n’était pas infirmière, mais la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington. Ce témoignage faisait partie d’une campagne organisée par un bureau de relations publiques pour la somme de 10 millions d’euros.
Et la deuxième guerre du Golfe contre l’Irak a aussi été préparée par une campagne mensongère avec le ministre américain Colin Powell en tête d’affiche qui a avancé les soi-disant preuves de la présence d’« armes de destruction massives » de Saddam Hussein, justifiant ainsi l’invasion de l’Irak en 2003.
Celui qui ose remettre en question la version officielle est un traître
Les progressistes et pacifistes ont tiré des leçons de ces expériences. La diabolisation à outrance dans ce genre de situation sert à préparer les esprits à une confrontation, à justifier une réaction de l’Occident. La professeur de critique historique de l’ULB Anne Morelli en parle dans ses « 10 principes de la propagande de guerre » : « L’ennemi est le diable. » La manipulation des esprits aux guerres du Golfe ont appris qu’il ne faut pas trop vite croire le discours disant que « la cause est noble » quand les impérialistes et fauteurs de guerre commencent à parler des droits humains. Mais le plus dur dans un climat de campagne de désinformation massive, et quasi hégémonique, est d’oser aller à contre-courant. Car le dixième principe de la propagande de guerre, c’est d’intimider tous ceux qui osent remettre en question la version officielle en les accusant de traîtrise
(voir suite partie 2)
Depuis quelques temps, le sort des Ouïghours, ethnie musulmane de la région chinoise de Xinjiang, est l’objet de nombreuses publications et préoccupe aussi bien les gouvernements occidentaux que les médias traditionnels. Trois millions d’Ouïghours (sur une population de 10 millions) seraient enfermés dans des camps de concentration. Sur les réseaux sociaux, des vidéos et images choquantes de tortures et violences contre des personnes présentées comme des Ouïghours tournent en boucle. Il y a pourtant de sérieuses questions à se poser, tant le vrai et le faux semblent s’entremêler. Tentative de décryptage.
Attention aux faux sur les réseaux sociaux
Si nous voulons voir clair, il faut démêler le vrai du faux sur les accusations concernant la répression contre les Ouïghours. Une première mise en garde : attention aux « fake news ». Au niveau international, différentes initiatives de journalisme d’investigation, qui combattent la désinformation, ont démontré ces fausses (« fake »)informations. C’est surtout sur les réseaux sociaux que beaucoup de fakes circulent. Mais parfois ces informations fausses sont reprises par des blogs, ou même par la presse « traditionnelle ».
Sur cettehttps://www.investigaction.net/wp-content/uploads/2020/08/IMAGE-1-Enfants-
gel%C3%A9s-pour-organes.png vidéo, 300 enfants auraient été retrouvés – congelés vivant – pour récolter leurs organes. Le site Snoops a pu retracer l’origine de la vidéo. Un enfant chinois s’est noyé. Vu les températures élevés dans la région à ce moment là, les parents ont conservé le corps dans un frigobox rempli de glace, en attendant que les autorités arrivent. Le tweet original, posté par un supporter d’Azerbaïdjan de Trump, n’a jamais été retiré, malgré le fait qu’il a été prouvé que l’info était fausse. Elle a été retwettée près de 8 000 fois et vue plus de 440 000 fois.
https://www.investigaction.net/wp-co...%C3%A9sien.jpg
Cette autre vidéo montre un policier ou un militaire frapper sans merci un homme. Elle a été présentée comme « le traitement inhumain des Ouïghours dans les camps de concentration ». Le site 20minutes.fr a pu démontrer qu’il s’agissait d’un policier indonésien frappant un gangster. Un faux grossier donc mais la vidéo continue de circuler.
Cette image de violences contre un Ouïghour présumé a été publiée sur Facebook sur la page Erdogan in Deutschland. Le site allemand Correctiv.org a pu retrouver l’origine indonésienne de ces images. Il n’y a là non plus aucun lien avec la Chine, ni les Ouïghours.
Cette image d’une femme torturée a fait le buzz sur les réseaux sociaux. Elle sera reprise via la page Erdogan in Deutschland. En réalité, cette photo est une mise en scène réalisée lors d’une action par la secte du Falun Gong. Il a à nouveau été prouvé qu’il s’agissait d’un faux, mais les images continuent à circuler.
Une campagne organisée
De nombreuses fausses informations circulent sur Internet. Et celles-ci ne viennent pas de nulle part, mais de personnes dont l’intention d’influencer l’opinion publique est claire. Plusieurs éléments confirment que cette campagne sur les réseaux sociaux est très organisée, et reçoit beaucoup de moyens. Ainsi Facebook a dû supprimer des centaines de faux comptes d’un réseau lié à l’Epoch Times, le site de la secte Falun Gong, qui a dépensé 9,5 millions dollar dans de publications pro-Trump (et anti-Chinois).[1] Certains sites turcs ont été actifs dans le démontage des fakes, et ont dévoilé tout un réseau à l’origine d’une campagne sur les réseaux sociaux à partir de 2019[2]. Cette tentative d’influencer l’opinion publique via les réseaux sociaux a un enjeu : organiser une pression de l’opinion publique pour que plus de pays suivent la ligne des États-Unis envers la Chine sur la scène internationale.
Un débat international
Le débat n’est pas nouveau, et se mène déjà depuis quelque temps au niveau international. Depuis 2019, ce sont surtout les États-Unis qui veulent parler des Ouïghours dans les instances internationales. A leur initiative, une résolution a été déposée aux Nations Unies, soutenue par 22 pays (surtout des alliés de l’OTAN) réclamant la condamnation de la Chine, accusée de violer les droits humains de cette ethnie musulmane. La situation humanitaire dramatique au Yémen n’a malheureusement pas reçue la même attention des États-Unis.
La responsabilité de leur allié saoudien dans cette catastrophe n’y est pas étrangère.
Une autre alliance de 50 pays a refusé de soutenir l’appel des États-Unis à condamner la Chine, et a fait une contre-résolution soutenant la Chine. Dont 22 pays à majorité musulmane, comme la Palestine, l’Irak, l’Iran, l’Algérie, le Pakistan, le Yémen, et même le Turkménistan…[3]
Cela peut être interpellant à première vue. Comment se fait-il que parmi la vingtaine de pays qui veut une condamnation de la Chine sous prétexte de défendre une minorité musulmane chinoise, on ne retrouve aucun pays à majorité musulmane ? Et comment se fait-il qu’autant de pays à majorité musulmane ont signé la résolution de soutien à la Chine ? Comment se fait-il que les États-Unis et la Grande Bretagne qui ont mis le feu au Moyen Orient pendant la première et la deuxième guerre du Golfe (contre l’Irak), et contre l’Afghanistan, causant la mort de centaines de milliers de femmes, d’hommes et d’enfants, deviennent des défenseurs des droits humains… en Chine ? Comment se fait-il que Trump, qui contribue à créer un climat islamophobe aux États-Unis, fermant les frontières aux musulmans, devienne tout d’un coup un grand défenseur des droits des musulmans ?
En Belgique aussi, cette question se pose. Une résolution visant à condamner la Chine pour des prélèvements d’organes a été soutenue au Sénat par quasiment tous les partis, y compris les partis de droite et d’extrême-droite (Vlaams Belang). Comment se fait-il que des partis qui en Belgique interdisent le port du foulard, par exemple, deviennent des défenseurs des musulmans en Chine ?
Comprendre les enjeux géostratégiques
Pour comprendre cette situation contradictoire et paradoxale, il faut revenir en arrière sur le contexte géo-stratégique. C’est dans l’Extrême Orient que l’avenir se décide. La moitié de la population mondiale y habite. C’est le plus grand marché mondial. Et depuis peu, la Chine est devenue un challenger du pouvoir hégémonique des États-Unis. Les contradictions entre les États-Unis et la Chine s’aiguisent de plus en plus. Il y a la guerre commerciale qui se mène à coup de tarifs et de taxes douanières. Il y a une guerre d’influence politique qui se mène dans les instances internationales (Organisation mondiale de la Santé, Organisation Mondiale du Commerce, Nations-Unies), avec des menaces américaines d’arrêter de financer ou de carrément se retirer de ces institutions. Il y a la lutte pour le contrôle des ressources de matières premières (pétrole, mais aussi de plus en plus des métaux rares, dont la Chine est un des producteurs les plus importants). Et le Xinjiang, la région des Ouïghours, est un vrai carrefour d’oléoducs amenant le pétrole du Moyen Orient, et des routes sortant les produits chinois vers le Moyen Orient, la Russie et l’Europe. Un endroit clé pour faire mal à la Chine au niveau économique et commercial. Et finalement, il y a une lutte d’influence géostratégique, avec l’encerclement de la Chine par des bases militaires. En 2018, les États-Unis ont officialisé cette tension et désigné la Chine comme étant un ennemi stratégique. Depuis, on peut reconnaître de plus en plus de méthodes utilisées durant la Guerre Froide, cette fois-ci utilisées contre la Chine.
Des pays qui ont tiré les leçons des expériences passées
Cette confrontation entre les États-Unis et la Chine peut expliquer pourquoi des pays et des organisations musulmanes n’ont pas voulu suivre les tentatives américaines pour isoler et condamner la Chine. Les pays du Moyen Orient comme l’Irak, l’Iran, la Palestine ou le Pakistan se souviennent encore trop bien des ingérences de l’Occident dans leur région. Et ils ont vécu des campagnes médiatiques pour criminaliser leurs pays (ou dirigeants). Ils savent que dans une guerre (chaude ou froide) qui se prépare, la première victime est la vérité. L’Iran a « l’honneur » d’avoir été le premier pays où, en 1953, le Premier ministre Mohammad Mossadegh a été destitué par un coup d’État organisé par la CIA, et accompagné d’une campagne médiatique mensongère. La première Guerre du Golfe contre l’Irak a été préparée par le mensonge des « bébé-couveuse »[4]. Une jeune infirmière koweïtienne avait témoigné devant le Congrès américain d’actes horribles de l’armée irakienne en Koweït. Ce témoignage a suscité une grande émotion et a été décisif pour créer un climat dans lequel le Congrès américain a voté l’invasion. Cela a aussi créé un climat dans lequel ceux qui osaient remettre en question la version « officielle » étaient accusés d’être « pro-Saddam », pro-dictature et anti-droits humains. Après coup, il s’est avéré que cette jeune fille n’était pas infirmière, mais la fille de l’ambassadeur du Koweït à Washington. Ce témoignage faisait partie d’une campagne organisée par un bureau de relations publiques pour la somme de 10 millions d’euros.
Et la deuxième guerre du Golfe contre l’Irak a aussi été préparée par une campagne mensongère avec le ministre américain Colin Powell en tête d’affiche qui a avancé les soi-disant preuves de la présence d’« armes de destruction massives » de Saddam Hussein, justifiant ainsi l’invasion de l’Irak en 2003.
Celui qui ose remettre en question la version officielle est un traître
Les progressistes et pacifistes ont tiré des leçons de ces expériences. La diabolisation à outrance dans ce genre de situation sert à préparer les esprits à une confrontation, à justifier une réaction de l’Occident. La professeur de critique historique de l’ULB Anne Morelli en parle dans ses « 10 principes de la propagande de guerre » : « L’ennemi est le diable. » La manipulation des esprits aux guerres du Golfe ont appris qu’il ne faut pas trop vite croire le discours disant que « la cause est noble » quand les impérialistes et fauteurs de guerre commencent à parler des droits humains. Mais le plus dur dans un climat de campagne de désinformation massive, et quasi hégémonique, est d’oser aller à contre-courant. Car le dixième principe de la propagande de guerre, c’est d’intimider tous ceux qui osent remettre en question la version officielle en les accusant de traîtrise
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